L’idée peut paraitre fortuite, mais taquiner le brochet à la mouche peut s’avérer payant dans de nombreuses occasions. Quelques précisions pour bien s’y mettre… A commencer par le matériel. Comme vous avez pu le lire dans un précédent article, à chaque type de poisson son numéro de soie, et donc les cannes et moulinets qui vont avec.
Le principal est de garder à l’esprit que traquer le brochet à la mouche (ou plutôt au « streamer »), demande des soies comprises entre 8 et 10, pour les plus grosses imitations. Choisissez ces dernières selon le type de streamer employé. Les SH et WF sont les plus adaptées pour lancer correctement ces volumineuses imitations. Flottante pour les imitations de grenouilles et souris, (oui vous avez bien lu…) ainsi que les faibles profondeurs. Et coulante pour le reste. Surveillez alors l’indice d’immersion de la soie (de 1 à 6). Le numéro 3 convient dans la plupart des cas pour des profondeurs entre 2 et 5 mètres selon le courant.
Le bon matériel pour pêcher le brochet au streamer
Pour les cannes, la longueur dépend de la façon avec laquelle vous voulez pêcher et des parcours que vous pêchez (à distance, en embarcation, peu de recul…). Généralement, vous trouverez des cannes données pour 8’6. Depuis une embarcation, une 7 ou 8’ est la plus adaptée. Pour l’anecdote, Sage a sorti il y a quelques années une 7’ destinée au brochet et musky qui a fait un malheur. Ainsi, plus la canne est petite, plus elle sera maniable mais cela peut diminuer sa capacité à lancer à grande distance. Côté action, certains vous conseilleront une action de pointe, d’autres des actions de pointe progressive. Une action progressive vous permettra d’avoir une canne plus souple sur une longueur plus importante ce qui permet d’améliorer la présentation. C’est un choix, mais quand l’action progressive est bien dosée, cela vous donne des cannes remarquables par le confort d’utilisation.
De nombreuses marques alimentent le marché, comme Sage avec les « Pike 9’ » et « One 9’ », JMC (marque française) avec les séries « Tentation » et « Expérience », Redington avec les « Crosswater » et « Predator » (très bon rapport qualité /prix), TFO avec la série « Esox » (idem et très jolies) ou bien Scott avec la prestigieuse « S4S »… Pour le brochet, elles sont généralement équipées d’un pommeau liège ou caoutchouc à l’arrière et parfois d’une poignée de combat. Deux ustensiles qui peuvent vous paraître en trop mais qui rendent service pendant un combat appuyé.
Côté moulinet, les large arbor sont prévus pour ces pêches fortes. Qu’ils soient « Die Cast » ou réalisés à partir d’une barre d’alu, choisissez le avec un frein solide, il m’est arrivé d’en casser un en sortant uniquement la soie.
Les JMC « XT », « Spirit 69 », « Coast 810 », Sage « 3800 », Galvan #8, Redington Rise II, Loop XACT, Tfo « Prism CLA », « BVK », entre autres, sont de très bons modèles. Préférez les modèles estampillés « mer », vous serez tranquille en eau douce et bien équipé pendant vos vacances.
Prévoyez aussi 100 à 150 mètres de backing 30 lbs avec, vous serez paré à toute éventualité… le silure répond aussi présent parfois.
Les bas de lignes, quant à eux, peuvent être plus simples qu’avec la truite. J’utilise par exemple 1m50 de 45 ou 50°/°° reliant un émerillon rolling au bas de ligne en acier ou titane. Pour l’émerillon, prenez le plus petit possible et d’une résistance d’environ 15 kilos. L’agrafe pour le streamer doit être tout aussi discrète que résistante. Les Decoy V-Snap sont très bien.
Les streamers pour la pêche du brochet
Comme au lancer, vous en trouverez pléthore ! De la surface jusqu’au fond et avec tous les matériaux existants : tout est possible.
Pour la surface, vous trouverez bien entendu des imitations de grenouilles, des poppers, mais aussi des souris et oisillons… Tout fait ventre chez notre ami brochet !
