Le barbeau est un cyprinidé auquel peu de pêcheurs au leurre ont eu la chance de se mesurer et pourtant la pêche du barbeau au leurre est une vraie expérience dans la vie d’un pêcheur. La plupart du temps, il est capturé par hasard ou ponctuellement. Pourtant ce poisson subtil à leurrer et à la défense incroyable mérite le détour. Au travers de cet article, vous apprendrez à régulariser vos prises de ce gros cyprin, voire à prendre votre premier barbeau et découvrir que niveau défense, le barbeau est un sérieux adversaire. Subtile et puissant, découvrez la pêche au leurre du barbeau, un poisson fun et atypique.
L’intérêt des pêcheurs au leurre pour ce poisson est assez récent. Quand nos « bons vieux » carnassiers boudent, la traque du barbeau peut-être une alternative enrichissante et un jeu addictif. La pêche de ce poisson va dans le sens d’une tendance générale des pêcheurs au leurre, à savoir, la recherche de poisson que l’on pourrait qualifier de « semi-carnassier ». Ce n’est pas le « boom » de la pêche du chevesne de ces dernières années qui me contredira. Ce poisson de fond sans être un carnassier, adopte un comportement opportuniste et une réelle réactivité face aux leurres. C’est d’ailleurs ce qui lui vaut l’honneur d’être comptabilisé en compétition pêche du bord au championnat de France carnassier!
Avant de me lancer dans la description des différentes techniques permettant de capturer des barbeaux, il me semble important de faire un petit rappel sur les mœurs et la morphologie particulière de cette flèche de bronze qui conditionne largement sa traque.
Quelques rappels sur le barbeau
Tout d’abord le barbeau affectionne les eaux vives aux fonds caillouteux. Les courants forts ne lui font pas peur, au contraire, c’est là qu’il se nourrit. On trouvera les barbeaux dans les pools profonds, autour des piles de ponts, sur les larges zones peu profondes au courant constant, ou dans des forts remous provoqués par les obstacles. Cet omnivore happe au fond de la rivière les petits invertébrés, alevins et crustacés qui passent à sa portée, ou fouille simplement entre les cailloux en les retournant et en suçant les « bêtes » qui y sont logées. La bouche du barbeau est située sous son long museau. Bouche dont il se sert d’ailleurs comme d’une ventouse pour se fixer au fond et se maintenir aisément dans les rapides. Son corps fuselé est hydrodynamique, ses grandes nageoires et sa caudale puissante complètent l’arsenal du barbeau pour combattre le courant…et le pêcheur. Il faut aussi savoir que le barbeau est un poisson grégaire. Les gros sujets comme les petits individus vivent en banc plus ou moins important. Autre aspect distinctif, le barbeau possède quatre barbillons autour de sa bouche épaisse (c’est de là qu’il tient son nom). Ces organes tactiles lui permettent de détecter avec une facilité déconcertante ses proies. Les meilleurs périodes pour leurrer les barbeaux correspondent à la fin du printemps (mai et juin) qui annonce le réveil général de tous les poissons et en particulier des cyprins, et l’été, car les eaux basses, les courants faibles et la forte présence d’alevins facilitent sa pêche au leurre et augmentent sa réceptivité. Le barbeau est un gros cyprinidé qui atteint des tailles respectables : les gros barbeaux avoisinent les 70 à 80 centimètres. La taille moyenne se situe entre 45 et 60cm.
La défense du barbeau, qui relève presque de la légende, est époustouflante. Ce poisson utilise son poids et le courant avec aisance pour se défendre. Il faut dire que ses grandes nageoires, sa forme hydrodynamique (fusiforme) et ses puissants muscles sont à l’origine utilisés pour combattre les courants les plus forts. Lors du combat, ce bagarreur sonde et cherche à coller le fond. Les rushs des gros barbeaux sont hallucinants (prévoir un moulinet avec un très bon frein). Tout aussi impressionnantes, la ténacité et l’endurance du poisson. Le combat est jouissif et souvent très long. Le matériel doit donc être adapté et votre canne posséder une bonne réserve de puissance.
Le matériel pour la pêche du barbeau aux leurres
Le choix du matériel, canne, moulinet et fil doivent donc être cohérent. J’utilise même parfois des cannes casting! Pour ma part, j’utilise la nouvelle Ashura The Artist S210M, avec son blank très puissant qui est l’un des plus résonnant du marché. Côté canne casting, je me sers avec succès de la Ashura Cover Method B210MH, très polyvalente qui supporte aussi bien parfaitement la pêche au leurre dur qu’au leurre souple. Votre combo pour la pêche du sandre sera pertinent. La rigueur et le côté tactile de la pêche du percidé correspondent aussi bien à la pêche de notre cyprin.
