Le passage des péniches et des bateaux n’a pas forcément un effet négatif sur la pêche, car suivant la largeur et la profondeur du canal ceci peut au contraire être un élément intéressant. Les turbulences provoquées par les hélices ou ouvertures des écluses créent des courants oxygénés et les farines se déplacent sur le fond ou la banquette. Voyons les effets positifs et négatifs en détails… pour le coup.
Lorsqu’un bateau ou une péniche se présente au sas d’une écluse, il faut s’attendre à des modifications de niveaux et à un fort courant, le temps que ce sas se remplisse ou se vide. Ces premières turbulences sont un signal fort pour la gente aquatique et les poissons ont très vite compris les effets positifs que cela engendre et ils profiteront de la manne de nourriture inopinée qui leur est proposée par cet événement. Malgré tout il faut différencier ce phénomène de brassage de l’eau par l’éclusée ou le passage des péniches suivant le type de canal :
- petit canal de navigation
- canal à grand gabarit.
Comment réagissent les poissons à ces bouleversements du milieu tout en sachant que l’utilisation des voies navigables n’est plus ce qu’elle était autrefois. Bateaux, barques et canots, pénichettes et autres embarcations à moteur sont en augmentation constante sur toutes les voies navigables. Donc, dans les faits, les gros brassages sont moins nombreux et les petits volumes d’eau déplacés par les plaisanciers sont en fin de compte quasiment insignifiants. Nous pouvons constater que les poissons se sont accoutumés à cette modification, à cette diminution de l’utilisation des voies navigables par de grosses péniches au bénéfice des bateaux de plaisance et qu’ils ne sont guère gênés par leurs passages.
La pêche en petit canal
Le passage des petits bateaux n’occasionne pas un brassage dense de l’eau et ce trafic normal est parfait pour oxygéner le parcours. Si la vitesse de passage est raisonnée (limitée) c’est au bénéfice du pêcheur car les gardons et les brèmes adorent cette perturbation passagère qui brasse l’eau sans que cela ne « casse » le coup puisque l’amorce est très peu bouleversée (voir le croquis n°1).
Par contre lorsqu’une grosse péniche, bien pleine et lourde passe sur le coup, elle « bouge le fond » et décolle les esches naturelles comme les vers de vase ainsi que les amorces. En définitif c’est contraignant pour le pêcheur qui doit réamorcer mais cela est aussi excellent pour prendre les poissons qui s’enveloppent dans le nuage des amorces délitées pour se saisir de toutes les particules animales. Il faut attendre que les remous aient cessé pour réamorcer « timidement »… Inutile de balancer lourdement des litres d’amorces sur un tel parcours, au contraire il convient de jouer la prudence en amorçant peu mais souvent, deux ou trois boulettes d’amorces grosses comme une mandarine à la fois.
Enfin, si le passage des bateaux est très épisodique et qu’un gros bateau lourdement chargé passe sur le coup, c’est une catastrophe à n’en pas douter car il y a de grandes chances que ceci sonne le glas des prises pour toute la journée. Les poissons sont devenus méfiants face à cet événement exceptionnel qui dérange leur habitat. L’utilisation de grandes cannes devient nécessaire et des montages plus fins deviennent obligatoires.
Et encore ce n’est pas gagné !… Après le passage d’un train de péniches il est préférable de se rabattre plutôt sur une pêche de bordure, dans les herbiers, en attendant que le coup du milieu retrouve des couleurs. D’ailleurs les herbiers sont bien plus nombreux dans ces canaux aux passages exceptionnels de bateaux que dans les canaux où les passages sont fréquents.
La pêche en canal à grand gabarit
Le passage de plusieurs péniches à l’écluse provoque un fort courant et une modification importante des niveaux. Le débit s’accélère quelques instants et c’est souvent au début de ce mouvement que se piquent les plus beaux gardons. Ensuite il faudra attendre que l’eau s’immobilise de nouveau pour retrouver les brèmes. Ces éclusées ne sont pas si nombreuses que cela dans une journée mais elles restent bénéfiques puisqu’une eau qui ne bouge pas devient vitre eutrophe et la pêche est moins pertinente.
Ces canaux sont très larges et le fond n’est pas le même que celui d’un canal à petit gabarit. Il y a souvent une première marche à une dizaine mètres et c’est bien souvent sur ce palier que le pêcheur construit son coup. Contrairement à l’exemple précédent, dès que les hélices des bateaux passeront sur le coup les farines seront aspirées par les remous vers le milieu du canal. L’amorce se délitera et se déplacera sur le fond principal pour former un fin tapis (voir le croquis n°2).
Pour réussir une partie de pêche sur ce type de canal il faut amorcer peu mais souvent (4 à 5 boules) pour réalimenter le coup. Le pêcheur doit être très vigilant à la fréquence des touches et adapter sa pêche au temps qui s’écoule entre chaque prise pour modifier la fréquence du rappel. Si le poisson semble absent, la raison en est simple : le positionnement des poissons sur le coup est plus au large. Ce phénomène, sournois je l’admets, doit être intégré dans la tactique de pêche et lorsque les poissons reculent pour suivre l’amorce il suffit d’ajouter un brin à la canne ou de mettre du fil pour les retrouver.
Pour ma part, j’estime que l’agrainage est plus judicieux pour les rapprocher de la berge. Dans tous les cas, dans ce type de canal l’amorçage court est conseillé puisque les amorces reculent aux passages des péniches. Lorsque le canal est très large, ainsi que dans les grandes rivières canalisées et le goulet des estuaires, l’impact de la navigation est insignifiant et n’a pas d’effet notoire sur l’amorçage. Pour pêcher ce type de parcours l’utilisation d’amorces lourdes et collantes permet de contrarier le déplacement du coup.
Conseils d’expert
- Dans les petits canaux le brassage de l’eau favorise la pêche car l’amorce ne bouge presque pas et les fonds délivrent une manne de nourriture.
- Dans les canaux à grand gabarit il est préférable de pêcher plus court pour concentrer les poissons sur la première marche. Après le passage d’un bateau les poissons seront au milieu du canal.
- Dans tous les canaux, lorsque les péniches semblent « casser » le coup ceci n’est pas forcément une gêne car l’eau brassée s’oxygène et les poissons deviennent plus mordeurs.