Champion de France feeder en 2015 et 2016, j’ai rencontré Jérémie pour une séance d’entraînement (et de confidences) sur les berges du canal de Rhône à Sète, à l’écluse de Saint Gilles. Il nous explique en détails l’organisation de sa pêche et son approche de la technique pour traquer les gros poissons.
J’ai rencontré Jérémie sur les berges du morne canal de St Gilles, un site qui accueille régulièrement des rencontres départementales et régionales de pêche au coup, à la canne, au moulinet et à la plombée. Quelques mois auparavant ce sont près de quatre-vingt équipes de deux pêcheurs qui avaient rendez-vous sur ce site à l’occasion de la 3ème édition du Master du Gard. Une pêche difficile après le fraie mais qui, une fois de plus, a vue la victoire de Jérémie avec son ami Benjamin Billaut. Une équipe qui fait peur à tous les pêcheurs de renom lorsqu’elle s’inscrit à un concours de pêche « libre ».
Le temps est au beau fixe
Disons-le tout net, les pêcheurs Gardois ont un privilège : celui d’avoir un temps beaucoup plus ensoleillé que dans le reste de la France. Une conjoncture météorologique qui facilite les entraînements dans des conditions optimales.
C’est pour cela que Jérémie vient régulièrement sur ce parcours pour « garder la main » et tester de nouvelles cannes, de nouveaux pellets ou de nouveaux produits que les fabricants n’hésitent pas lui confier pour obtenir ses avis éclairés.
Jérémie s’installe pour une pêche au feeder.
La rencontre
Bonjour Jérémie. Pourquoi avoir choisi ce poste ?
C’est un endroit qui permet de pêcher à ras de la berge d’en face, à 50 mètres. Le fond est régulier, peu encombré, ce qui me permet de « pêcher propre ». Ceci est important car pour pêcher au feeder (tout comme pour le coup et l’anglaise), il est parfois nécessaire de réaliser des aguichages pour déclencher des touches. Si des obstacles polluent le fond, cette tactique d’aguichages est souvent vouée à l’échec.
Donc tu vérifies le fond par un sondage rigoureux avant de commencer vraiment à t’installer ?
Oui… lorsque je le peux. Si cela n’est pas permis par le tirage au sort en compétition, je prends soin de me faciliter la pêche en entraînement pour ne pas perdre de temps et aller à l’essentiel.
Malgré tout même ici, sur ce parcours que je connais bien, je prends le soin de sonder mon coup devant, derrière et sur les côtés. Pour connaître la distance approximative, je compte les secondes entre l’envoi et la chute dans l’eau de ma « cage feeder ». Ensuite, je fais trainer mon feeder au fond pour détecter les accrocs, cailloux et autres reliefs. Cette étape est très importante. Trop souvent les pêcheurs ne prennent pas suffisamment le temps de « lire le fond ». Ils s’installent et pêchent en aveugle, avant de s’apercevoir qu’il y a un ou des obstacles. Trop tard, le temps perdu ne se rattrape pas !
Comment opères-tu pour connaître la profondeur. Tu n’as pas de repère visuel comme un flotteur ?
Pour déterminer la profondeur, et après plusieurs tests, je suis arrivé à la conclusion qu’un plomb d’Arlesey de 30 grammes descend d’environ d’un mètre par seconde avant d’attendre le fond. Bien entendu, ceci est à titre indicatif car cette donnée varie avec l’impact sur l’eau, le type de fil etc. J’ai maintes fois testé cette méthode et elle s’avère à peu près exacte dans toutes les conditions.
Qu’elle est la première étape de ta stratégie ?
Comme tu l’as vu tout à l’heure, la première étape, avant même l’installation de la station et le sondage, est la confection de mon amorce.
Ici c’est simple, j’utilise une amorce du commerce mais parfaitement adaptée au parcours et à mon mode de pêche :
- deux paquets de gros gardons Sensas
- un paquet d’explosive brèmes Sensas.
Pour mouiller mon amorce, je suis encore de ceux qui pratiquent « à l’ancienne » à la main, sans batteur électrique, lorsque la quantité nécessaire ne dépasse pas les 15 litres. J’aime assez cette méthode car elle me permet de mieux sentir dans la paume de main la mouture et son taux d’humidité.
