Il est courant d’entendre dans les conversations entre carpistes que le meilleur type de substrat est un fond dur. Bien souvent la raison majeure mise en avant est la bonne présentation du montage. On en oublierait presque que le meilleur substrat est celui sur lequel les carpes viennent s’alimenter…
Que l’on pêche du bord ou à l’aide d’une embarcation pour déposer ses montages, il convient avant toute chose de bien sonder, ceci dans le but de déterminer la nature du fond et les meilleurs spots. Sur un site que l’on a l’habitude de pêcher, l’orientation vers les bons spots se fait plus rapidement que sur une eau inconnue mais quoiqu’il en soit, connaissance du lieu ou non, il est toujours bon de sonder méticuleusement le poste afin d’être certain de la nature du fond sur lequel va reposer le montage, car tous les fonds ne se valent pas.
Une étape indispensable, le sondage !
De nos jours la technologie nous offre des échosondeurs très précis avec lesquels il est rapide et facile de déterminer la nature du fond de façon globale. Malgré tout, je reste un adepte de la vieille école, et préfère affiner mon sondage à la main, à l’aide d’un fil relié à un gros plomb. Cela permet de dénicher de toutes petites tâches qui diffèrent du reste du fond et qui peuvent faire toute la différence, que ce soit en grand lac ou sur de petites étendues d’eau, où une poche de vase ou de sable d’à peine un mètre carré peut tout simplement faire toute la différence.
Dans tous les cas prendre le temps de bien sonder son poste à la main ou à la canne est un petit plus non négligeable dans la pêche, je ne saurais que trop vous recommander de ne pas négliger cette étape, qui à mon sens, est aussi importante que le repérage avant le choix du poste. Ainsi il est possible de se retrouver sur un site à prédominance vaseuse, où les fonds semblent réguliers et monotones, et où il serait logique de ne pas perdre trop de temps à sonder, puisque tout semble identique au fond de l’eau, et pourtant, c’est bien sur ce genre de site qu’une différence de substrat, même infime peut faire toute la différence en matière de pêche.
Fond mou / fond dur… lequel choisir pour pêcher la carpe ?
Voici une question à laquelle il est impossible de répondre de façon globale, chaque site possède ses propres particularités, et ce qui est vrai sur un site, ne le sera pas sur un autre.
Bien souvent lors du sondage, notre attention se porte plus particulièrement sur les fonds durs et propres, délaissant ainsi les zones vaseuses, sous prétexte que le poisson ne se nourrit pas dans la vase. Ce que l’on oublie à tort, c’est que tous les fonds durs ne se valent pas, de même que toutes les vases ne sont pas mauvaises.
Je vais prendre un exemple concret avec le lac du Salagou, en tenant compte que ce qui est vrai ici, ne l’est pas forcément sur d’autres barrages. Sur ce lac il y a deux types de fonds durs, la roche mère et les fonds sablo/granuleux, et les deux ne se valent pas !
La principale raison à cela est la nourriture naturelle qu’ils peuvent accueillir. Sur la roche mère, rien ne pousse, hormis quelques écrevisses qui y circulent et quelques dreissènes accrochées sur les rebords, il n’y a aucune forme de vie, c’est un fond stérile. Les herbiers ne poussent pas, il n’y a donc aucune cachette pour les bêtes à pinces et autres petites bêtes aquatiques, les corbicules n’étant pas équipées de marteau piqueurs, elles ne peuvent pas non plus y trouver le gîte, pour résumer c’est un fond sur lequel les carpes ne trouvent presque jamais de nourriture. Pourtant j’entends souvent des pêcheurs habitués à pêcher des petites gravières, déconcertés par l’absence de résultat suite à leur session, alors que pourtant ils avaient trouvaient des zones bien dures… oui, mais pas les bonnes !
A l’inverse, sur un fond sableux constitué de ruffe effritée et de gros cailloux où poussent quelques herbiers, la vie est présente et en quantité !
