Dans la plupart des eaux françaises, la pression de pêche est aujourd’hui une réalité à ne pas négliger. Ceci est d’autant plus vrai sur les eaux qui hébergent de gros sujets. Ces lieux sont pêchés presque toute l’année par des pratiquants français ou étrangers qui n’hésitent pas à faire des centaines de kilomètres avec l’espoir de capturer un de ces gros poissons. Si cela est vrai sur le domaine privé comme sur le domaine public, cet article sera plutôt centré sur les différentes eaux du domaine public, qu’il s’agisse des plans d’eau, des rivières ou des grands lacs. Cette pression de pêche, induite par un nombre croissant de pêcheurs de carpe, engendre plusieurs impacts sur les poissons et la pêche en général. Si certains aiment se confronter à cette pression, d’autres au contraire cherchent à la fuir pour gagner en tranquillité et en confort de pêche !
Quels impacts ?
Bien que je sois loin d’être un adepte de ces eaux surpêchées, la pression de pêche a trois conséquences majeures à mes yeux.
La toute première, primordiale à mes yeux et pas toujours mise en avant, c’est l’état de santé des poissons. Si une très grande majorité des pêcheurs de carpes prennent soin de leurs prises, personne n’est à l’abri d’un accident. Aussi, plus les poissons se font capturer, plus ils sont manipulés et plus ce risque augmente. C’est vrai pour les dommages aux nageoires ou à la queue par exemple mais cela marche aussi pour l’état des bouches des carpes. Globalement, nos montages ne laissent que la piqûre comme trace dans la bouche. Mais, car malheureusement il y en a un, il arrive que les séquelles soient plus importantes, qu’on soit en mesure de l’expliquer ou non. Statistiquement, sur une eau très pêchée, il y a donc plus de chance que les poissons soient abîmés par notre passion.
Deuxièmement, une autre conséquence de la pression, c’est évidemment le comportement des poissons face à nos pièges. A force d’en voir de toutes les couleurs, au sens propre comme au figuré, ils ont appris à se méfier et à déjouer une grande partie des montages qu’on peut leur présenter. Les habitudes des poissons évoluent avec la pression, ils ne se nourrissent plus des mêmes choses, plus aux mêmes heures, désertent parfois certaines zones… Quand on se lance sur une eau inconnue, on ne maîtrise pas forcément ces évolutions des habitudes alimentaires des carpes et souvent les résultats s’en ressentent. Si certains pêcheurs apprécient de se confronter à cette pression, façon pour eux d’améliorer leur technique et leurs approches, pour d’autres au contraire c’est beaucoup moins plaisant de pêcher dans ce genre de cas là.
Il existe un dernier point qui, je pense, mérite d’être évoqué en ce qui concerne les conséquences de la pression de pêche. Il s’agit de la perte du sentiment de liberté. En effet, quand on arrive sur une eau et qu’il y a déjà un certain nombre de carpistes en place, on se retrouve forcément contraint dans nos choix jusqu’à parfois pêcher une zone par défaut ou par dépit. Certes, c’est plus lié à la surfréquentation qu’à la surpêche mais la finalité reste la même, le pêcheur perd sa liberté de choisir et sa liberté de mouvement s’il souhaite se déplacer d’un poste à un autre.
Changer de lieu, pas sans concession
La solution la plus évidente quand on cherche à fuir la pression de pêche est de pêcher d’autres lieux. Il est donc nécessaire de rechercher des eaux moins fréquentées pour gagner en tranquillité et trouver des poissons moins soumis à la pression.
Si on devait tenter de généraliser, les plans d’eau de faible et moyenne superficie du domaine public sont aujourd’hui tous globalement soumis à une forme de pression de pêche, surtout en présence d’un secteur de pêche de nuit et/ou de gros spécimens. La situation, encore différente il y a une dizaine d’années, est sensiblement identique pour les grands lacs, avec quelques exceptions à la clé toutefois, principalement liées à des difficultés d’accessibilité. Reste le cas des rivières qui semblent moins fréquentées par les carpistes, sauf évidemment sur certains secteurs. Ce sont à mes yeux les lieux qui, ramenés à l’hectare, sont globalement les moins pêchés à l’heure actuelle.
A une période où tout se sait, chercher des lieux peu ou pas fréquentés implique toutefois quelques concessions. Et ce, sur deux aspects principaux : d’une part l’accessibilité et d’autre part le cheptel.