Ensuite ?
Une fois le sondage terminé j’ai monté trois cannes. Des canne Rive Long Cast Light en 3.60m qui me permettront aujourd’hui d’envoyer un feeder de 30 g à 50 mètres tout en souplesse.
Les montages feeder
Je vois que tu as monté trois cannes. Chaque canne possède un monatge différent. Tu m’expliques tes choix ?
Le premier montage
Il s’agit d’une potence sur de la tresse, sans tête de ligne. Un montage que j’apprécie beaucoup et qui m’a permis entre autres de monter sur la deuxième marche du podium au championnat de France de seconde division nationale à Villerest en 2015.
Ce montage est ultra simple, mais il n’est pas autorisé par le règlement FIPS puisqu’il ne tolère que le coulissant à l’infini. Il me permet de détecter les touches les plus infimes.
A Villerest où je péchais à plus de 65 mètres, ce montage avec quasiment aucun accessoire (si ce n’est une agrafe), m’a permis d’atteindre des distances incroyables en n’abimant pas les vaseux à l’hameçon.
La seule différence avec la pêche d’aujourd’hui c’est que j’avais des cannes avec une action très progressive de 4.50 qui me permettaient de forcer un peu moins et d’avoir un beau bras de levier.
Le second montage
Il déborde également de simplicité. C’est un montage coulissant sur une tête de ligne en nylon reliée à de la tresse dans le moulinet par l’intermédiaire d’un « nœud conique ». J’aime bien ce nœud car il est très simple à réaliser et ne m’a jamais posé de problème de glisse entre la tresse Rive en 10/°° et la tête de ligne de 1.50m en nylon.
Le montage en lui-même est composé d’une perle coulissante sur laquelle je fixe mon feeder ou plomb, suivi d’une tresse de nylon de 15 cm environ. Parfois lorsque je cherche des beaux poissons, mais qui ont du mal à se piquer, je mets un stop float à 15 cm au-dessus de la perle pour réaliser un « auto-ferrage ».
Le troisième montage
Celui-ci est plus particulier, il s’agit d’un method feeder de 45gr avec un bas de ligne de 10 cm. Je l’utiliserai vraiment dans le cas où les carassins envahissent le coup et mangent au plus près de la cage. Ce montage me permettra aussi d’essayer de sélectionner des poissons en utilisant des appâts style bouillettes et maïs Marukyu.
La mise en place de la stratégie
Comment procèdes-tu pour amorcer ton coup aussi loin et avec autant de précisions ?
Après avoir réglé ma distance de pêche en bloquant ma ligne sur le ligne-clip du moulinet, je repère un objectif visuel sur la berge d’en face. Ensuite, j’envoie des cages d’amorce avec un rythme plus soutenu qu’en cours de pêche, afin de créer « un spot » qui va attirer les poissons sur le coup.
Tu ne fais toujours qu’un seul coup ou tu prévois parfois un autre spot ?
Lorsque je désire amorcer un second coup, j’utilise une cage plus grosse qui va me permettre de déposer plus d’esches et de farines. Ceci permet de laisser ce coup au repos plus longtemps et de pêcher mon coup principal sans avoir à me soucier de ce coup annexe.
Revenons à ton coup principal. Tu mets combien de quantité d’amorce sur ce coup ?
Pour ce parcours, où le courant est nul, j’envoie une dizaine de cages.
Dès que le coup est suffisamment amorcé j’ajoute mon bas de ligne et je commence seulement à pêcher.
Tu n’amorces jamais avec le bas de ligne ?
Ah oui c’est un point intéressant. Je n’amorce jamais avec un bas de ligne. C’est une habitude que j’ai prise en compétition puisque ceci est dans le règlement FFPSC, mais aussi par simplicité. Il est vrai que lorsqu’on jette et qu’on ramène avec un rythme soutenu, on a tendance à avoir le bas de ligne qui s’emmêle. Ce problème est donc évité en ne mettant le bas de ligne que pour pêcher.
Quelle longueur de bas de ligne au début de ta pêche ?