Entre deux eaux, là vous n’avez que l’embarras du choix ! Imitations flashy de poissons, fibres naturelles et/ou synthétiques, de 5 à 25 cm, articulées, en plumes de marabout, poils de chevreuil, vous pouvez tout trouver, il y en a un nombre incalculable.
Retenez simplement que les poils de lapin (vendus avec la peau) et les plumes « marabouts » sont les plus mobiles. Les poils de chevreuils sont creux et donnent donc la possibilité de réaliser des imitations flottantes (grenouilles et souris, voire popper), et les fibres synthétiques, pour lesquelles tous les coloris sont possibles, sèchent très vite avec 2 ou 3 faux lancers et sont très résistantes.
Certaines marques vendent des streamers déjà montés de très bonne qualité. JMC Mouche de Charrette par exemple, propose la série « Broc », collection de 21 streamers couvrant tous les coloris et situations. Enrico Puglisi en fait de même. Rien que ces distributeurs ont de quoi remplir vos boîtes… Vous pouvez également prendre en eau douce des streamers pour la mer, rien ne s’y oppose.
Si vous voulez les monter vous-même, je vous y encourage vivement ! La base est un hameçon simple 2 à 8/0 à longue hampe, tels que ceux utilisés en surfcasting.
Vous trouverez pour cela de nombreux modèles :
Daichii X472 Mer, Partridge CS45 BN, VMC 7244 et 7245, Mustad 33903 Popper, 34007 inox, Kamasan B940 ou B950U, Gamakatsu CS15, Tiemco 600SP… Vous pouvez également utiliser des circle hook pour les imitations plus petites. Les VMC 7381 BN sont bien adaptés en cela. Fins et solides, ces circle ont un très bon piquant. Avec eux, pas besoin de ferrer, bloquez votre soie, l’hameçon se piquera seul à la commissure des mâchoires. Pour les simples droits, tirez plusieurs fois sur la soie, canne en opposition au poisson. Ferrer classiquement, canne haute, vous mènera tôt ou tard à la casse de cette dernière.
A la façon des streamers à saumon, vous pouvez aussi opter pour des tubes plastiques. Ces derniers servent, comme les hameçons, de support aux différentes plumes et poils d’un streamer. A la différence que ce dernier pourra accueillir l’hameçon de votre choix. Passez simplement votre bas de ligne dans le tube et attachez-y votre hameçon, ce n’est pas plus compliqué que cela.
Vous aurez également besoin d’une soie de montage pour monter ces streamers. Une soie en 2/0 ou 3/0 est adaptée. Vous en trouverez également en kevlar très résistantes pour ces pêches. Vous pouvez même rajouter des « rattle » pour faire du bruit et/ou les asperger d’attractants pour augmenter leur attractivité.
Car c’est bien là la seule faille de cette pêche : l’imitation est très discrète au niveau des ondes émises et se fait surtout remarquer au visuel, c’est pour cette raison que les postes doivent être pêchés très lentement et/ou de façon insistante. Il faut donc privilégier les zones peu profondes et/ou les postes marqués. Sous l’eau les cassures, bois noyés et autres postes sont bien entendu à attaquer.
Pour commencer cette pêche, deux imitations de souris et de grenouilles, pour les émotions provoquées, et 5 streamers : 3 pour le brochet et 2 pour la mer, sont une bonne base. Personnellement, j’adore le FMF Bunny Yellow 2493. Très flashy et en lapin, il ondule très bien sur de longues tirées et vibre au moindre mouvement de votre part. Prenez les couleurs qui vous plaisent, le reste est question d’animation.
L’animation
Pour animer correctement un streamer, il faut tout d’abord maintenir correctement votre soie. Passez-la entre l’index et le pouce puis entre cet index et le majeur de la main tenant votre canne. La soie réalise alors un coude donnant la possibilité de la bloquer immédiatement et de mieux la tenir pendant l’animation et au moment du ferrage.