Je conseille aussi l’utilisation d’un bas de ligne assez long en fluorocarbone qui résiste bien à l’abrasion. On l’a vu, le barbeau, cet adversaire obstiné qui se pêche au fond, a la fâcheuse tendance à faire frotter le fil contre les obstacles du fond… et à solliciter rudement la ligne. Il est de plus judicieux de vérifier régulièrement le bas de ligne est de changer la partie abimée au moindre signe d’usure.
Concernant le moulinet, suivant la zone pêchée, choisissez un bon 2000 à 4000 possédant un très bon frein. Pour ma part je le garnie de tresse 8/100 à 14/100, qui permet de bien percevoir les touches et de garder un meilleur contrôle des dérives et animations. Le diamètre dépendra de la taille des leurres, de la force du courant et de la taille moyenne des poissons présents. Pour faire cours, plus ces différents paramètres auront tendance à croitre, plus le matériel devra être puissant et la tresse résistante.
Autre aspect indispensable selon moi, l’épuisette ! En effet, il est très difficile de se saisir de ce poisson avec un fishgrip et l’épuisette permet d’écourter les combats de cet adversaire endurant mais sensible au stress. L’épuisette doit être large, profonde et robuste. Préférez les mailles plastifiées qui préservent le mucus des poissons. Je possède une épuisette initialement conçue pour les gros salmonidés qui répond parfaitement à toutes ces attentes.
Pour traquer ce formidable poisson de sport aux multiples facettes qui possède l’une des défenses les plus tenaces et violentes de nos eaux, on distingue plusieurs approches intimement liées au faciès du cours d’eau pêché.
Pêche au leurre souple dans les « zones à barbeau »
Le barbeau est présent dans presque toutes les rivières de France. Dans les zones, justement appelées ‘’zones à barbeau’’ (ou rivière de piémont), la pêche est assez légère, dite « light ». Pour maximiser ses chances de résultats, il faut pêcher à vue où avoir préalablement repérer un banc de barbeaux. Le but sera d’effectuer des dérives au ras du fond et au plus près des barbeaux. Ceux-ci se décalent pour saisir le leurre, mais sur une distance qui excède rarement cinquante centimètres… La touche du barbeau est souvent difficile à percevoir. Elle est rarement sèche ou violente. Un barbeau qui se saisit du leurre se traduit souvent par un décalage, un arrêt de la dérive de la ligne ou une lourdeur lors de la prise de contact avec le leurre. Si c’est le cas, il ne faut pas hésiter à ferrer amplement pour que la pointe de l’hameçon pénètre la bouche charnue du cyprin.
Les leurres souples les plus efficaces sont de petite taille, comprise entre 2 et 3 pouces (5 et 7,5 centimètres). On privilégiera donc dans ces zones les pêches plutôt légères. En tête des leurres à barbeau, on retrouve aussi les jigs et microjigs. Leur utilisation, surtout réservée aux rivières aux eaux claires et oxygénées, imitera parfaitement une petite écrevisse dont raffolent ces cyprins. En trailer je me permets de conseiller le nouveau mais déjà légendaire Illex Waver Shrimp ou Vector Bug qui feront des merveilles. Côté leurres souples toujours, les petits shads ou grubs sont très efficaces. Ce sont des classiques mais j’ai aussi eu des résultats fantastiques avec des petites imitations d’insecte ou de larve destinées à la base au crappie (cousin américain de la perche soleil). Les leurres type worm ne sont pas en reste et font la différence dans les eaux teintées. Ces petits leurres pourront être montés sur des têtes plombées ou en texan. Plus la zone sera profonde et le courant fort, plus le grammage des têtes plombées ou du lest sera important. Les grammages moyens sont de l’ordre de 1.5 à 7 grammes. Le bon grammage permet de prendre contact avec le fond et d’avoir une dérive naturelle du leurre. Concernant les coloris, l’eau étant plutôt limpide dans ces zones à la fin du printemps, les couleurs naturelles sont meilleures. A noter qu’une couleur se démarque particulièrement des autres pour la pêche du barbeau : il s’agit de l’orange ou du brun clair. Cette indication des plus pertinente avait été soulignée par Matthias LOTHY (que je me permets de citer) dans un précédent article en 2007. L’ajout d’attractant peut aussi faire la différence et décider le poisson. Pour pêcher efficacement, des cannes tactiles et puissantes sont nécessaires. Les cannes Rock Fishing, très sensibles permettent de cartographier mentalement le fond de façon chirurgicale, et lors du combat, il est possible de travailler de beaux barbeaux. La série Pepper d’Illex allie sensibilité et puissance et répond au cahier des charges exigeant qu’impose la pêche du barbeau. Pour ce qui est du moulinet garnie de tresse de 6 à 12/100, munie d’un bon frein et tablez sur une taille 2000 à 2500.