Les espèces sont nombreuses à se partager le terrain, écrevisses, corbicules, dreissènes, mollusques et larves trouvent ici un habitat de choix, il n’y a qu’à voir la quantité d’alevins présente, pour comprendre que le garde manger se trouve ici.
Pour ceux qui ont eu la chance de visionner le film « Les écailles du diable », l’exemple y est donné en image, lorsque Filfish (alias Philippe Carrière) filme une grosse commune en train de s’alimenter au milieu des herbiers, il le dit d’ailleurs lui même, lorsque les carpes cherchent de la nourriture, elles retournent le fond avec leur bouche, d’où l’importance d’être très précis lors du sondage et de la dépose de la ligne.
Il en va de même pour les fonds vaseux, je ne m’accroche pas à l’idée que la vase n’est pas bonne à pêcher, ainsi je sonde systématiquement la vase, cherchant à trouver une zone qui se diffère du reste. Je relève fréquemment mon plomb, sur lequel il y a souvent un peu de vase collée, il suffit de la sentir pour savoir s’il s’agit d’une vase très acide et stérile ou non, car la vase peut être excellente, imaginez déposer votre montage au milieu d’une poche de vase où grouillent des milliers de petits vers de vase… croyez moi que les carpes ne sont pas les dernières à en festoyer !
Il est difficile d’expliquer avec des mots la consistance des fonds que je cherche, mais il vous suffit pour comprendre de passer quelques heures sur l’eau avec un fil et un gros plomb, vous constaterez par vous même que de nombreuses tâches, parfois très petites diffèrent du reste du fond.
Bien déterminer la nature du fond pour la pêche à la carpe
Il n’est pas évident de décrire les sensations ressenties par l’intermédiaire du fil à plomb, néanmoins, je vais tenter de vous décrire ce qu’il est possible de ressentir, et comment faire la différence entre les vases et les fonds durs.
Pour ma part je préfère sonder à la main plutôt qu’à la canne, ceci pour plusieurs raisons. La première est qu’il n’y a pas de risque d’accrocher la pointe de l’hameçon sur un caillou, mais aussi parce que les sensations ressenties sont bien plus nettes en tenant le fil à la main. Avec la canne en main, suivant la profondeur, le blank de la canne a tendance à amortir le contact avec le plomb, mais ça, c’est affaire de goût !
Tout d’abord, il est nécessaire d’avoir un plomb adéquat, un plomb de 100gr n’est pas suffisant dans plusieurs mètres d’eau. Je me sers pour cela d’un plomb de 500gr, comme on en trouve dans les rayons pour la pêche en mer, celui ci est relié à une cordelette fine afin d’avoir un contact direct avec le plomb. En présence d’un fond dur constitué de cailloux, comme un éboulis rocheux ou un tas de pierres, au contact avec le fond, on sent le plomb « dégringoler » de caillou en caillou, le risque en pêchant ce genre de zone, c’est que le montage se coince, voire disparaisse entre les pierres. Sur un fond de sable et graviers, le contact avec le fond est dur, mais sans résonance dans le fil comme au contact avec les grosses pierres.
La vase acide et molle, celle qui est la moins intéressante à pêcher, donne l’impression au contact que le plomb ne touche jamais le fond, on a l’impression que le plomb s’enfonce dans de la crème, de plus, le plomb « colle » à la remontée, il est d’ailleurs fréquent, suivant la profondeur d’eau, d’observer des remontées de bulles au contact du plomb, ceci est du au méthane présent dans la vase. La « bonne » vase en revanche a un aspect plus compact au contact avec le plomb, on ne peut pas dire que ce soit un fond dur, mais cela n’a rien à voir avec une vase molle où le plomb s’enfonce. Le plus simple étant bien évidemment de passer quelques heures sur l’eau, et de sonder, et si l’eau est suffisamment claire, de trouver ces différents substrats visuellement afin de se faire une idée du contact que l’on ressent par l’intermédiaire du plomb.
