Depuis plusieurs années déjà, j’ai l’habitude de pêcher les daurades royales aux leurres durant les mois de mai et juin notamment où elles viennent chasser de petits mulets en côte rocheuse en Méditerranée. Ayant remarqué qu’une récupération très lente engendrait les meilleurs résultats, j’utilise essentiellement des petits minnows comme le Jib 90 Sp ou le Flashminnow 80 SP quand je les recherche spécifiquement.
La pêche de la daurade royale aux leurres n’a jamais été très pratiquée. Pourtant à certaines périodes de l’année, que ce soit en étang ou en mer, il est possible d’en prendre régulièrement. Aux mois de mai et juin, ces poissons viennent fréquemment chasser du fretin sur des plages de galets en côte rocheuse pendant la nuit. Ces chasses ne sont pas très discrètes, les daurades claquent souvent violemment en surface pour se saisir d’un mulet égaré, et l’on se dit que ce dernier va passer un sale moment sous la pression des mâchoires de ces sparidés.
La découverte
J’avais découvert complètement par hasard ce comportement peu connu de la daurade, ce qui est souvent le cas quand on fait une telle découverte. Un soir d’avril 2009, alors que je pêchais le loup, j’en pris une de près de deux kilogrammes avec un Jib 90 SP (Smith) alors que je peignais consciencieusement la bordure d’une plage de galets où les loups viennent parfois chasser durant la nuit. Je ne serais d’ailleurs vraisemblablement pas aller pêcher ce soir-là ! En effet, la mer était calme et ce n’est pas du tout mes conditions de pêche préférées pour traquer le loup. Sauf que le directeur général de Smith Europe et le représentant de la marque pour le sud de la France étaient de passage dans ma région et m’avaient demandé de les amener pêcher le loup… Pris au dépourvu avec de telles conditions de mer, je les amenais sur une zone de galets en côte rocheuse où je prenais parfois quelques poissons au leurre, mais pas avec une mer d’huile, ce qui était le cas ce soir-là. Il y avait moins de 50 cm de fond sur la zone en question, et ma surprise fut énorme de me retrouver avec une daurade royale de deux kilogrammes attelée au bout de la ligne après quelques lancers. Je pensais d’ailleurs sur le coup à une méprise même si la daurade était bel et bien piquée par la bouche. Revenant sur les « lieux du crime » quelques semaines plus tard toujours dans le but de prendre un loup, ce ne sont pas une mais quatre daurades qui se jetèrent sur mes leurres lors d’une soirée mémorable, comme on en vit rarement dans une vie de pêcheur : les chasses éclataient de partout, je pris aussi deux loups, et de nombreux poissons aux sourcils d’or furent décrochés ce soir-là. Je n’en revenais pas, tous les poissons dépassaient largement le kilogramme et certains arrivaient même à deux ! Désormais, il était évident que ce n’était pas un coup de chance ou un comportement exceptionnel du poisson, mais une habitude régulière. Consultant des manuels spécialisés en ichtyologie et des études faites sur ce sparidé, je ne fus qu’à moitié surpris de constater que tous décrivaient la daurade royale comme un poisson partiellement ichtyophage… en d’autres mots : elle consomme régulièrement du poisson. Ainsi, durant les années suivantes, chaque sortie sur cette zone était l’occasion de toucher des sparidés durant les mois de mai et juin. Les plus gros poissons pris de la sorte atteignirent 3 kilogrammes pour 60 cm de longueur, la taille moyenne tournant autour de 3 livres.
Quel fils et leurres pour pêcher la daurade aux leurres
J’optais pour l’utilisation d’un fil hybride, le FHP (Paralellium) qui permettait non seulement de mieux percevoir les touches qui peuvent être tout aussi discrètes que violentes selon l’humeur des poissons, mais aussi d’appuyer les ferrages avec efficacité afin de bien faire pénétrer le triple dans la bouche particulièrement dure de ce poisson. Les leurres utilisés étaient des leurres à bavette de 8 ou 9 cm : Jib 90 SP ou Flashminnow 80 SP par exemple. Les leurres suspending (de densité neutre) restant sur place à l’arrêt étaient ramenés de façon linéaire, très lentement. Cette façon de faire semble être celle qui permet d’assurer le plus de prises de ces « belles de nuit ». L’avantage d’utiliser un leurre suspending est qu’il permet une vitesse de récupération très faible, elle doit être à peine suffisante à le faire nager. Un leurre flottant ou un modèle coulant ne permettent pas ce ramener extrêmement lent en linéaire. J’écrivais à l’époque (été 2009) le premier article sur la pêche de la daurade royale au leurre dans le numéro Hors Série estival du magazine des Voyages de Pêche, une première dans la presse halieutique sur ce sujet ! L’article fut différemment apprécié, je passais du génie au mythomane selon l’ouverture d’esprit des commentateurs. C’était assez drôle, mais rassurez-vous je ne suis ni l’un ni l’autre. J’ai eu tout simplement la chance de me retrouver par hasard au bon endroit au bon moment, je le reconnais humblement.
Quel matériel utiliser ?