Même si les microjigs alliés à un trailer ou les leurres souples sur têtes plombées sont des classiques, d’autres techniques font des étincelles : à vue en waki (et surtout neko rig) avec un petit worm équipé d’un insert en tungstène, ou encore à l’aide d’un montage texan pour les fonds encombrés… On peut aussi utiliser un montage split shot pour laisser évoluer naturellement votre leurre souple dans le courant.
Pêche du barbeau au leurre souple dans les rivières et fleuves à grand gabarits
Pour la pêche dans les larges rivières de plaine ou les fleuves (comme la Seine, le Rhône, la Dordogne dans des zones dites à brèmes, mais où le courant reste soutenu) la pêche du barbeau ressemble franchement à celle du sandre. La meilleure solution pour ferrer ce gros cyprin est de les solliciter au fond. Une fois le « spot » repéré, il faut lancer le leurre et le laisser couler au fond. Le contact pris avec les cailloux, l’animation de base consiste à lever la canne de façon à décoller de quelques centimètres le leurre qui sera déporté par le courant, puis de le laisser retomber au fond. Pour effectuer proprement ces dérives il faut lancer légèrement en amont. Trop en amont vous risquez de vous accrocher et vous ne contrôlerez pas bien la dérive. Le grammage de la tête plombée ou du jig dépendra de la profondeur mais aussi de la force du courant et bien sûr de la taille du leurre utilisé. Les pêcheurs de sandres ne seront pas dépaysés.
Les meilleurs spots sont les zones de rapides, sous les déversoirs et barrages (attention par contre à respecter la réglementation concernant la pêche dans ces secteurs.) On utilise alors des leurres souples de 2 à 5 pouces (5 à 12.5cm) sur des têtes plombées allant jusqu’à 20 grammes. Sur ces zones, la pêche au leurre sélectionne les gros et très gros barbeaux.
Un autre barbeau…
Outre le barbeau commun dont la pêche au leurre est assez méconnue, il existe en France une autre espèce de barbeau plus rare : le barbeau méridional. Le « méridional » est plus petit que son cousin « commun » (un « méridional » de 25cm est un beau sujet), son corps est plus ramassé et sa couleur tend vers le doré tacheté de brun. Aussi appelé barbeau truité à cause de ses tâches, le barbeau méridional adopte un comportement alimentaire proche du barbeau commun. Son aire de répartition est très restreinte et il se cantonne dans le sud de la France sur le pourtour méditerranéen.
Sa pêche est très amusante. Il s’agit d’une vraie partie de cache-cache. La technique reine est la pêche à vue. Les lunettes polarisantes et votre discrétion seront vos meilleures armes pour tromper la vigilance du « méridional » dans les eaux cristallines et peu profondes du sud de la France. Côté leurres, utilisez de petits worms ou créatures montées sur des têtes plombées de 1 à 3 grammes. Jackall Micro Flick Shake 2.5’’ou encore Power Isome de Marukyu répondent au cahier des charges. Enfin la ligne doit être fine car les eaux sont souvent très claires : pas plus de 16/100. Une fois le petit barbeau localisé, lancez en amont en veillant à contrôler l’impact du leurre sur l’eau. Animez ensuite lentement sur le fond tout en maitrisant la dérive et en passant au plus près du barbeau nez au courant si possible. Le méridional, comme son grand cousin, se décalera sûrement pour s’emparer de cette petite proie providentielle. Reste alors le combat, court du fait de la petite taille du méridional mais somme toute assez ludique sur une canne légère.
Je me suis essayé à cette pêche avec une Pepper S210UL dans un petit village pittoresque du sud de la France, façon Street Fishing, le jeu est vraiment prenant et je ne peux que vous le conseiller.
Pêche du barbeau au leurre dur
La pêche au leurre dur des barbeaux se pratique essentiellement en avril (en première catégorie), mai et juin. Cette période correspond à un regain d’activité des barbeaux (et des cyprinidés en général) qui se focalisent largement sur les alevins.
Notre cyprinidé est alors en quête de nourriture pour se faire une santé avant et pendant la reproduction. D’ailleurs, ce poisson n’étant pas menacé, je vous encourage vivement à laisser nos amis les black-bass et sandres tranquilles durant le début du printemps pour tenter votre chance sur le barbeau. Il s’agit là d’une alternative sportive très pertinente.
