Texte et photos : Guillaume Macé
La Guyane française c’est 8 000 000 hectares de forêt amazonienne et de rivières. Six peuples amérindiens subsistent entre modernisme et tradition. Alex et Neyttan, deux amérindiens de la tribu wayana m’emmènent sur le haut Tampok à deux jours de pirogue de toute civilisation. Ici, en plein cœur du parc amazonien de Guyane, le décor est à couper le souffle. Dans le ciel, des aras rouges et bleus, des toucans à bec jaune, ainsi que des aigles nous survolent en poussant des cris stridents. Dans des arbres fromagers de plus de 40 mètres quelques singes écureuils sautent de branches en branches. Quelques papillons morpho bleu métallique ou vert brillant et noirs traversent la rivière devant nous. La forêt est très dense par endroit. Quelques iguanes plongent dans l’eau effrayés par notre passage.
Le camping dans la jungle
Nous arrivons sur des sauts (zone de chutes d’eau et de rapides sur la rivière) endroit idéal pour trouver les Aïmara. Les amérindiens, habitués à bivouaquer en forêt disposent à différents endroits sur les berges, des campements faits de quelques morceaux de bois. Ces structures appelées « des carbets », une fois bâchées nous serviront d’abris pour la nuit. La structure périphérique est souvent déjà assemblée avec une largeur de 4 m pour pouvoir disposer des hamacs. Pour ma part, j’avais prévu un hamac d’expédition avec moustiquaire et bâche. Deux arbres me suffiront pour m’installer rapidement. Au sol, il faudra nettoyer un peu et vérifier qu’il n’y ait pas de scorpions, araignées ou scolopendres. Les chaussures resteront en hauteur dans un sac ou à l’envers sur un pieu de bois. Nous n’avons pas été trop embêtés par les moustiques en forêt. Par contre matin et soir au campement les taons de la forêt amazonienne ne nous ont pas laissé beaucoup de répit. Il faut d’ailleurs faire attention à leur piqûre car ils peuvent donner le ver macaque : un parasite qui se développe sous la peau et provoque de terribles démangeaisons. J’ai aussi réussi à intercepter une tique appelée le pou d’Agouti, en train de me grimper dessus un matin. Le camping ici ,vous l’avez compris n’est pas sans risque! Mais quel pied de s’endormir bercé par les bruits de la forêt ! Seuls quelques singes hurleurs viendront de temps en temps perturber mes nuits.
Mon premier Aïmara
Je commence à prospecter tout doucement tous les amortis derrière les rochers, ainsi que les embâcles qui jonchent la rivière. Je m’aventure tout doucement dans l’eau. Alex me dit de faire gaffe : ici il y a des raies sur le fond et leurs piqures sont très douloureuses. Sous ses conseils, je fais attention quand je traverse en chassant le fond avec mes pieds et en croisant les doigts de ne pas en rencontrer une. Ici dans l’eau, entre les grosses anguilles électriques qui peuvent envoyer 800 volts, les caïmans, les anacondas, les piranhas et les aïmaras qui ont réputation de se jeter sur tout ce qui bouge, je réalise que cette nature sauvage est des plus hostile et que chaque erreur peut se payer cash. 20 minutes de pêche plus tard… alors que mon streamer impacte l’eau prêt d’un amas de branche, la surface de l’eau explose et me voilà pendu à mon premier aïmara, « Yess! »
Les repas
Autour d’un bon feu de camp, Alex et Neyttan préparent tous les jours poissons pêchés, caïman, hoccos chassés pendant le séjour. Pour conserver les aliments, ils les laissent sur le feu jour et nuit. A la façon d’un fumoir, cela permet de conserver et d’éloigner les mouches et les prédateurs. Souvent nos repas sont accompagnés de couac (semoule de manioc séché) ou riz, pâtes, lentilles, haricots rouges. Pendant les repas, ils me racontent leur vie dans leur village, là où les carbets en agglo et tôles ont peu à peu remplacé le bois et les feuilles de palmier séchées. Aujourd’hui, il y a un robinet dans leur jardin et un groupe électrogène qui alimente le village en électricité. Alex et Neyttan espèrent que leurs enfants sauront conserver la culture de leurs ancêtres malgré ce modernisme. Ils ont également passé pas mal de temps à m’expliquer les ravages causés par l’orpaillage clandestin. Proches du Surinam et du Brésil, il existe des sites clandestins où l’on creuse la forêt et ravage les rivières avec du mercure pour trouver de l’or. Un vrai fléau que les autorités ont beaucoup de mal à éradiquer hélas ! Comme me le fait remarquer Neyttan « la rivière, c’est notre congélateur« .
