Le sandre est rarement d’humeur très offensive car on sait qu’il chasse essentiellement la nuit, donc on le trouve le plus souvent repu et évidemment peu coopératif la journée à moins de tomber sur un moment de frénésie au levé du jour ou au coucher du soleil. La verticale s’exprime pleinement pour la pêche du sandre parce qu’elle va justement le chercher sur ses zones de repos, ce qui fait sa différence avec d’autres techniques. Le premier sandre pris en verticale est une délivrance car la quête est toujours longue, marquée par des moments de doute ou d’incompréhension.
Avant d’aborder la conduite du leurre et son animation, il est nécessaire de connaître plusieurs fondamentaux, et s’essayer à la verticale sans avoir à bord un sondeur est une quête qui relève du miracle. Pour une raison simple : la présentation optimale s’effectue sur le fond, dès lors si vous ne visualiser pas la topologie et le relief du fond il devient très hypothétique de trouver des zones susceptibles d’abriter un sandre ou tout autre carnassier. Il faut donc être en mesure d’interpréter la lecture d’un sondeur et les résultats seront intrinsèquement liés à votre capacité à repérer les zones propices et à visualiser la structure. Une vieille main, entendez par là un spécialiste, pour imager son propos, me rétorquait dans ma soif de connaissances : « Tu cherches des cèpes dans les prairies ? ». « -Heu… Non, on n’en trouve pas ! » « Et bien en verticale, tu peux balader ton shad pendant des heures, si tu ne sais pas où tu pêches, il va te falloir un sacré coup de pot pour tomber sur un sandre ! ». C’est une erreur classique de tout débutant qui se met rapidement en action sans avoir suffisamment d’éléments convergents permettant d’identifier une zone de pêche susceptible d’être occupée par des sandres. Certes, la trace caractéristique sur le sondeur de poissons décollés et la présence de poisson fourrage (quand on sait l’interpréter) facilite grandement la prospection. Mais ces conditions, si elles se rencontrent, sont loin d’être les situations les plus communes en verticale. Une priorité avant de passer à l’action : repérer les lieux.
Le moteur électrique pour la pêche en verticale
Deuxième élément prépondérant pour mener à bien sa prospection : le moteur électrique. C’est lui qui corrigera votre dérive et vous repositionnera correctement sur un spot, et il permettra également de réguler votre vitesse de déplacement. Il importe peu qu’il soit à l’arrière ou à l’avant et cela dépend forcément des caractéristiques de votre bateau et de son aménagement. J’ai un faible pour une conduite de l’avant peut-être en raison des conditions de pêche souvent venteuses, elle me permet une meilleure approche et une correction plus aisée de la dérive. L’I Pilot de Minn Kota a grandement facilité la prospection en verticale : mémorisation d’une route et de plusieurs points, ancre virtuelle, retour au départ de la prospection ou la possibilité de refaire la route à sens inverse. La technologie au service de la pêche qui permet de mieux se concentrer sur la prospection tout en gardant un œil sur le sondeur. Quand une zone intéressante est repérée, un premier passage peut-être réalisé avec un shad à une vitesse suffisante pour que l’appendice caudal rentre en action à une dizaine de centimètres du fond, puis un deuxième passage à vitesse réduite avec un leurre souple finess. Si la conduite du leurre se fait par des animations généralement lentes et de faibles amplitudes, il est quelquefois payant d’animer son leurre par des saccades plus rapides sans pour autant le transformer en un plomb palette !
Conduire le leurre en pêchant en verticale
Définir avec exactitude ce que doit-être la conduite du leurre est un exercice difficile car le verticalier est confronté à des cas de figure qui peuvent changer en quelques heures. Néanmoins, il y a (heureusement) des fondamentaux dans cette technique subtile et tactile. Une règle : une animation lente à une dizaine de centimètres du fond. Je sais que l’on est tenté de faire bouger ce bout de plastique qui se ballade à raz du fond et de lui donner un semblant de vie. Mais une des règles établies : il vaut mieux de pas animer son leurre que trop. C’est déstabilisant j’en conviens et l’on a du mal à comprendre qu’un sandre réagisse à cet intrus figé dans l’espace cristallin. Et pourtant, les résultats démontrent que c’est le plus souvent lors de l’arrêt qu’une touche intervient. Quelle explication plausible peut être avancée ? C’est une question lancinante que je me suis souvent posée. Je pense qu’en réalité le leurre n’est jamais vraiment statique même à faible vitesse ou sur un ancrage virtuel. Les courants, la profondeur, le maintien du leurre, la pression de l’eau sur la ligne, doivent quand même créer des frémissements, des mouvements peut-être imperceptibles pour nous, mais suffisants pour créer des signaux. On sait que les poissons perçoivent par leur ligne latérale une multitude d’informations de leur environnement, c’est un organe sensoriel très développé permettant de localiser la provenance des ondes produites par les mouvements d’eau. Il est donc autorisé de penser que la souplesse de notre leurre émet des signaux même sans véritable animation. Je pense aussi (je pense beaucoup manifestement !) que la réaction est plus souvent un réflexe de défense territoriale, et donc une action répressive, qu’un besoin alimentaire. C’est pour cela que la verticale s’exprime même quand l’activité des sandres est atone. Il n’est pas question que notre leurre fasse la danse de Saint-Guy ou se lance dans une chorégraphie virulente, non, on le décolle du fond par des tirées de faible amplitude plus ou moins lentes, il plane, s’immobilise, reprend contact avec le fond et s’élance de nouveau, marque un nouvel arrêt, redescend lentement. La touche peut-être violente cela arrive, mais elle est généralement discrète : un choc perceptible dans la ligne, une vibration de la tresse, une sensation de lourdeur, un arrêt lors de la descente… qui seront sanctionnés par un ferrage appuyé et ample. C’est une difficulté je l’accorde notamment pour un pêcheur inexpérimenté et beaucoup de sandres sont ainsi manqués si on se pose la question : s’agit il d’une touche ? Une quête longue souvent marquée par des déconvenues.
