Comment pêcher les grosses carpes en période hivernale

Aborder la saison la plus froide de l’année est une gageure, un jeu difficile, parfois une pure utopie. Néanmoins, en ciblant des moments clefs, et des lieux d’activité, vous pourriez bien abattre une carte décisive, celle du gros poisson.      

Pêche des grosses carpes en hiver
L’hiver, la saison des grimaces et des gros poissons.

La rudesse de l’hiver est peu conciliable avec la pratique de notre passion de la pêche à la carpe. Se faire l’avocat du diable et prouver l’inverse serait tout bonnement mensonger. Car quoi que l’on en dise, quand la bise souffle et que le thermomètre descend durablement sous les 5° avec des journées à très faible luminosité, la carpe demeure peu active, voire pas encline du tout à se mouvoir, ni à s’alimenter. Braver le froid est une chose, casser la glace en est une autre ! Dans l’Est, les lacs sont pris sous une pellicule gelée une partie de l’hiver. Ailleurs, les crues et les intempéries font jouer les barrages au yoyo et dévaler des troncs d’arbres en surface des fleuves. La réalité du climat est implacable. Et s’il est de bon ton de se faire le chantre de la pêche hivernale ou de s’autoproclamer spécialiste du wintercapfishing… ce n’est clairement pas mon cas ! Même si j’ai toujours pratiqué quelques pêches hivernales sur un grand nombre de plans d’eau et de rivière différentes ; je ne suis pas un assidu de la pêche hivernale, et j’en trouve la logistique trop contraignante. Néanmoins c’est sur mes tentatives couronnées de succès que je souhaite m’appuyer pour éclairer ce sujet épineux. Et réaffirmer ainsi une certaine possibilité de pêcher la carpe en hiver. Comme nous allons l’évoquer, il faudra alors miser sur des valeurs très sûres et des postes très marqués, avec des appâts labellisés « confiance ».  

Pêche des grosses carpes en hiver
Gorille dans la brume. Il y a 10 ans déjà. Prendre une très grosse carpe rapidement sur un rassemblement hivernal peut remettre en question tous vos efforts de pêche de la belle saison.

Pêcher avec des appâts frais de qualité

D’été en hiver les appâts tombés au fond de l’eau ne rencontrent pas le même accueil. Plus les eaux sont chaudes, plus les appâts disparaitront vite. Sans cesse sous la menace d’une patte d’écrevisse ou d’une bonne bouchée de carrassin ; les appâts en été disparaissent comme dans un puit sans fond. A l’inverse, au cœur de l’hiver, un petit lit d’appâts placé au bon endroit travaille à merveille, sans trop subir les assauts répétés des espèces goulues non désirées. Du point de vue de la quantité d’appâts à gérer, la pêche hivernale de la carpe est clairement plus simple. Dans ces conditions, il ne faut pas hésiter à pêcher avec des appâts frais de qualité, d’une bonne marque reconnue pour son efficacité ou d’un artisan rouleur qui vend de belles références qui ont fait leurs preuves. Il est important de ne pas surestimer la capacité des carpes à ingurgiter nos appâts. Il ne faut pas hésiter à avoir la main très légère, avec parfois une vingtaine de bouillettes de 16mm par spot, dont la moitié réduite en farine. Les besoins alimentaires sont très limités en hiver. Et je ne compte plus le nombre de fois où j’ai pêché la carpe avec une simple boite de maïs doux durant une journée froide. Il faut en effet tenir compte des besoins alimentaires très réduits de notre cyprin favori dont le métabolisme a changé. L’hiver néanmoins, nous avons une carte à jouer et certaines options s’offrent à nous.

Pêche des grosses carpes en hiver
Appâts frais de rigueur en hiver. On n’a besoin de si peu d’appâts que faire une économie sur ces derniers n’est pas du tout viable !

Option rivière à grand gabarit

En fin d’hiver 2017 le Rhône avait la tête des mauvais jours. Il déroulait sa masse d’eau à 8 degrés selon un débit imperturbable à 1200 m3/seconde, quelques débris en surface et pas l’ombre de l’activité d’un poisson. Mais l’envie d’aller pêcher était trop forte et sous le regard médusé des castors du coin, je tentais une nuit en exploitant un contre-courant de bordure dans une mini crue. Je ciblais surtout le fond de la première belle cassure dans 5 mètres d’eau, à 10 mètres du bord. Par habitude et suite à des touches dans cette profondeur. Cette constante simplissime m’a rapporté pas mal de beaux poissons de 13 à 21 kilos sur le fleuve Rhône en cette fin d’hiver. C’est véritablement mi-mars que la nature se réveille complètement et que l’on commence à prendre de belles carpes miroirs pleines de parasites. On imagine aisément que ces carpes stagnent de si grands moments au fond du fleuve qu’elles sont assaillies par ces petits colonisateurs. Mais il est clair qu’avec la hausse des températures globales du fleuve, le point de rupture entre la léthargie et la reprise d’activité de la carpe a évolué. Des opportunités se créées en plein hiver pour prendre de la carpe. Le 17 février 1969, le Rhône à Lyon affichait 4,5 degrés. On est bien en peine de retrouver de telles températures de nos jours. Les catastrophes écologiques annoncées de demain sont les petites opportunités halieutiques d’aujourd’hui… On le sait à présent et cela a été prouvé : le fleuve qui s’écoule da la Suisse jusqu’à la mer Méditerranée est frappé du réchauffement climatique. Les activités humaines sont bien entendues en cause. Les rejets des centrales nucléaires ont un puissant effet thermique. Globalement plus votre rivière est à grand gabarit, plus elle sera réchauffée par les industries et les centrales qui la bordent.  