La pêche au leurre dur est certainement celle qui permet de sélectionner les plus beaux sujets. Ces derniers n’hésitent pas à chasser et adoptent un régime alimentaire bien plus ichtyophage que les juvéniles. Il faut cependant adapter les leurres à la pêche du barbeau pour maximiser ses chances de réussite. Les crankbaits font bien réagir les barbeaux (comme beaucoup de cyprinidés d’ailleurs : chevesne, ide mélanote…). Ces leurres se ramènent en linéaire. En plus d’émettre de forts signaux vibratoires, les crankbaits sont facilement « saisissables » par le barbeau, du fait qu’ils soient animés de façon linéaire.
Dans les rivières rapides peu profondes, où les barbeaux sont visibles, il faut privilégier les petits medium crankbaits (Chubby 38, Cherry 44…). Ces derniers plongent peu et ne tire pas trop sur la ligne.
Dans les rivières de plus grand gabarit, je n’hésite pas à utiliser des lipless et des deep crankbaits (cranckbait à grande bavette qui plongent rapidement) qui permettent de prospecter les pools profonds. Les classiques des classiques sont les TN 60 et 70 d’Illex pour les lipless, ou encore le mascle deep4+ pour les deep cranckbaits, d’Illex encore une fois. Il ne faut vraiment pas hésiter à utiliser ces deep crankbaits qui peuvent apparaitre comme de grosses bouchées pour un barbeau. En Seine, deux de mes plus gros barbeaux ont été leurrés à l’aide d’un Illex TN70 Mat Tiger et un Illex Mascle deep 4+, là encore coloris Mat Tiger.
Concernant les deep cranckbaits, le barbeau est bien réceptif à un leurre animé en bottom taping (animation consistant à faire taper le leurre au fond et à soulever un petit nuage de sédiments, imitant un petit poisson se nourrissant). Pour le lipless, alternez tirées sèches et posés sur le fond, c’est souvent lors de la retombée que le barbeau attaque, et là, la touche est particulièrement vicieuse…
Pêche du barbeau à la lame
Autres armes indispensables certains jours, les lames. Ces leurres métalliques compacts sont d’une efficacité redoutable sur les barbeaux et sont tout indiqués pour les pêches profondes dans les courants. Elles coulent vite et atteignent rapidement les zones de « chasse » des barbeaux, même par fort courant. Ce leurre émettant de fortes vibrations à la moindre traction provoque le barbeau en profondeur directement où il se nourrit. Comme pour le lipless, le barbeau a la fâcheuse tendance à se saisir de la lame lors de la descente, lorsque le leurre « papillonne » et il faudra impérativement rester vigilant lors de cette phase de « travail » du leurre. Pour éviter les accrocs dans les zones encombrées (les pêcheurs de Seine me comprennent), j’enlève le double ventral. De cette façon, on limite fortement les chances de laisser le leurre au fond et on peut le faire travailler correctement en profondeur. Côté couleur, les coloris « craw », orangés, sont les plus réguliers à mon sens. Dans les eaux troubles, le mat tiger est aussi un classique et il ne faut pas avoir peur d’utiliser un coloris flashy !
Pêche du barbeau au leurres durs pour les rivières et fleuves à grand gabarits
Pour la pêche dans les larges rivières de plaine ou les fleuves la pêche du barbeau ressemble franchement à celle du sandre au leurre dur. La meilleure solution pour ferrer ce gros cyprin est de les solliciter au fond. Une fois le « spot » repéré, il faut lancer perpendiculairement à la berge. Le but est d’atteindre rapidement le fond, tout en contrôlant la dérive de ce dernier afin qu’il travail de façon optimale. Les meilleurs spots sont les zones de rapides, sous les déversoirs et barrages (attention par contre à respecter la réglementation concernant la pêche dans ces secteurs.) Sur ces zones, la pêche au leurre sélectionne les gros et très gros barbeaux avec un leurre dur comme avec un souple.
A vous de pêcher le barbeau !
En appliquant ces simples règles (non exhaustives) dans les rivières où se trouvent des barbeaux, la prise de ce poisson devient régulière, et on n’a qu’une envie en fin de session… c’est de revenir traquer ce formidable combattant. Vous pourrez aussi en le traquant capturer bien évidemment d’autres poissons : chevaines, truites, sandres, perches et d’autres surprises se joindront à la partie. Je vous assure que c’est bien le barbeau qui vous laissera la trace de combat la plus impérissable…