Après la longue trêve hivernale, le moment est venu de retourner au bord de l’eau en seconde catégorie pour traquer les carnassiers. Les moulinets ont été nettoyés, révisés, les leurres maintes fois regardés, les hameçons affûtés ou changés, les cannes nettoyées et les tresses vérifiées. C’est une excellente façon d’anticiper l’ouverture et de se projeter sur les sessions futures. Les pêcheurs qui ont la chance d’avoir eu accès aux premières catégories se sont eux déjà échauffés sur la truite. L’ouverture de la pêche du brochet n’est pas toujours uniforme en France. Certaines AAPPMA, comme celle du lac du Der-Chantecoq, ouvrent le troisième samedi d’avril, ce qui correspond cette année au 16. Alors que sur le plan national, l’ouverture se fait le dernier dimanche d’avril, à savoir le 29.
Cette date tellement attendue par les pêcheurs de carnassiers marque surtout le grand retour de la pêche du brochet. La période de reproduction s’étale en France de la mi-février à la mi-mars en fonction des températures et des niveaux d’eau. Selon les régions et les conditions climatiques, le frai peut se décaler de quelques semaines.
L’Ouverture de la pêche du brochet
Pour les autres carnassiers, il faudra attendre un peu. Les perches seront peu réceptives et termineront tout juste la reproduction, vous pourrez peut-être observer dans les bordures les œufs déposés en longs filets blancs. Le sandre se reproduira un peu plus tard, quand la température aura un peu grimpé. C’est pour cela que certaines AAPPMA ferment les secteurs de bordure identifiés comme zones de frayère au moment de l’ouverture du brochet. Le black-bass, quant à lui, voit sa reproduction intervenir beaucoup plus tard et, afin de le protéger, sa pêche fait l’objet d’une fermeture spécifique jusqu’au premier juillet.
En prenant toutes ces données en compte, la confection des boîtes de leurres va pouvoir se faire sereinement en orientant délibérément sa pêche sur la recherche du brochet. Fin avril début mai, les brochets se trouvent proches des bords ou dans la végétation naissante. La reproduction des cyprinidés ne devrait pas tarder, offrant une occasion de se nourrir sans trop se fatiguer en tapant dans les grands rassemblements de poissons blancs. Attention, les silures ne seront pas loin, ils ne vont pas manquer la reproduction des brèmes. La reproduction des grenouilles est aussi un moment qui ne va pas passer inaperçu aux yeux des carnassiers : ça coasse dans tous les sens et les batraciens sont pleins d’insouciance. Brochets et silures vont cibler cette affluence de nourriture facile et providentielle en parcourant les zones d’herbiers et la bordure. Il n’est donc pas nécessaire de vouloir pêcher très creux, sauf dans des secteurs bien particuliers.
Quel Matériel Privilégier ?
Il va de soi qu’en fonction des affinités de chaque pêcheur, il faudra choisir entre les cannes casting ou spinning. Si l’on pêche du bord, il peut être intéressant d’utiliser une canne spinning, notamment si la berge est encombrée d’arbres. Elle permettra de passer la pointe de la canne entre les branches pour propulser le leurre d’un coup sec du poignet. En ce début de saison, le poisson nageur va rencontrer un franc succès. Rappelez-vous, les brochets ne sont pas profonds et la végétation aquatique n’est pas encore dense. Les poissons nageurs pourront donc se faufiler facilement, jouer de la magie du suspending et déclencher des attaques brutales.
Puisque l’on a cadré les leurres à utiliser, reste à choisir sa canne et son moulinet. Pour le choix des cannes, inutile de prendre une canne trop tactile ni trop rapide. Une action modérée ou modérée fast conviendra très bien. Elle permettra au poisson nageur de nager tout seul sans être bridé. Plus une canne est rapide et tactile, plus elle contraint le poisson nageur dans sa nage et plus elle transmet des informations désagréables au pêcheur. C’est encore plus vrai lors de l’emploi de leurres à grande bavette qui tirent et vibrent fort. Elles seront par contre très utiles lors de toutes les pêches à gratter.
