La pêche de la carpe peut se pratiquer tout au long de l’année sur le domaine publique, malgré tout peu de pêcheurs osent affronter les rigueurs de l’hiver. Même s’il est vrai que les conditions météorologiques sont souvent difficiles à affronter, la saison froide rapporte régulièrement son lot de beaux poissons aux courageux qui ont risqué l’aventure. Couvrez-vous chaudement et suivez-moi dans cette pêche marginale, cette pêche atypique pour fanatiques….
En partant du postulat qu’on ne pêche vraiment bien que si l’on est opérationnel, vous ne devez en aucun cas négliger l’impact du froid sur votre moral et donc votre détermination car cette dernière sera votre meilleure alliée durant vos pêches. Je vous recommande également de pratiquer votre loisir en binôme afin que chacun puisse motiver son ami lors des moments de doute mais également par question de sécurité. Votre protection thermique est, et doit rester votre priorité. N’hésitez pas à investir dans des vêtements chauds et qui ont fait leurs preuves. Pour cela, orientez vous vers les rayons d’alpinisme ou encore certains vêtements de randonnée. Vous avez également la possibilité de vous équiper d’un ensemble salopette/veste « pêche » développé par certaines grandes marques halieutiques. C’est une affaire de choix, et bien souvent de budget.
Une logistique sans faille
Je ne suis pas partisan d’utiliser un chauffage de biwy et cela pour deux raisons. La première est que lorsque celui-ci sera éteint, le froid se fera plus pressant car votre corps aura été habitué à une douce chaleur. La seconde est en rapport avec les risques inhérents à certains chauffages qui peuvent produire du monoxyde de carbone, un gaz inodore mais bel et bien mortel. Les nuits sont très longues et glaciales et un duvet de qualité vous permettra de passer d’agréables moments de réconfort. Le choix de la nourriture doit être judicieux. Oubliez les petites salades composées, la saison ne s’y prête pas à part peut être pour conserver longuement vos victuailles. Les plats de nos grands-mères seront prioritairement choisis pour leurs nombreuses calories. Pour ne citer que quelques uns qui m’accompagnent j’opterais pour les soupes repas, la fondue savoyarde, le cassoulet et autres spécialités régionales réputées. Bien manger c’est également bon pour le moral ! Les réchauds à gaz ont la fâcheuse tendance à être peu performants en conditions hivernales, aussi j’ai investi dans un réchaud à essence C qui produit une puissance de feu sans égal. Voici pour les grandes lignes de la logistique hivernale.
Le choix du terrain de jeux
Tous les lieux ne se prêtent pas à la pratique de notre passion durant l’hiver. De prime abord je bannirais ceux de très faible profondeur. Non pas qu’il n’y aura pas de possibilité de faire quelques poissons mais surtout parce que les variations de températures seront beaucoup plus marquées et donc néfastes pour notre pêche. En effet, même un relatif radoucissement ne m’a jamais apporté un surcroît de résultat en plan d’eau peu profond, seules les situations stables semblent aptes à permettre des prises régulières. Le plus sûr pour affronter cette période est de se tourner vers un plan d’eau que vous connaissez comme votre poche et bien souvent proche de votre domicile ce qui vous permettra de préparer au mieux votre session nous le verrons plus loin. Il ne faut pas se voiler la face, tout est plus compliqué en hiver. Le repérage, la stimulation des poissons, la vie au bord de l’eau ne sont que quelques paramètres qui sont beaucoup plus ardus en saison froide. Choisir un plan d’eau connu vous permettra de gagner en temps et en efficacité. Vous connaîtrez déjà les tenues, les habitudes de ses habitants ainsi qu’une proximité qui vous simplifiera la vie. Je dirais que le plan d’eau idéal ne devrait pas dépasser 30ha et disposerait d’une zone profonde immédiatement proche d’une zone peu profonde. Vous pourrez ainsi disposer de différentes configurations et donc coller au mieux aux conditions du moment. Je laisse volontairement les rivières de côté dans cet article bien qu’elles représentent un choix de tout premier ordre car les poissons sont obligés de se maintenir en activité et de dépenser de l’énergie à cause du courant. Malheureusement, les crues traditionnelles de cette période compliquent sérieusement la donne et ne rendent pas aisés les débuts dans cette pratique pour esthètes…
Stratégies et appâts
En matière d’appâts, nombre de pêcheurs ne jurent que par les birdfood et bannissent les farines de poisson car l’eau est froide. Leurs explications se basent sur le fait que l’on doit favoriser les échanges avec l’environnement aquatique afin d’être plus attractif et rester dans un profil facile à digérer en cette période froide. Je dirais qu’ils ont raison mais également qu’ils passent à côté de certaines choses. Pourquoi se priver de l’attrait mille fois prouvé de nos cyprins favoris pour les fishmeal ? Le choix de l’appât devra surtout être défini en fonction de la stratégie de pêche. La stratégie reine pour moi en hiver est sans conteste l’entretien d’un poste sélectionné dès l’automne lorsque les poissons sont encore actifs quotidiennement. Dans cette démarche, une bouillette équilibrée (souvent la même qu’utilisée le reste de l’année) sera toute indiquée. Vous maintiendrez ainsi une activité régulière tout au long de l’hiver et, si votre choix est judicieux, parviendrez à créer une zone de tenue hivernale avec tous les avantages d’une telle situation. Ici, les fishmeal seront vos meilleures alliées. La seule chose à ne pas oublier est d’espacer vos amorçages d’entretien au fur et à mesure de la chute des températures. Seconde possibilité, vous ne souhaitez pas vous lancer dans un entretien régulier d’un poste précis. Dans ce cas, effectivement vous devrez jouer à fond la carte de l’attraction. Les bouillettes aérées seront ici à employer systématiquement ou presque. Gorgées d’attractants, elles auront pour mission de stimuler les poissons passant à proximité de vos friandises. Nous parlons de friandises car dans un contexte tel que celui-ci vos offrandes devront avant tout stimuler les sens olfacto-gustatif des ces dames. Les booster, dips et autres stimulateurs seront vos meilleures armes. L’aspect visuel peut vous aider à déclencher quelques touches supplémentaires mais combien de poissons se détourneront de votre appât car celui-ci est trop agressif visuellement ? J’ai testé régulièrement les appâts fluos et je dois avouer qu’ils m’ont rapporté à chaque fois de bien piètres résultats par rapports à ceux de couleurs plus en accord avec dame nature. J’aimerais lancer le débat sur ce point. Où est la logique lorsque la mode va au camouflage à outrance de nos montages pendant que parallèlement on nous exhorte à jouer avec des appâts tout droit sortis des pires films de science fiction ?
