Le brochet est le poisson français qui semble le plus fasciner les pêcheurs depuis des dizaines d’années. Et forcément les plus gros brochets, les plus rares et les plus impressionnants sont toujours le sujet de conversation numéro 1. A ce propos en s’intéressant aux résultats des pêcheurs français, on s’aperçoit rapidement que certains confrères survolent largement et ont un album photo très au-dessus de l’ordinaire.
J’ai voulu recueillir les témoignages des plus grands spécialistes de la recherche de grands brochets en France, connus ou inconnus, pour vérifier s’il y a des points communs dans leurs approches, et pour démontrer que l’on peut avoir des résultats bluffant même sans aller à l’étranger ou au lac Léman !
Dans ce numéro recueillons les réponses de Jason, plus connu sous le pseudo de « Jayz Makouzi » dont les résultats ces dernières années sont impressionnants, et pourtant ses approches sont très loin du cliché des gros poissons pris en grands lacs sur un bateau, mais comment fait-il alors ? Réponse ici !
1/ Peux-tu te présenter stp ?
Je m’appelle Jason, 31 ans, et je travaille dans la restauration. J’ai débuté la pêche en Normandie depuis mon plus jeune âge, axée sur la recherche de brochets, sandres et perches. J’aime passer la plupart de mon temps libre au bord de l’eau, être au plus près de la nature me procure un réel bien être. Cependant j’ai dû mettre de côté cette activité pendant plusieurs années.
2/Comment en es-tu venu à te concentrer principalement sur la recherche des très grands brochets ?
J’ai repris la pêche de plus belle depuis 2016. Il a fallu tout réapprendre car avant la pêche n’était pas aussi développée. Comme je suis de nature très têtue et que j’aime aller au bout des choses, rapidement la traque des gros sujets me passionne et prend le dessus sur la pêche du nombre. La difficulté et la curiosité m’ont sans doute attirées dans cette voie que je ne quitterai pour rien au monde.
3/ Quel est ton « palmarès » ?
En trois ans j’ai eu la chance de faire une dizaine de 110 à 115cm et trois plus gros : deux de 117cm et l’impensable une magnifique « french lady » de 130cm. Le souvenir est encore intact et restera gravé.
4/ Quel est ton terrain de jeu favori pour traquer ces poissons ?
Je les recherche beaucoup en lacs et gravières mais aussi en fleuve. J’aime les pécher shallow en début de saison mais aussi dans les cassants en linéaire et traction. J’utilise également la verticale au-dessus des herbiers ou des cassants quand les brochets sont inactifs, cela m’a rapporté de belles prises. Pour la plupart, ces lieux je les pêche depuis gamin et activement depuis quatre ans. Le choix des lieux pour ma part se fait en grande partie au feeling. Apprendre le fonctionnement d’un spot étapes par étapes est un réel plaisir.
5/ Combien de temps y consacres-tu par an, quelles saisons ?
J’y consacre quasiment tout mon temps libre de mai à fin juin (minimum deux jours par semaine). L’été je ne pêche pas du tout le brochet, à cause des conditions climatiques notamment : chaleur, température de l’eau et manque d’oxygène ne permettent pas une pêche respectueuse avec un minimum de perte. Je reprends donc à l’automne en jonglant avec la recherche des sandres.
6/ Quel est pour toi la meilleure période pour les géants ?
Le début de saison est propice à la capture de géants (sortie de fraie) avec des poissons assez fuselés mais la période que je préfère se situe au mois de janvier.
En effet si les conditions climatiques le permettent et sont favorables, les grosses femelles commencent à se poser sur les zones moins profondes et se gavent un dernier coup avant d’entamer la fraie. Un grand nombre d’heures d’observation est nécessaire pour obtenir de bons résultats en cette période. Les phases d’activités sont très courtes et difficiles à situer, mais pour moi la période chaude de la journée est le meilleur moment.
7/ Quelles autres pêche pratiques tu, qu’y as-tu appris qui te sert pour les grands brochets ?