Mes premières sessions accompagnées furent douloureuses et pour cause : voir votre compagnon de pêche, fut-il un spécialiste en la matière, sortir plusieurs sandres sous votre nez alors que vous vous êtes pratiquement cloné pour adopter les même gestes a de quoi vous agacer copieusement. De rage (ou de désespoir c’est selon), j’ai posé la canne et observé. Et bien croyez moi, je l’ai vu ferré alors que rien ne me semblait le justifier. Une leçon d’humilité qui m’a permis de grandir si je puis dire et de comprendre que la perception d’une touche répond quelquefois à un sixième sens, une impression que seules des années de pratique permettent d’acquérir. Alors oui, la touche du sandre en verticale relève souvent d’un faisceau d’indices plus ou moins visibles et d’une concentration que les verticaliers d’expérience sont en mesure de percevoir.
La tête plombée pour la pêche en verticale
La tête plombée du type sabot et la plus usitée pour équiper votre montage car elle a l’avantage de présenter le leurre souple toujours dans une bonne position toujours dans l’axe même quand celui-ci est posé au fond et ne tombe jamais sur le côté droit ou gauche, et l’équilibre horizontal est toujours préservé. Bien sûr elle devra être en adéquation aux proportions du leurre, mais aussi à la profondeur pêchée. L’ami Jackie Farrona a une règle que j’ai adoptée en eaux closes qui ne prend pas en compte la force d’un courant : on divise la plombée par 2 pour avoir la hauteur maximum pour bien pêcher. Ainsi, avec une plombée de 14 gr, on pêche sur une hauteur d’eau de 7 mètres, avec une plombée de 18 gr : 9 mètres, ainsi de suite. Mais il faut prendre en compte d’autres éléments comme le courant, le vent, le grammage de la canne et d’autres critères qui relèvent plus des sensations personnelles. Une chose certaine : on ne surcharge pas inutilement son leurre notamment si on utilise ceux du type finess. A vous d’essayer plusieurs combinaisons en prenant en compte la règle énoncée, il est toutefois pour un débutant plus facile de pêcher plus lourd que trop léger. Un exercice qui n’est pas incompatible en verticale notamment quand le poisson est décollé ou tourne autour d’une boule de cyprinidés ou de perchettes. Nous y reviendrons dans un prochain article car la tendance est un peu comme les yaourts : light !
Le syndrome de la berge d’en face !
L’efficacité de la conduite du leurre repose, comme nous venons de le voir, sur de nombreux paramètres et pas seulement sur sa morphologie qu’il soit un shad sans flap caudal dénommé finess, ou classique. Il importe, et j’insiste, de repérer les zones propices et de réaliser des dérives parallèlement à la berge si l’on a identifié une cassure, à proximité d’anciennes souches ou de bois noyés, le lit d’un ancien ruisseau, un tombant, le vieux pont en pierre, seront des spots de premier ordre. Tenter un passage avec des actions minimalistes, puis un nouveau avec de plus grandes amplitudes. Changer votre shad avec caudale pour un finess. Rechercher la bonne combinaison, la vitesse de dérive efficace et modifier si nécessaire l’angle de présentation. Ne restez jamais dans une posture qui ne sera pas évolutive. Par exemple si vous repérez au sondeur des poissons décollés qui manifestement se désintéressent à votre leurre, optez pour le drop shop ou la tirette, mais de grâce ne courrez pas vers d’autres lieux sans avoir complètement quadrillé, essayé, épuisé tous les possibles sur un spot qui devrait être prometteur. L’erreur des débutants (je fus l’un d’eux rassurez-vous, je n’ai pas la science infuse !) et de passer beaucoup de temps à naviguer à la recherche de graal alors que l’on vient de passer sur une zone propice où plusieurs sandres sont au repos. Mais comme aucune touche ne vient corroborer cette présence supposée, on part sans avoir mis en œuvre toutes les possibilités qu’offre la verticale. Combien de fois, reconnaissons-le, un autre pêcheur nous interpelle à la mise à l’eau et exhibe un beau poisson avec ce commentaire : « Je l’ai pris, tu sais, vers l’arbre couché à 8 mètres en face de l’île ». Un poste où l’on était quelques heures plus tôt. C’est ballot !
Et même si la littérature et les vidéos sont nombreuses, rien ne remplacera votre persévérance, vos multiples tentatives, votre constance. Nous sommes tous passés par là avant d’enregistrer des résultats.