Il n’y a probablement pas de poisson au monde sur lequel il y a plus d’histoires et de mythes… Le marlin est le roi des poissons pour de nombreux pêcheurs et ce n’est pas près de changer ! Enfant, j’ai dévoré Hemingway « Le vieil homme et la mer » et depuis que je pêche, j’ai toujours rêvé secrètement d’attraper un jour ce poisson incroyable qui était tout en haut de ma liste des poissons à capturer dans ma vie de pêcheuse. Lors de mon récent voyage au Costa Rica, j’ai donc saisi cette opportunité pour le traquer, et peut être même l’affronter.
Mais avant toute chose, retour en arrière. Nous sommes en 2019 et mon partenaire Penn organise un jeu concours à travers toute l’Europe pour gagner un voyage de pêche au Costa Rica. J’ai la chance d’être invitée et me voilà au Costa Rica pour prendre mon premier poisson-coq. Durant ces 7 jours de pêche, je vais avoir la chance de toucher un marlin à seulement quelques mètres du bateau. Il vide alors la bobine à une vitesse folle, ma bobine est pratiquement vide quand il fait un premier saut, un deuxième et … je réalise qu’il s’est décroché malgré le fait que j’ai essayé de rembobiner aussi vite que possible pour garder le contact avec lui. Rageant mais tellement courant pour les pêcheurs de marlin, c’est d’ailleurs ce qui fait la légende de ce poisson, tellement compliqué à combattre. Avant ce premier contact avec un marlin, j’avais déjà passé environ 20 jours à le chercher à l’île Maurice et aux Maldives sans succès. 27 jours de pêche, un seul contact qui se termine par un décroché. L’ardoise est toujours ouverte pour moi !
27 jours de bredouilles
Je suis à ma quatrième journée de pêche chez Costa Rica Pêche Passion et j’ai laissé le choix au capitaine de choisir la thématique de la journée. Poisson-coq et carangues en côtier ou big game en hauturier, je ne le sais toujours pas en me levant aux aurores. Après un copieux petit déjeuner pour tenir la journée, je vois les gros moulinets Penn dorés de sortie sur le bateau, c’est sûr, aujourd’hui nous allons essayer de capturer un marlin au large ! Le capitaine m’accueille sur le bateau et m’explique la façon dont nous allons pêcher, avec son teaser favori et une belle bonite encore congelée en offrande si nous croisons la route d’un marlin.
Après une petite pause à l’entrée du golf pour attraper une centaine de sardines en guise d’appâts, pour avoir de quoi pêcher si jamais la pêche hauturière n’était pas bonne, nous mettons le cap vers le large. L’équipage est confiant, moi aussi, et nous naviguons une première heure en direction d’un hotspot du capitaine. Le rivage se fait de plus en plus petit et nous sommes en navigation lorsque le capitaine aperçoit un espadon en surface. Il décide alors de sortir les cannes pour essayer de le capturer mais après un premier passage, il ne semble plus dans les environs. Le capitaine a une autre idée en tête, nous n’insisterons pas plus sur ce poisson et poursuivons notre route vers le large.
Ce sera peut-être aujourd’hui ?
Nous arrivons sur le hotspot du capitaine, la houle est faible, le capitaine et son matelot sont en train d’installer les lignes, avec 2 teasers latéraux suivis de 2 montages avec les bonites et 1 teaser armé. LE teaser armé, celui porte-bonheur du capitaine. Il est aux alentours de 9h00 du matin, nous commençons à trainer pour cette journée de pêche qui sera certainement longue, et nous l’espérons tous couronnée de succès. Je suis en train de faire une petite vidéo explicative, après 5 minutes de traine seulement, lorsque j’entends le capitaine crier, non, hurler : « Marlin ! Marlin ! ».
En un éclair je pose ma caméra, je prends la canne pendant que le skipper fait de son mieux pour remonter toutes les lignes qui sont dehors. Le stress est intense pour toute l’équipe, les instructions fusent en espagnol, je suis arcboutée sur ma canne, le fil se déroule à grande vitesse et je vois ce poisson énorme sauter hors de l’eau une fois, deux fois, trois fois. J’ai ces images de mon premier marlin qui me reviennent en tête, je fais mon maximum pour garder une grosse pression sur lui quand je le vois sauter à droite du bateau à pratiquement nous dépasser ! Le poisson est tellement rapide et puissant qu’il arrive à former une bannière malgré toute la pression que je mets sur lui ! La règle numéro un dans une telle situation est de ne jamais perdre contact avec le poisson, sous peine de le voir se décrocher en sautant hors de l’eau et en secouant la tête. Le capitaine réagit rapidement et entame sa manœuvre pour me remettre dans l’axe du poisson, je ne veux en aucun cas le perdre, et une fois dans l’axe, c’est à ce moment que j’ai senti la force ahurissante de ce poisson. Un contact direct entre lui et moi, fini l’adrénaline du rush, des sauts et tout ce qui s’est passé durant ces premières minutes. Maintenant c’est une longue bataille qui commence entre lui et moi.
