Le changement climatique est une réalité, et il n’y a que quelques obscurs politiciens et scientifiques qui s’obstinent à le contester. Cycle naturel de la terre pour certains, raison purement économique pour d’autres. Que l’homme impacte l’environnement est une lapalissade dont tous les pêcheurs ont conscience, il suffit de voir l’état de nos rivières et de nos lacs pour s’en convaincre !
Le climat de la Terre se modifie rapidement et les températures moyennes relevées ces dernières années ont été les plus chaudes jamais mesurées. La vitesse du réchauffement observée depuis 50 ans est environ deux fois plus rapide que celle observée au cours des 100 dernières années. L’augmentation des températures globales s’accompagne de modifications dans la dynamique et la répartition des précipitations. Par exemple, en Europe, on observe une augmentation de la pluviométrie dans les régions les plus au nord et au contraire une baisse dans les zones gelées une partie de l’année.
Les rivières et les lacs présentent des bouleversements liés à ce changement climatique. Le climat se caractérisant sur une période d’au moins 30 ans (OMM), le réchauffement climatique ne peut s’observer que sur une échelle de temps relativement longue. Il existe des chroniques sur plusieurs siècles pour les températures de l’air mais les mesures régulières faites dans les lacs remontent rarement au-delà de 20 à 30 ans… Pour ces écosystèmes il est donc souvent délicat d’imputer, sans ambiguïté, les changements observés au réchauffement climatique global. En revanche, ces séries temporelles permettent facilement de mettre en évidence l’impact de l’évolution des conditions météorologiques, elles-mêmes influencées par ce changement global. Si nous ne pouvons mesurer les impacts sur notre planète et ses différents écosystèmes, les pêcheurs, eux, ont depuis plusieurs années constaté cette évolution avec un dérèglement de la pluviométrie, mais aussi sur le comportement de la biomasse piscicole.
Impact sur les eaux salmonicoles
Ce qui est le plus frappant aujourd’hui, c’est évidemment les modifications notables et visibles des zones salmonicoles. Les eaux étant plus chaudes on constate que truites et ombres laissent du terrain pour des espèces moins « nobles » au sens où l’on trouve de moins en moins la présence des espèces emblématiques de la rivière. La classification de
« Eaux froides » est assez incohérente en raison de l’augmentation de la température de l’eau ou la fluctuation du débit des rivières, ou encore la détérioration des conditions de croissance des espèces salmonicoles. L’atteinte est palpable sur de nombreux cours d’eau où cohabitaient truites et ombres. Notre « salmo trutta » ne s’y retrouve pas et migre vers la source car son environnement est bouleversé ou disparaît pratiquement sur certains secteurs. L’augmentation thermique modifie l’équilibre chimique et biologique de l’eau : sa qualité diminue et impacte les écosystèmes liés. De plus, le risque d’eutrophisation via l’augmentation de la température et la diminution des débits favoriserait la croissance du phytoplancton et des macrophytes ainsi que le développement accru et plus fréquent de cyanobactéries dans les masses d’eau, ce qui conduit à des mortalités importantes comme nous avons pu le constater dans les rivières Franc-Comtoises même s’il faut avoir conscience qu’il y a aussi une combinaison avec les polluants industriels ou non.
Modification des biotopes des lacs
Il y a peu de données sur les lacs Français hormis le Léman qui a fait l’objet d’un suivi écologique mettant en évidence l’impact du réchauffement climatique sur la thermie de ce lac. Les campagnes de suivi plus récentes permettent d’établir des liens concrets entre certains changements au sein des communautés pélagiques et les fluctuations météorologiques. De par ces observations et les différentes études, il est évident que le réchauffement climatique a déjà posé son empreinte sur de nombreux grands lacs et davantage ceux plus modestes dont les échanges thermiques sont plus rapides. Le réchauffement du climat influence la température des eaux, les processus de stratification de la colonne d’eau, la dynamique de mélange du lac et la disponibilité en nutriments. Ces modifications dans les conditions-physico-chimiques d’un lac vont à leur tour perturber la phénologie du plancton. On observe ainsi de grands changements dans les dynamiques saisonnières du plancton et les dates de développement d’espèces clés pour les populations piscicoles. La physiologie de la reproduction des poissons est également fortement influencée par la température. Par conséquent, des décalages dans les dates de fraies de certaines espèces sont observées. Ces évolutions dans les phénologies de nombreux organismes bouleversent les synchronismes et modifient les mécanismes à la base de la régulation des populations et donc conduisent à des changements d’abondance et de structure dans les communautés.
A l’échelle de l’année on constate que les différentes couches de la colonne d’eau ne se réchauffent pas à la même vitesse. On observe un phénomène identique dans de nombreux lacs dont la topologie est assez similaire. Cette dynamique à plusieurs vitesses, indique une modification dans la structure thermique du lac, à savoir une intensification de la stratification (une augmentation de la différence de température entre les couches de surface chaudes et les couches de fond froides en été) et une extension de la période de stratification, celle-ci apparaissant plus tôt et disparaissant plus tard dans l’année (constat par exemple sur le lac d’Orient Aube).
Comment s’adapter ?
Si l’on peut craindre la disparition de certaines espèces ou l’omniprésence d’autres, c’est probablement nos habitudes de pêche qui seront bouleversées, sur les rivières il faudra sans doute pêcher sur des zones plus en amont, voire carrément changer de secteur dans l’espoir de retrouver des salmonidés. Les périodes « à la mouche » seront certainement avancées si le cours d’eau n’a pas subi d’avaries trop importantes en raison du réchauffement et de la modification de son substrat. En lac l’affaire se complique car on ne connaît pas cet impact sur les carnassiers qui sont majoritairement recherchés. Nos pêches lentes à fond en fin de saison risquent probablement d’être inefficaces si le gros des troupes se situe entre deux eaux. Nos zones de prédilection pour le sandre où on connaissait la présence après le fraie, peuvent disparaître et on sera amené à de nouveaux repérages car la stratification de l’eau influe sur leur comportement. Les pêches de bordure souvent appréciées en début de saison dès l’ouverture, ne seront peut-être plus aussi productives car les carnassiers seront plus profonds dans la couche d’eau en raison de l’élévation de la température de l’eau, mais aussi parce que la plupart des poissons auront déjà frayés. Mais cela va plus loin : les zones végétatives pourront être bouleversées avec la disparition de plantes endémiques et la présence de nouvelles espèces, nous amenant à reconsidérer nos habitudes de pêche. Il sera probablement nécessaire de réajuster une somme considérable d’acquis afin de mieux coller à la nouvelle configuration qui se profile ou qui est en train de se profiler car vous avez certainement constaté que le comportement de nos poissons fétiches ne semblait plus répondre à ce que nous connaissions.