Mon bas de ligne mesure généralement un mètre lorsque je commence ma pêche. Cette longueur car elle me donne souvent des indications précieuses lorsque je ramène ma ligne :
- Si mon appât est mangé sans avoir vu la touche, c’est que mon bas de ligne est trop long.
- Si j’ai des touches franches, mais que je ne ferre aucun poisson, je rallonge mon BDL pour diminuer la résistance et rendre mon montage plus souple.
Le temps de la pêche
La pêche débute doucement, quelques plaquettes prennent l’appât. Jérémie a à sa disposition des gozzers et des pinkies et un peu de fouillis congelé. Il conserve de grandes quantités d’esches au congélateur : pinkies, gozzers, fouillis, maïs, casters. Il stocke aussi ses sachets d’amorces pour conserver leur fraicheur et éviter qu’ils ne soient dévorés par les mites… Toute une organisation mise au point par l’expérience et les nécessités de la compétition de haut niveau. Au bout de vingt minutes des plaquettes un peu plus jolies commencent à rentrer sur le coup et soudain un carassin se fait berner. Il relance et Jérémie ressent des passages dans le fil mais il n’a plus vraiment de vraies touches.
C’est le moment de changer de stratégie. Il monte une bouillette blanche Mainline sur un hameçon au cheveu et il change de pêche en utilisant un method feeder. Après quelques minutes d’attente, une touche franche lui arrache la canne des mains et il ramène un beau carassin. Ce montage est peut-être la bonne méthode aujourd’hui ? Mais au bout de longues minutes d’attente, Jérémie revient à sa pêche traditionnelle au feeder. Immédiatement les petits poissons reviennent sur le coup jusqu’à ce qu’une dernière belle brème lui propose un combat fort agréable lors de sa traversée du canal.
Fin de pêche
Alors Jérémie, comment analyses-tu cet entraînement ?
Ce n’est pas terrible pour ce parcours. Je dois totaliser environ six kilos pour 2 heures de pêche. C’est une maigre pêche pour Saint Gilles à cette époque, mais le problème est général, beaucoup de parcours ne répondent pas à nos attentes en ce mois de Juin 2016.
Nous avions déjà observé le problème lors du championnat de France de 3 ème division nationale à Istres, où 80% des pêcheurs étaient capots pendant les trois manches.
Ensuite lors du concours du Team Milo 30, dans le canal de Broussan je gagne mon secteur avec 1000 points d’ablettes alors que la gagne était de neuf kilos de gros poissons l’an dernier. Mon ami Alexandre Perreira faisait un score de plus de 30 kilos au method feeder.
Le problème demande à être connu… mais qui s’en soucie ? Après un sympathique repas au bord du canal et la pesée terminée (honorable : près de 20 kilos) nous échangeons une franche poignée de mains et prenons rendez-vous pour une autre séance de pêche, un autre sujet, un autre parcours, un autre casse-croûte amical au bord de l’eau.
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INFOS SUPPLEMENTAIRES
Jérémie utilise toujours une amorce constituée d’amorces toutes prêtes du commerce et il fait une confiance absolue aux amorces RIVE, créées par Didier Delannoy. Plutôt que d’ouvrir consciencieusement les sachets il les éclate littéralement en les « fracassant » sur la face interne de la bassine. Il préfère également mélanger ses amorces à la main plutôt qu’avec un batteur électrique. Il ressent mieux ainsi la mouture et le taux d’humidification, ce qui lui permet d’obtenir « une mouille parfaite ».
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Beau récit une vidéo serait elle possible c est tjs mieux de voir les tenants et les aboutissants mais sinon vraiment belle synthèse sa donne envie de pêcher
Bonjour,
Merci de votre commentaire.
Le « project vidéo » n’est pas dans les cartons pour l’instant, mais n’est impossible…
D.LAURENT
Superbe résumé Daniel pour un mec qui le mérite milles fois et qui n hésite jamais à partager son savoir
C’est avec plaisir que je partage les savoirs, mais comme internet ne peut pas tout, j’apprécie beaucoup ces rencontres aux cours de mes reportages et ce avec tous les pêcheurs… amateurs ou compétiteurs… la pêche est belle et mérite ce partage dans la simplicité.