Que la bataille commence !
J’ai bataillé centimètre par centimètre pour reprendre le fil qu’il semblait dévider de mon moulinet Penn doré bien trop facilement, alors que j’étais complétement cramponnée à ma canne en donnant toute mon énergie. Le baudrier de combat n’était plus suffisant, je commençais à être au bout de mes forces sous ce soleil de plomb et j’ai demandé de l’aide. L’équipage m’a alors équipé d’un harnais, pour y attacher le moulinet, cela me permettant de pomper sur le poisson en ajoutant la force du haut de mon corps. Une vraie lutte qui n’était pourtant pas encore terminée ! Le poisson vidant constamment de mon moulinet le fil que je peinais à lui reprendre depuis plusieurs minutes.
J’ai voyagé à travers le monde depuis de nombreuses années, j’ai déjà eu la chance de prendre de gros poissons avec des espadons voiliers de 2,5m, des carangues GT de 35 kilos, des requins taureau mais rien n’est comparable à ce marlin. C’est à ce moment que j’ai commencé à douter et que je me suis rendu compte que j’allais peut-être perdre ce combat. Cet énorme marlin semblait plus fort que moi. Je me suis dit que je n’aurais peut-être plus la chance d’avoir un tel poisson au bout de ma ligne, et j’ai pensé à mon grand-père et ma Tiny bien aimée qui me regardaient sûrement de là-haut, tous deux m’envoyant un sursaut de force en puisant au plus profond de moi-même. J’ai entendu mon grand-père me dire que je pouvais le faire… alors je l’ai fait !
70 minutes de combat
70 minutes de bataille, mon dos, mes jambes, mes bras, tout mon corps brulait de douleur. Je pouvais sentir les battements de mon cœur dans tout mon corps, l’impression que chaque pulsion allait faire exploser mes veines tellement je donnais le maximum.
Après une manœuvre du capitaine pour me replacer, je vais finalement voir apparaitre furtivement le poisson à quelques mètres de moi. Il est là, il n’est plus si loin, cela décuple mes forces et lui parait résigné. Il semble accepter sa défaite, alors je donne toute mon énergie dans cette dernière ligne droite pour le faire arriver à proximité du bateau. Le capitaine prend le relai en se saisissant de la tête de ligne, je recule, je ne comprends pas trop la situation. Ai-je réussi à remporter le duel avec de beau marlin ?
L’hameçon est enlevé, le capitaine tient le rostre du poisson et me demande si je souhaite monter le poisson à bord. Je réponds par la négative, je veux juste le toucher, le tenir un instant, et lui rendre sa liberté. Je n’ai pas envie de lui faire prendre le moindre risque, pour une photo ou une vidéo, lui qui a aussi bataillé et qui mérite de regagner les profondeurs au plus vite. Je m’approche alors de ce poisson, je le touche, je le caresse, il est là. Ce moment est terriblement émouvant pour moi, je le remercie pour ce combat, lui qui danse encore devant moi, pendant que des larmes courent sur mes joues pour ensuite se mêler à la mer.
Santiago aura mis deux jours et deux nuits pour capturer son marlin, finalement croqué par les requins. Je n’ai pas la plume d’Hemingway pour vous raconter en détails la capture de mon premier marlin, mais ce que je sais c’est que le mien est reparti après un dernier baiser. Je l’ai regardé jusqu’à ce qu’il disparaisse, j’ai figé dans ma mémoire ce moment incroyable dans la vie d’un pêcheur et je n’oublierai jamais ce moment.
La journée ne faisait que commencer, j’étais exténuée, sur mon petit nuage, et les 3 espadons voiliers capturés dans la journée sont venus couronnés une journée de pêche absolument incroyable. Je l’ai fait, j’ai combattu un marlin seule, et ce jour-là, j’ai remporté mon duel !
Merci au capitaine pour cette expérience particulière, il a su prendre les bonnes décisions rapidement pour mener le combat à son terme. Merci au skipper qui s’est démené pour me faire pêcher dans les meilleures conditions. Merci à Christian, et au centre Costa Rica Pêche Passion, de m’avoir invité et m’avoir donné l’opportunité de capturer mon premier marlin, et à mon équipe qui me permet d’avoir une vidéo extraordinaire de la capture de mon premier marlin.