Option canal et darse, des plans B 3 étoiles

Le poste idéal pour moi est une pointe de darse, de laquelle on peut multiplier les possibilités. De cette façon, on peut tirer 2 lignes en rivière et 2 lignes en darse. Dans cette configuration, on peut même réussir de très belles pêches en pleine crue. Mais à vrai dire les sauves bredouille hivernaux me sont le plus souvent venus d’un canal. Et sans tourner autour du pot, les postes clefs étaient des trous de bordure qui marquaient encore plus nettement la première cassure du bord. Exactement en extrême bordure profonde sur une zone d’hivernage identifiée. C’était limite, mais jouable : les carpes étaient suffisamment enclines à bouger de quelques mètres pour aspirer une bouchée et suffisamment engourdies pour être lentes au démarrage de combat, d’autant qu’elles n’avaient pas l’habitude de se faire piéger sur ce type de poste difficilement exploitable et peu accessible. Le jeu consistait à hisser la carpe dans l’épuisette avant même qu’elle n’ait l’idée de combattre dans le bois mort. C’est possible quand on a moins de 4 mètres de bannière déroulée et que l’on courbe la canne immédiatement. S’en suit un énorme remous de surface, une carpe désorientée et un filochage express. Plus tard, avec un copain, nous avons appelé ce spot, « Le Spot », tellement il se révélait délicieusement surréaliste. On pouvait réellement se demander si le fil sorti des scions n’allait pas se nicher sous la berge creusée ! Plus près du bord, tu meurs !  Après 20 ans de pêche, nous venions d’apprendre qu’une autre pêche était possible. Une canne chacun sur un pique, main sur le blank ; plombée de 40 grammes avec 4 grains de maïs doux. L’œil rivé sur le scion. Ferrage à chaque mouvement suspect ! Cela nous a valu des capots mais surtout quelques pêches mémorables et des records.

Pêche des grosses carpes en hiver
Il ne faut pas trop fantasmer sur la pêche de la carpe en hiver. La météo dicte presque toujours sa loi. Ici une carpe de taille moyenne qui a été l’unique sauve bredouille.

Le quitte ou double hivernal

En hiver la majorité des poissons ont une propension à se regrouper. On connait bien cette tendance avec les boules de silure ou avec les bancs de gardons. Pour les carpes, c’est pareil, une concentration s’opère à un moment de l’année. Ce n’est pas systématique non plus. Mais bien souvent, le phénomène est un rapprochement vers des zones de confort et de sécurité. En hiver cela vaut le coup de sillonner une rivière pendant des après midi entiers et de faire un gros travail de repérage car vous pourriez bien dénicher à votre tour le méga spot de rassemblement. Il sera le plus souvent juste en marge du courant, sous des amas de bois, dans une profondeur moyenne. Il m’est arrivé de prendre un de mes plus gros poissons de l’année, lors d’une pêche courte hivernale. C’est déstabilisant ! Car cela remet en cause tous les efforts fournis à la belle saison ! Et cela prouve que l’hiver est aussi la saison des records. On l’a écrit maintes fois, le courant continu d’une rivière oblige tout de même les carpes à se mouvoir et à lutter par moment contre des courants plus ou moins forts. C’est sur cette dynamique qui crée une dépense énergétique que nous misons pour prendre « presque » 12 mois sur 12 des carpes fluviatiles. Les grosses carpes n’échappent pas à la règle. Et pire pour elles, ces estomacs sur nageoires semblent avoir un besoin alimentaire supérieur aux autres. Alors n’hésitez pas à repérer beaucoup et à pêcher un peu et de manière ciblée. On peut observer du marsouinage et une activité d’hiver relativement forte parfois dans seulement 8° quand on est sur le point stratégique de la rivière. A l’inverse de l’été, période durant laquelle un poisson peut parcourir plusieurs kilomètres en une seule nuit, en hiver, 90 % du travail consiste à localiser un regroupement de carpe ! Le reste n’est que littérature…

Pêche des grosses carpes en hiver
En hiver, certains poissons continuent de visiter de jolis trous de bordure. C’était la touche à ne pas manquer pour mon ami Pierrick !

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