Je pratique également la pêche du sandre en verticale, une technique que j’ai aussi utilisée pour les brochets inactifs repérés au sondeur pour les faire craquer. Cela m’a fait découvrir deux techniques que j’ai adapté aux brochets. Avec une première technique qui s’utilise sur un écho pélagique ou posé sur le fond, je présente un joli finesse à plus ou moins un mètre au-dessus de l’écho en attendant qu’il attaque. Et une seconde technique à l’aveugle au-dessus des herbiers en verticale ou diagonale. Là où le linéaire est trop rapide cette dernière sort du lot.
8/ Quel type de leurres préfères-tu ?
Je pêche essentiellement avec des leurres de 20 à 30 cm de type shad, swim ou virgules sur monture shallow. Pour cela j’aime bien utiliser des Mac Rubber Svartzonker, Pig Shad CWC, gros Sandra Delalande, Line Thru Trout Savage Gear, Shad Teez Westin, Replicant shallow Fox Rage etc. Je les leste selon la profondeur choisie, cela me permet de réduire la vitesse de récupération ce qui plait aux gros brochets. J’utilise aussi des leurres plus lourds et compacts pour pêcher les zones profondes et les cassants comme des Replicant Fox rage, Rattle Trout Savage Gear etc.
Je tiens à dire qu’il n’y pas de mauvais leurres le plus important est de bien analyser votre terrain de jeu et de savoir où, quand, comment attraper ces grands poissons.
9/ Quels combos utilises-tu ?
J’ai utilisé l’année passée deux cannes principalement. Une casting de 2m40 en 80/180g Tenryu 80xxh et une casting de 2m59 en 100/300g, la Savage Gear Big Pike, les deux ont avec une action de pointe souple tout en ayant une grosse réserve de puissance. Cela me permet de réduire les décroches en absorbant la touche. Le combat est plus plaisant aussi. Ces cannes sont couplées à un Calcutta 401d.
10/ Quels accessoires te sont utiles spécifiques à cette pêche ?
Je ne sors jamais sans une très grande pince, et un sac de conservation carpe pour conditionner le spécimen avant la séance photo ou tout simplement pour ne pas rater les courts moments d’activités, je mets mes prises dedans, très pratique et indispensable pour un specimen hunter en float tube à mon avis. J’utilise depuis quatre saisons maintenant un float tube Jmc Commando qui pour moi reste abordable et solide dans le temps. Mais l’assise s’affaisse avec l’âge, or il est important d’être bien assis si possible surélevé par-rapport à l’eau.
11/ Quelle technique, approche, stratégie, penses-tu est la meilleure pour cette pêche ?
Cette pêche je la pratique 80% des fois en float tube (plus discret) sur des spots que je pratique souvent et qui abritent de beaux poissons. C’est une pêche qui met le mental à rude épreuve. Cela consiste à quadriller une zone choisie avec de gros leurres pendant des heures jusqu’à ce que madame craque. Une pêche pas marrante tous les jours car pas mal de capots mais au final productive dans l’ensemble. Mon déplacement de spot en spot se fait à l’intuition. Je peux très bien rester une grande partie de la session sur le même spot en attendant qu’il se mette sur « On », ou je peux faire de la prospection en enchainant les spots les uns après les autres. Cela dépendra des informations récoltées durant les sessions précédentes. Il en découlera un chemin à suivre ; des heures d’activités, des lieux etc.
12/ Quelle est la conséquence de cette stratégie sur ton nombre de touches, sur les éventuelles bredouilles, et comment gères-tu cela ?
Ce n’est pas une technique pour faire du nombre loin de là. C’est un mode de pêche à part, un combat contre soi-même. Nombreuses sont les sessions où je n’ai pas senti la moindre touche. C’est très dur pour le moral mais à force on s’habitue à la rareté des touches.
13/ Quels postes ou secteurs sont tes préférés ? Comment les abordes-tu ?