Aïmara à la mouche
La prospection des Aïmarasdans les sauts me rappelle la pêche à la truite en torrent de montagne. Il faut prospecter les amortis et les zones calmes derrière les rochers ainsi que les embâcles. La comparaison s’arrête ici, car les attaques sont vraiment violentes et vous surprennent dès l’impact de votre popper ou de votre streamer. J’utilise une canne 9 pieds soie de 12 avec une soie flottante, un bas de ligne en 60 cm fluoro et 30 cm de tresse acier 27 kg. Cela peut paraître démesuré, mais ce poisson peut faire jusqu’à 20 kg. Il est d’une puissance redoutable et son premier réflexe sera de retourner dans les embâcles. Il faut tout bloquer pendant le premier rush et brider à fond pour ne pas le perdre. Je n’ai touché que des spécimens autour des 5 kg maximum pour les plus gros et c’est déjà impressionnant. Je n’ose même pas imaginer le combat avec un poisson trophée dans ces conditions. J’ai remarqué aussi que ces poissons font de sacrées chandelles pendant le combat et ont la faculté de se décrocher facilement. Ici plus qu’ailleurs le combat n’est jamais gagné tant que le poisson n’est pas dans l’épuisette.
Tucunaré
Ce poisson est peu représenté en Guyane avec une seule espèce pouvant aller jusqu’à 5 kg sur le bassin du Maroni. Il peut se prospecter au popper et au streamer près des obstacles, le long des berges. Il est aussi un redoutable combattant avec des attaques en surface inoubliables. J’ai été obligé de le pêcher avec le même matériel car l’aïmara était sur les mêmes secteurs mais cela n’a pas posé de problème. Mes deux compères amérindiens pêchent, mais avec une bobine de fil, un plomb, un hameçon avec un bout de poisson. Ils envoient le tout en le faisant tournoyer avant de lancer mais en prennent peu. Je ne vous dis pas le sourire de ces deux-là quand ils ont vu le premier arriver dans mon épuisette ! Hélas il m’a glissé des doigts après la photo (le prochain aura moins de chance…). Ces poissons sont vraiment d’une beauté incroyable, vous noterez que le contraste avec les aïmara est saisissant. C’est appréciable un peu de couleurs de temps en temps. Les combats laissent aussi de sacrés souvenirs, croyez-moi!
Satané piranhas
Évidemment, vous vous en doutez, les piranhas n’ont pas résisté à l’envie de prélever quelques morceaux de nageoires pendant les combats. Il y a plusieurs espèces en Guyane dont les grands piranhas noirs. Sur le Tampok, ils auront malmené mes mouches en me rendant souvent un hameçon avec 4 poils. Ce poisson qui nourrit tous nos cauchemars d’occidentaux est finalement peu dangereux d’après les amérindiens. Eux, par contre, en consomment souvent. Il est présent en grosse quantité dans les fleuves et rivières et s’attrape assez facilement. J’ai aimé sur le retour voir Alex distribuer quelques poissons à chaque voisin qu’il rencontrait, en me disant « chez nous on fonctionne comme ça ». La prochaine fois c’est peut-être lui qui aura besoin d’avoir d’un bout de gibier, de poisson ou de manioc. La méthode du troc, ici, loin de tout, prend tout son sens.
Matériel utilisé :
- Canne : Jmc Pulsation 9 pied soie de 12
- moulinet: Shoreline 912
- Soie Airflo super dri gt wf12
- Bdl: fuoro 60 cm avec 40 cm de tresse acier 27 kg
- Lunette: Jmc azur christamax photo zen
Faunes sauvages
Pendant notre périple nous avons rencontré des caïmans. Il en existe deux espèces là-bas et les amérindiens les affectionnent en tant que gibier. Je n’ai pas échappé à la chasse d’un spécimen, une nuit où nous n’avions plus de poisson à manger. La technique pour les repérer est assez simple. Il suffit d’éclairer avec une grosse lampe les berges pour voir leurs yeux qui reflètent à la lumière. Nous avons également vu un anaconda de 6 m en train de digérer tranquillement sa proie sur le bord de la rivière en plein jour. J’avoue avoir eu un peu peur qu’il finisse dans notre assiette. Mais pour les wayanas, il est l’esprit de leurs ancêtres et donc on ne le tue pas… « ouf ». Il y a apparemment pas mal de jaguars sur le territoire mais je n’aurai pas la chance d’en rencontrer hélas. Par contre je ne compte pas le nombre d’oiseaux et de papillons tous plus beaux les uns que les autres. J’ai passé autant de temps avec mes jumelles à la main qu’avec ma canne. Nous avons également eu la chance d’observer des singes écureuils ainsi que des singes hurleurs. Il y a aussi des tapirs, des fourmiliers comme le tamanoir et le tamandou mais aucun ne viendra nous faire un coucou (non plus). Voilà, la liste n’est pas exhaustive, je le sais, mais ça donne un aperçu de la richesse animale qui nous entoure là-bas. Je repars la tête pleine de sourires et de souvenirs, avec un sentiment profond d’humilité, face à cette nature débordante.