En ce qui concerne les accès, pour faire simple, plus l’accès à l’eau est aisé, plus il y a des chances d’y trouver du monde, et vice versa. Si vous voulez donc fuir au maximum la pression de pêche, faites en sorte de trouver des eaux reculées et difficilement accessibles. Ce n’est pas forcément évident pour les plans d’eau du domaine public qui sont globalement faciles d’accès. Néanmoins, pour les grands lacs et rivières c’est déjà plus simple. Cette théorie se vérifie pour les différentes eaux du territoire mais c’est aussi vrai à l’échelle d’un même lac ou d’une même rivière où les zones peu accessibles ou peu accueillantes (exemple de berges très pentues par exemple) sont le plus souvent les moins pêchées. Il faut donc accepter de se donner les moyens pour sortir un peu des sentiers battus, à la recherche de poissons moins pêchés.
Au rayon des concessions également, il y a fort à parier que le cheptel d’une eau “laissée de côté” ne soit pas forcément le plus qualitatif qu’il soit. Car en effet, tout se sait aujourd’hui et la présence de gros poissons attire de plus en plus de monde. Même si les accès sont complexes, de nombreux pêcheurs sont prêts à faire de gros efforts pour capturer des carpes spécimens. Néanmoins, ceci est beaucoup moins vrai pour des cheptels plus classiques où les gros sujets sont absents ou en nombre très réduit. En misant sur ce type d’eaux, vous devriez être relativement tranquilles.
Avis personnel
Personnellement, faire face à des poissons impactés par cette pression dans leurs comportements n’est pas quelque chose que j’apprécie. Amateur des grands espaces tels que les rivières et lacs de barrage, je prends beaucoup plus de plaisir à aller chercher les poissons là où ils sont plutôt qu’à élaborer des stratagèmes toujours plus complexes pour tenter de déclencher une touche. Je choisis donc souvent mes destinations en ce sens en sélectionnant des eaux peu médiatisées mais où les poissons ont un comportement sauvage tant que possible.
La pêche en bateau, une autre approche
En plus d’offrir de nombreuses possibilités de pêche supplémentaires, la pêche en bateau permet d’aborder notre passion avec un autre angle, notamment sur les grands espaces. En effet, jusqu’alors, les pêcheurs de carpes que nous sommes utilisaient une embarcation pour déposer les montages voire se déplacer d’un poste à un autre. La finalité restait sensiblement la même avec des cannes qui pêchaient jusqu’à plusieurs centaines de mètres, laissant de grosses zones sans pression de pêche au-delà. De la même façon, sur les lacs difficiles d’accès comme les barrages pentus, la quasi-totalité des carpistes s’installent sur les rares postes où poser un bedchair et un abri ne relève pas d’un exploit d’équilibriste. Ceci est d’ailleurs vrai pour bon nombre de lieux où l’installation n’est pas toujours facile.
En pêchant en bateau, on s’affranchit de toutes ces limites liées à la distance de pêche où aux difficultés d’installation. On a cette liberté de pêcher où bon nous semble, si tant est que la réglementation soit conciliante. Pêcher directement depuis une embarcation permet vraiment de se rapprocher de poissons qui se sont écartés de toute forme de pression. On découvre ainsi de nouveaux poissons mais, souvent, un nombre de touches en augmentation.
Bien sûr, cette pratique n’est pas sans contrainte. J’évoquais la réglementation mais on pourrait aussi parler des problématiques liées au vent qui peut transformer une session en une vraie galère, aux difficultés pour ressortir le bateau de l’eau suite à un gros marnage… Chaque pratique a ses propres limites mais, en ce qui concerne le fait de fuir la pression, la pêche en bateau est un vrai avantage, pour l’instant en tous cas !
Fuir la pression de pêche n’est pas forcément la meilleure solution. Certains pourraient d’ailleurs y voir une solution de facilité et d’une certaine façon, cette réaction peut se comprendre. Néanmoins, pour les carpistes qui pêchent pour se ressourcer, profiter de la nature, se vider la tête et surtout retrouver des poissons avec un comportement “naturel”, chercher des zones peu pêchées est un bon moyen d’arriver à vos fins et de gagner en tranquillité. A titre personnel, c’est le choix que j’ai fait. Je préfère pêcher des eaux plus confidentielles, que ce soit par difficulté d’accès ou parce qu’elles ne renferment pas forcément de gros poissons. J’ai ainsi cette sensation de liberté dans mes approches, dans ma pêche en général. Et qu’importe si je ne pose pas régulièrement de très grosses carpes sur le tapis, l’essentiel à mes yeux réside dans cette tranquillité et ce sentiment de plénitude plutôt que dans la recherche de spécimens à tout prix !