Cette suite de paragraphes n’a pas vocation à faire une quelconque leçon de morale, loin de là. Je cherche à soulever des interrogations quant aux pratiques de tout à chacun envers les captures. Chaque discipline a son lot de bonnes conduites, mais aussi de mauvaises pratiques. Je veux ici me pencher sur la pêche du carnassier, et des facettes qui ont tendance à me déranger quand je les vois.
Ayant une vision de la pêche assez polyvalente (« multipêche » est néologisme qui décrit assez bien cette vision), je vais essayer de grossir certains travers que l’on voit sur les berges, en espérant encourager certains à changer ou modifier leurs habitudes. Je le précise de suite, des erreurs dans les manipulations de poissons j’en ai fait, et malheureusement malgré toutes les précautions possibles, j’en referai très certainement. Je suis loin d’être irréprochable mais je me soigne…
Sans entrer dans les griefs et les clichés propres à telle ou telle pratique, la place de plus en plus importante des réseaux sociaux met au premier plan des pratiques presque trop « banales ». Je vais essayer à mon modeste niveau de lancer des pistes pour limiter je l’espère les risques pour nos captures.
La tenue des poissons, et les risques pour ce dernier
Plus les années passent, plus les pratiques halieutiques évoluent. Quand, quelques décennies plus tôt, la pêche avait une finalité alimentaire, désormais la remise à l’eau des prises est devenue sinon la norme, du moins en forte évolution. Une photo d’un carnassier tenu debout à bout de bras m’a toujours laissé songeur. Les quelques années passées à ne pêcher pour ainsi dire que la carpe y sont sûrement pour beaucoup, mais je ne peux m’empêcher de me dire que si un carnassier, quelle que soit sa taille, échappe aux mains du pêcheur, ses chances de repartir à l’eau en bon état sont sérieusement compromises. Relâcher un poisson qui a fait une chute d’1m et qui finira par agoniser au fond, loin des yeux après une remise à l’eau, ce n’est pas la vision que j’ai du catch and release.
Car un poisson dans son élément « ne pèse rien » pour paraphraser le Dr. SEXE. L’eau l’affranchit des effets de la pesanteur mais une fois sorti de son élément, les lois de la gravité deviennent une réalité pour lui et les dommages internes d’une chute à hauteur d’homme peuvent être très importants voire mortels. Il en est de même pour une carpe comme d’un sandre ou un gros brochet. Personnellement, je m’efforce autant que possible de faire les photos des carnassiers que je capture en étant accroupi voire à genoux. Quand je pêche depuis une embarcation, j’essaie autant que possible de conserver une position assise afin de limiter les risques de chute du poisson.
Fort heureusement, l’influence de nombreuses firmes et de leurs représentants, à travers des articles et des vidéos, aide énormément à la démocratisation de cette pratique. Le rôle des animateurs pêche au sein des diverses fédérations et aappma n’est pas non plus à négliger tant leur pédagogie impacte les jeunes pratiquants.
Le tapis de réception, un produit pas si « carpiste »
Là aussi, sans faire de la tendance « carpe » une référence (loin de là d’ailleurs vu les travers inhérents à cette discipline…), on peut constater le peu d’utilisation d’un support pour poser le poisson qui est manipulé par le pêcheur, du bord comme en bateau. Rien n’est plus triste que de voir un poisson « pané » de sable et feuilles présenté devant un objectif. Le poisson est recouvert d’un mucus protecteur qui n’est pas là par hasard. Le régénérer lui demande du temps et de la ressource et selon les températures de l’eau, son absence peut exposer le poisson à des maladies et des infections.
En ça, nous avons beaucoup à apprendre des pêcheurs de salmonidés, qui ont également une réelle culture de la manipulation des prises qui ne sortent pour ainsi dire pas de l’eau ou sur une durée très courte. En bateau au carnassier, le poisson reste bien souvent dans l’épuisette le temps de reprendre ses esprits avant une séance de mesure et de photos, ce qui augmente sensiblement ses chances de rejoindre son milieu dans de bonnes conditions.
Beaucoup de firmes ont créé des tapis de réception plus ou moins volumineux, qui peuvent s’adapter aux différentes pratiques, du bord ou en bateau. Dans le cadre de la pêche du carnassier d’ailleurs, ces supports sont bien souvent gradués pour mesurer le poisson, faisant alors d’une pierre deux coups. Mais hélas, beaucoup d’embarcations ne sont pas équipées de ces tapis et on imagine sans peine en plein été ce que ressent un poisson sorti de l’eau et posé sur la surface parfois très chaude d’une embarcation ou sur la terre nue.