Pour rechercher ces poissons, une canne habituellement utilisée pour traquer le loup en étang est ce qui convient le mieux. J’ai la chance de posséder une Smith Dancing Bream qui fût mise au point par les Japonais pour pêcher la daurade au leurre. Malheureusement, elle n’est plus fabriquée depuis quelques années. Il faudra donc se tourner vers des modèles de 2 m à 2,50 m destinés à la pêche du loup en étang salin pour trouver son bonheur : une puissance 5/20 g ou 5/25 g conviendra parfaitement. Un moulinet de taille 3000 avec une récupération au tour de manivelle pas trop importante sera le meilleur choix pour compléter l’ensemble. Depuis 2009, j’ai essayé toutes sortes de leurres et si j’ai pris quelques poissons au leurre souple (Black Minnow, One Up Shad, Flash J Shad notamment), je n’ai pas trouvé mieux qu’un petit minnow suspending ramené lentement en linéaire. Les imitations de crabes et les craws n’ont rien donné à ma grande surprise. Mais en analysant un peu ce qui se passe, cela semble logique : les daurades se déplacent sur ces hauts-fonds pour chasser des petits mulets, et elles sont donc plus réceptives sur des imitations de petits mulets. La logique est imparable. Attendez-vous à des combats plus que musclés ! Après avoir longtemps pêché sur des fils hybrides, j’utilise désormais de la tresse car elle permet de mieux pénétrer au ferrage. On rate ainsi beaucoup moins de poissons, à condition de bien régler son frein en cours de combat. S’il doit être un peu serré au départ pour faciliter le ferrage, il va falloir rapidement le régler pour éviter de casser sur les premiers rushs qui sont toujours d’une violence rare ! A ce propos, il faut absolument changer les hameçons des poissons nageurs, cela évitera de perdre un poisson sur un hameçon ouvert. Optez pour des triples Owner ST 41. Un bas de ligne en 25/100ème est un minimum pour faire face à ces poissons en côte rocheuse.
Pêches expérimentales
Les années passant, il apparait évident qu’une soirée sans vent et une mer belle permettent de bénéficier des conditions idéales pour espérer leurrer une daurade. La période de la pleine lune n’est pas très bonne en général, même s’il reste possible d’en toucher. La recherche de la daurade royale au leurre est à privilégier dès que l’eau franchit la température de 18°. Vos chances de captures seront décuplées dès que l’eau va commencer à chauffer. Sur une année normale, on peut donc cibler la période allant de mi-mai à fin septembre, voire octobre au vu de l’évolution actuelle du climat. Il est ici question de pêche de nuit. Pour ce qui est de les prendre au leurre en journée, j’avoue ne pas trop avoir étudié la question. Ce qui est sûr, c’est qu’elles ne se tiennent pas sur les postes où je les pêche de nuit. La clarté de l’eau permettrait de les voir sans souci. En étang salin, il est possible d’en prendre également, de nuit comme de jour. Des copains ont connu un certains succès en lagune en utilisant le Jib 90 SP de nuit sur des zones peu profondes (environ 1 mètre de profondeur) en pratiquant comme moi une pêche extrêmement lente. Il semblerait cependant que les résultats soient irréguliers d’une année sur l’autre sans pouvoir en comprendre la raison. Sur l’étang de Thau dans l’Hérault, des captures régulières sont faites en utilisant des petits jigs ou des leurres souples en pleine journée. Les canaux languedociens reliant les étangs entre eux et le canal du Rhône à Sète, tout comme les graus offrent aussi un terrain de jeu intéressant où ces poissons répondent bien sur des imitations de worms animées à proximité du fond, que ce soit de jour ou de nuit. Cette pêche est une déclinaison du rock-fishing et se pratique avec des leurres souples de petite taille en général. En Espagne, sur les étangs adjacents du delta de l’Ebre, des daurades sont prises régulièrement au leurre de surface, ce qui est très surprenant. J’ai eu vent de captures aléatoires de la même manière en Roussillon mais c’est quand même beaucoup moins régulier que sur le delta de l’Ebre. Il apparait que ces poissons sont bien plus complexes à cerner qu’on ne le pense. En bateau, ils se prennent très bien au madaï que ce soit en mer ou en lagune, mais peut-on encore parler de pêche au leurre dans le cas où un appât naturel est accroché à l’hameçon ? Ce qui semble évident en tout cas, c’est que ce poisson est un véritable défi pour le pêcheur au leurre. Et ce n’est pas un hasard si de plus en plus de pêcheurs se penchent dessus. Ainsi, on voit se développer sur Internet des tas de pages ou de vidéos consacrées à la pêche de ce poisson au leurre, phénomène qui n’existait pas il y a encore une dizaine d’années.
Cette pêche, si elle requiert de la patience et un peu d’expérience de la part du pêcheur n’en est pas moins fascinante et passionnante. Nous n’en sommes qu’aux débuts, et le terrain à défricher est encore immense. N’oubliez pas que c’est en pêchant différemment des autres que l’on capture des poissons différents. Maitriser cette pêche de la daurade royale au leurre est sans doute l’ultime défi pour le pêcheur au leurre en eau salée, tant le champ des possibles est ouvert à celui qui va y passer un peu de temps et s’en donner les moyens ! Cette belle aux sourcils d’or n’a pas fini de nous émerveiller.