Pensez comme au mort manié : votre canne est aussi votre partenaire ! Je vois souvent des pêcheurs animer leur streamer avec une plus ou moins grande vitesse de récupération sans bouger leur canne. Au contraire, la canne et la soie doivent jouer ensemble. La main ramenant la soie peut faire varier cette vitesse mais c’est la canne qui assure le principal de l’animation. La canne peut donner de nombreux coups de scion pour donner une nage moribonde à votre imitation. Cela vous permet donc d’animer votre streamer plus efficacement tout en gardant un parfait contrôle de l’ensemble. Au moindre doute, vous bloquez le tout en serrant ces deux doigts, vous pouvez ainsi reprendre fermement votre soie de l’autre main pour lui tirer dessus et assurer un bon ferrage !
Les bons postes à brochet
Tous les postes s’attaquent à la mouche mais ils ne s’attaquent pas avec n’importe quelle soie ! Pas question de prendre une S3 pour un herbier sous la pellicule. Comme les moulinets mouche peuvent être vendus avec une autre « cassette » (seconde bobine), vous pouvez également avoir une autre soie avec vous. L’idéal bien entendu est d’avoir une flottante et une coulante. Certains fabricants, comme Rio, livrent même des soies avec des « têtes de rechange » ou « shooting head ». Il s’agit de têtes de soie de différentes densités que l’on peut relier boucle dans boucle à la « running line » afin de pêcher différents postes. Certains optent également pour deux ensembles prêts à faire feu. Personnellement, j’opte pour cette dernière solution. Je n’ai pas à enlever la soie de la canne, démonter la cassette, en remonter une, refaire passer la nouvelle soie dans les anneaux, etc.
Pour la majorité des postes, utilisez une WF9F. Je n’utilise la S3 ou S2 que pour les cassures et autres postes immergés à plusieurs mètres ainsi que les canaux (une très bonne école pour commencer). Car c’est bien là la force de la pêche au streamer : les attaques en surface ou sub-surface. Avec une flottante vous pouvez tout à fait attaquer un herbier comme un fond tapissé d’obstacles 2 mètres sous la surface. Votre streamer coulera alors lentement à l’arrêt mais reviendra vers la surface sous l’effet de la soie flottante pendant l’animation. Il adoptera alors la même nage qu’un poisson blessé, un plus pour le brochet. Présenter une imitation volumineuse mais légère ; pleine de vie mais lentement, c’est ce que permet cette pêche.
En plans d’eau, « float tube » ou « ponton boat », c’est magique. Vous approchez sans bruit au plus près des postes. Pour les herbiers, attaquez-les en fonction de leur profondeur. Une imitation de souris, de grenouille ou de poisson passant dans les veines libres de ce dernier vous garantira les meilleures chances… de faire mouche ! Idem pour les arbres morts, mais avec beaucoup plus de maîtrise.
Sachez utiliser les bons streamers. Pour ces postes encombrés, pensez à utiliser des streamers avec anti-herbe. Il s’agit de brins de nylon de fort diamètre faisant une boucle sous la pointe de l’hameçon. Allant de l’arrière de l’hameçon jusqu’à sa boucle d’attache, elle est maintenue par la soie de montage. Chaque obstacle peut ainsi être pêché sans le moindre souci.
Conclusion
Prendre un bec au fouet vous changera vraiment des « classiques » prises au lancer : c’est à arme égale, pas de moulinet pour récupérer plus facilement la ligne et juste votre main pour le frein… tant que le backing ne sort pas ! Privilégiez les zones à faibles profondeurs en été : moins il y a d’eau et plus votre streamer aura de chances de se faire attaquer. Pour les postes immergés, un ratissage chirurgical vous permettra aussi de faire de même.
Une bonne entrée en matière 😉
Merci Patrick, au plaisir. 😉
J’ai pêché à la mouche en mer de Chine ces deux dernières années et je souhaitai reconvertir mon matériel en rentrant en France. Le brochet à la mouche s’y prête carrément ! Merci Aurélien pour ces nombreux conseils !
Merci Paul, quelles espèces avez vous ciblé?