Du bord, quand on ne dispose pas de tapis de réception ou autre toise (qu’on aura bien entendu pris le temps d’humidifier au préalable), le mieux pour le poisson reste de le laisser dans son élément le plus longtemps possible pour le manipuler. Dans le pire des cas, une bonne épaisseur d’herbe humide ou de feuilles offrira un bon compromis en termes de manipulation de la capture et limitera les chocs.
En bateau, un tapis au fond du bateau ou prêt à être déployé pour y déposer la prise devrait être la norme.
L’épuisette, oui mais bon…
Je connais – à raison – un des principaux arguments des détracteurs de l’épuisette ; le risque pour les nageoires des poissons. Et ils ont raison. Quand on épuise un brochet ou une truite qui se saucissonne dans le filet, il faut être particulièrement méticuleux pour ne pas abimer le poisson. En bateau là aussi, selon l’espèce ou le gabarit du poisson et surtout l’expérience du pêcheur, l’épuisette trouve tout son sens. Mais je suis surpris de voir bien souvent l’impréparation de certains qui perdent un poisson au bateau parce que leur épuisette n’était pas sortie et accessible.
Mais à côté de cet aspect, je vois régulièrement des pratiquants du bord avec des comportements pour le moins surprenants. Certains arpentent au leurre des berges où il est pour ainsi dire impossible de descendre au niveau du poisson, je me demande toujours comment font ces derniers pour sortir la capture une fois ferrée. Pour peu qu’on soit confronté à un spécimen, peu importe l’espèce recherchée, hisser parfois sur plusieurs mètres un gros poisson sur un montage fin est sinon impossible, souvent très risqué. Les menaces pour un poisson qui se décroche et s’abime en retombant ou que la ligne casse sont autant de facteurs qui devraient rendre l’épuisette obligatoire par endroits.
D’ailleurs, de nombreuses compétitions de pêche sur diverses chaînes YouTube ne s’y sont pas trompées (YouTube Predator Cup pour n’en citer qu’une) en faisant évoluer leurs règlements qui interdisent de « dropper » les prises sous peine de pénalité. Les poissons doivent dès lors être saisis à la main ou à l’épuisette.
Je reste songeur devant la course à l’armement que l’on voit de nos jours, surtout chez certains jeunes pratiquants en termes de leurres, cannes, moulinets et bagagerie dernier cri, pour au bout du compte les voir sans épuisette. À croire que la maîtrise des anglicismes des techniques de lancer et des références des coloris de telle ou telle marque passent avant la prise en compte du comment concrétiser une touche dans des endroits parfois escarpés.
Là aussi pourtant, la réponse des fabricants existe.
Épuisettes équipées de longs manches télescopiques, mailles plastifiées anti accroches, produits tout droit inspirés des balances et carrelets du bord de mer pour épuiser les poissons, j’en passe. Les produits, les solutions existent, sont là. On est sur une acquisition, un investissement qui servira durant des années et pourtant, trop peu de pratiquants sont encore pourvus de cet outil évident.
Combien de fois ai-je entendu des connaissances se mordre les doigts d’avoir décroché au bout de leurs doigts un superbe poisson, parce que l’épuisette était dans la voiture à quelques mètres, fermée, les clefs dans les waders… J’ai vécu cette mésaventure une fois sur un magnifique sandre, cette décroche m’a servi de leçon et je me suis équipé en conséquence pour ne plus avoir à revivre une telle frustration.
De bonnes pratiques à acquérir.
On pourrait débattre longtemps d’autres « travers ».
Par exemple, la séance photo à rallonge d’un beau poisson (et là, quelles que soient les espèces ciblées, on voit passer sur les réseaux sociaux des dossiers peu reluisants pour leurs auteurs) pour espérer une course aux likes, est-ce vraiment ça l’essence de notre passion et des vertus prônées par le no kill ?
On ne le répètera jamais assez, mais quelle que soit la taille du poisson, une séance photo se doit d’être la plus rapide possible. Il est impératif que le temps passé par la prise hors de son élément soit réduit au maximum. Le plaisir d’un cliché ne justifie pas qu’une séance photo s’éternise au point de compromettre la survie du poisson. Plus le temps hors de l’eau sera court et plus le poisson aura de chances de survie.
La démocratisation du catch and release et les recaptures qui prouvent que « ça fonctionne » font que de nos jours, il est nécessaire que les pratiquants observent de bonnes pratiques. Relâcher un poisson, c’est bien. Le relâcher dans les meilleures conditions possibles pour qu’il puisse survivre, continuer de grandir et se reproduire, c’est mieux.
Prenons soin de nos captures en les manipulant, c’est le meilleur moyen de préserver un cheptel parfois bien mal en point par endroits.