J’aime tous les cas de figure que ce soit des zones shallow, cassures ou pleine eau, chaque spot a son charme et techniques différentes. Mais si je devais en choisir une j’irais sur un grand plateau herbeux peu profond promener un gros shad très peu plombé.
14/ Raconte-nous la prise de 2 poissons record qui t’ont marqué.
Cela s’est passé fin janvier 2019 en gravière, à cette époque je vise les zones peu profondes à l’affut des rassemblements de pré-fraie. Le souvenir est encore intact et restera gravé. Une session de rêve où j’aurais la chance de toucher trois poissons métrés dont un 130cm dans 1,50m d’eau ! Une touche énorme (zone de chasse) un combat magique tout en force. Quelques jours avant j’avais noté une activité sur ce spot mais très brève, je me dis que je suis arrivé en retard et que le coup de feu était passé. J’ai donc renouvelé l’expérience mais cette fois-ci en prenant le soin d’y passer une heure plus tôt. Les premiers lancers n’ont rien donné pendant une demi-heure, le néant et d’un seul coup le spot s’est animé subitement. Mon observation était bonne le spot se réveillait bien un court moment dans la journée. J’ai pu assister à vingt minutes d’euphorie alimentaire puis le spot c’est re-figé.
Mon deuxième s’est passé également dans une gravière en tout début de saison. J’ai le souvenir aussi de ce 117cm très gras pris aussi en cranking au leurre souple sur un spot plus profond (7m). Je faisais évoluer le leurre entre deux eaux (profondeur d’alimentation du jour) et d’un coup gros blocage, la big bait était cintrée à son maximum. Je fais face à de gros coups de têtes avec de grosses amplitudes caractéristiques des gros brochets. S’en suit une maxi chandelle où j’ai pu le voir entièrement hors de l’eau. Un moment magique aussi.
15/ Comment vois-tu cette traque à l’avenir en général ? Quelles eaux te semblent avoir du potentiel, quel matériels, techniques ? Toi, quel est ton projet à l’avenir pour cette pêche ?
Cette pêche est addictive je ne compte pas arrêter comme ça. Je pense que toutes les étendues d’eau sont susceptibles d’abriter ces géants. Ce n’est pas parce que nous ne les voyons pas qu’ils ne sont pas là, ce sont des poissons fantômes. Prochainement ce sont les grandes étendues hollandaises qui m’attirent en alternance avec les lacs alpins.
Bonjour,
Super interview, les questions sont pertinentes ce qui permets d’apporter de vrais conseils !
Pensez-vous que l’utilisation d’un moteur et d’un sondeur à une conséquence non négligeable sur le nombre de poissons ? En êtes vous équipé lors de vos sessions de pêche ?
Merci pour vos réponses !
Tom
Je remet pas en cause sa pêche mais dans des gravières ça n’a absolument rien à voir avec la recherche des gros pike en lac alpin, surtout en float tube… En pélagique là y’a une vraie pêche au mental.
En effet c’est différent… car ce n’est pas la même chose ! 🙂
Cependant je ne remettrais jamais en doute la pêche au mental de la recherche des gros brochets. Car si c’était si facile, pourquoi il n’en sort pas tous les ans des 130 en gravière??
Et d’ailleurs statistiquement il serait facile de dire qu’il se prend beaucoup plus de gros brochets dans les lacs alpins, donc il bien y falloir moins de mental qu’ailleurs ^^
Bref je ne pêche ni en gravière, ni en lacs alpins, mais je pêche les gros brochets quand même, et perso je ne m’autoriserait jamais à dire que tel ou tel endroit demande plus de mental, de pratique, de « facilité » ou autre… surtout sans l’avoir pratiquée.
En gravière le volume pêchable et beaucoup plus petit qu’en lac alpin, en float tube on peut passer totalement au travers où pêcher dans le vide si on ne choisi pas le bon spot de départ sur de grandes surfaces d’eau, en gravière on passe forcément dessus plus facilement mais ça ne veut pas dire qu’ils seront plus faciles à déclencher….