A chaque substrat, sa nourriture naturelle pour la carpe
Comme je vous le disais plus haut, un fond constitué de sable et de graviers héberge une grande variété d’espèces aquatiques diverses, je pense même que c’est clairement le type de substrat qui héberge le plus de vie.
Voyons ce que les carpes peuvent trouver comme nourriture sur ce type de substrat.
- Les gammares, appelées à tort crevettes d’eau douce, sont de petits crustacés qui vivent dans des eaux bien aérées, propres et calcaires. Elles vivent habituellement près des berges ou en rivière dans les contre courants, et privilégient les zones caillouteuses ou riches en grosses pierres, mousses et zones d’accumulation de feuilles mortes et débris végétaux.
- Les écrevisses sont des animaux sédentaires, elles passent pratiquement toute leur existence sur le site où elles ont vu le jour, c’est donc une aubaine pour les carpes, qui les retrouvent à coup sûr au même endroit. L’écrevisse a une activité principalement nocturne, la journée elle se réfugie sous des pierres, des racines, souches immergées et herbiers bien denses.
- Les limnées sont des mollusques gastéropodes d’eau douce, elles se nourrissent principalement de déchets organiques ainsi que d’algues microscopiques et de bactéries qui prolifèrent sur les plantes, c’est la raison pour laquelle on les retrouve en priorité sur les tiges des plantes aquatiques.
Voici déjà trois espèces qui entrent dans le régime alimentaire des carpes et de nombreux poissons d’ailleurs, comme on peut voir, ces espèces se servent de gros blocs rocheux pour se cacher mais aussi de plantes pour se cacher et se nourrir.
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Varier les substrats
Sur quatre cannes, il est préférable de varier le type de fond plutôt que de poser les quatre cannes sur le même type de substrat. Dans la majorité des cas j’essaye de pêcher aussi bien des fonds durs, de sable ou graviers mais aussi d’avoir au moins une canne dans la vase, cela permet de cibler plus rapidement le régime alimentaire des carpes.
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Nourriture sur la vase pour la carpe
Au contraire de ce que l’on pourrait penser, la vase n’est pas toujours stérile et exempte de toute forme de vie, elle peut également servir de pouponnière et d’habitat à plusieurs espèces, les carpes le savent bien et il n’est pas rare d’observer des traces de grouinage de carpes au beau milieu de zones vaseuses. Sans rentrer dans le détail des nombreuses larves et invertébrés qui peuplent la vase, voyons les principales espèces que peuvent trouver les carpes à l’heure du déjeuner !
- L’anodonte, ce gros mollusque bivalve d’eau douce convoité par les carpes, préfère les eaux calmes, elle s’enfonce dans la vase et entrouvre sa coquille afin de pouvoir respirer.
- Les corbicules peuvent avoir un très large éventail d’habitat, elles s’acclimatent à un large choix de substrat, c’est une espèce que l’on peut retrouver presque partout puisque qu’elle s’adapte aussi bien à des fonds constitués de limon ou d’argile, ou encore de sable ou de graviers, ce dont elle a besoin est un fond meuble afin de pouvoir s’enfouir. C’est un met très apprécié des carpes mais aussi des silures, qui peuvent les consommer en très grandes quantités.
- Les larves de chironome, plus connues sous le nom de ver de vase sont des larves de moustiques, mais rien à voir avec ceux qui nous embêtent lors des soirées d’été, car la femelle chironome, une fois moustique ne pique pas. Les vers de vase, comme leur nom l’indique vivent dans les sédiments, la densité de larves peut atteindre 100 000 larves/m2, autant vous dire l’effet que peut avoir une poche de vase qui héberge des chironomes sur les carpes, un peu comme un bol de cacahuètes à l’heure de l’apéro…
Comme on peut le voir, la vase est loin d’être mauvaise, trouver une poche qui héberge l’une de ces espèces en quantité, comme les corbicules ou les larves de chironome, revient à déposer son montage au milieu de la cantine des carpes !
Dans tous les cas, afin de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier, il peut être intéressant de varier les types de substrats afin de découvrir celui sur lequel les carpes s’alimenteront en priorité.