Montages adaptés
Au bord de l’eau, votre stratégie est définie et vous voilà face à votre boîte à accessoires. Mille questions vous assaillent quant à l’élaboration de votre montage. Dois-je affiner ma ligne ? Dois-je être hyper camouflé ? Dois-je utiliser un hameçon de petite taille ? Que sais-je encore. Trêve de contorsion de votre cortex cérébral. Le montage que vous utilisez à longueur d’année, à défaut d’être parfait en toute saison sera assurément suffisant pour ferrer une carpe d’hiver. Malgré tout soyez très affûtés, si je peux m’exprimer ainsi, concernant le piquant de vos hameçons. Lorsque le poisson se sera saisi de votre esche ses mouvements seront moins violents qu’en saison chaude, aussi celui-ci devra accrocher à tous les coups suffisamment de chair pour vous permettre d’arriver sur la canne et ferrer. Un montage semi-coulissant sur une dizaine de cm couplé à un plomb de fort grammage aidera à déceler la touche mais également à assurer un ancrage suffisant de votre hameçon. Bien entendu, vous aurez pris soin de choisir ce dernier de taille respectable afin de crocheter le maximum de partie charnue. Seule entorse à mes démarches en saison plus clémente, l’allègement de mon appât. Non pas pour des raisons mécaniques mais pour obtenir une meilleure présentation sur un fond très souvent recouvert de feuilles et autres débris qui ne sont pas encore décomposés. Le point véritablement crucial sera la détection des touches bien souvent très timides en cette saison. Ne vous attendez pas à des runs de folie car les poissons sont passablement engourdis. De même les combats ne ressembleront pas à ceux que vous avez l’habitude d’effectuer à la belle saison. Bien souvent (quelques exceptions peuvent survenir j’en conviens), cela se résumera à une simple traction d’un poisson jusqu’à votre épuisette. Ne vous en chagrinez pas outre mesure, car l’essentiel est ailleurs. Le mérite d’avoir bravé les intempéries et réussi à décider une carpe à se saisir de votre appât comblera mille fois votre déception au combat.
Prendre soin de ses prises
Voilà, l’objet de votre quête se trouve face à vous. La belle arbore ses plus beaux atours en cette saison bénie. Elle est sans doute à son poids le plus important mais l’essentiel est ailleurs. Vous venez de capturer votre première carpe hivernale. Il ne s’agit peut être pas de votre record personnel mais elle compte davantage que beaucoup d’autres tant sa quête à nécessité de sacrifices et de souffrances. Malgré toute la magie qui entoure cette capture, n’oubliez pas que votre promise est particulièrement fragile en cette saison hors de son élément. Le gel sans doute présent risque d’endommager de manière irréversible ses branchies. Aussi, limitez les manipulations hors de l’eau et vous limiterez ainsi les histoires d’amour qui se finissent mal. La mise au sac ne pose guère de soucis en cette saison, en tout cas beaucoup moins qu’en été avec une eau très chaude et pauvre en oxygène. Choisissez une zone suffisamment profonde pour mettre au sac cette dernière avant la séance photo si vous souhaitez immortaliser l’instant avec un superbe lever de soleil dans un cadre gelé.
J’espère vous avoir donné l’envie de tenter l’aventure car elle en vaut véritablement la chandelle. Une pêche pour fanatiques, une pêche authentique où seuls les plus passionnés oseront passer le pas. Le côté initiatique de la démarche vous emplira d’une satisfaction sans limite lorsque vous toucherez enfin l’objet de vos désirs. Une carpe d’hiver, plus qu’une autre capture est à tous les points de vue une sorte de sacrement, de Graal auquel tout à chacun peut prétendre dès lors que le feu de la passion brûle en lui. N’hésitez plus et lancez vous dans cette quête…