Pour choisir la puissance de la canne, il suffit de jeter un œil à sa boîte de leurres. En principe, le minimum devrait être 15g et le maximum 60g pour les pêcheurs du bord. Les pêcheurs en embarcation, moins contraints par la gestion du poids, auront toute liberté pour multiplier ensembles et leurres. En spinning, vous trouverez votre bonheur dans les cannes Shimano Stradic et Sustain qui sont déclinées en pas moins de 13 modèles de puissances et tailles différentes avec deux types d’action. En casting, mon cœur ira vers les Shimano Poison Adrena ou Expride avec un très gros faible pour les G.Loomis NRX+ dans la série MBR qui fait preuve d’une énorme polyvalence.
Le moulinet est une pièce maîtresse qui va vous permettre de récupérer la ligne, de faire nager le leurre sur une récupération en linéaire, mais aussi de garder le contact avec votre adversaire en plein combat. Un frein qui bloque ou qui donne des à-coups, c’est la casse ou la décroche assurée. Sur certains secteurs de pêche, c’est déjà compliqué, il serait dommage de perdre les poissons en combat suite à un mauvais investissement. Il faut être raisonnable dans le budget, mais il vaut toujours mieux investir une bonne fois dans une valeur sûre que dix fois dans du bas de gamme moins cher qui vous lâchera toujours au mauvais moment et reviendra nettement plus cher au final. Ce qu’il faut regarder, c’est la vitesse de récupération, la facilité de réglage du frein micrométrique et sa fluidité lorsqu’il est serré. Une vitesse d’environ 85 cm au tour de manivelle est bien suffisante pour la pêche du brochet, sauf exception. Chez Shimano, on préférera les bâtis CoreSolid : c’est une construction beaucoup plus rigide qui est conçue pour les pêches plus fortes. La gamme de tailles allant de 2500 à 4000 conviendra très bien pour le spinning, notamment avec les modèles Stradic ou Sustain. En casting, il faudra trancher sur les différents profils de moulinet. Les modèles profilés se feront oublier dans la main alors que les tambours ronds seront un peu plus proéminents sur le dessus de la canne. Pour les profils bas, le Shimano Bantam 151 XGA (récupération 89 cm) ou le Curado 201M répondent très bien à l’utilisation des leurres standards. Pour les gros leurres, on passera sur la Rolls qui est le Calcutta Conquest 301MD ou le Tranx 301.
Les Leurres Brochet pour l’Ouverture
S’il ne fallait qu’un seul leurre, le choix serait cornélien, mais heureusement on en profite, les boîtes peuvent en contenir plusieurs. Sans pour autant se charger comme une mule, on va établir une stratégie en fonction des éléments suivants : lieu de pêche, couleur de l’eau, météo.
Le lieu de pêche va déterminer la profondeur maximale de pêche ; il faudra en tenir compte pour la profondeur d’évolution des leurres. Inutile de prendre un leurre qui nage à 4 m pour prospecter un étang avec 2 m de profondeur. Cela semble logique, pourtant on voit souvent des sélections incohérentes. Autre particularité, les brochets ont une vision vers le haut et, normalement, en cette période de l’année vu la température de l’eau, ils seront actifs et cibleront des proies qui passent au-dessus d’eux. Qui dit poisson en activité rime avec pêches rapides et pêches de prospection. C’est l’heure de battre du terrain pour croiser les carnassiers, les billes pourront être un atout en ce début de saison. La bonne sélection en rivière et plan d’eau peu profond passera par les swimbaits, minnows, jerkbaits, crankbaits et pourquoi pas un leurre à hélice pour passer sur les bordures.
La pêche aux leurres en début de saison est simplifiée suite à l’absence de pêche pendant quelques mois. Le swimbait est le leurre de début de saison. Il est très simple d’animation, il suffit de le mouliner pour le faire nager. Une pause, un léger coup de scion pour le désaxer suivi d’un redémarrage rapide suffisent souvent à déclencher la touche. C’est à la portée de tous et d’une simplicité bluffante. Deux exemples de leurres utilisables avec une canne spinning passe-partout pour le brochet : le Shimano Armajoint qui pèse 51g et ne tire absolument pas dans la canne, il se lance comme un missile, ou le Yasei Soul Swim version 16 cm qui pèse seulement 36g.
Pour les prospections plus rapides, on passera sur les crankbaits qui brassent beaucoup d’eau ; leur forme particulière leur permet d’être repérés rapidement en émettant énormément de vibrations. Dans cette catégorie, on retrouvera également les lipless crankbaits. Les jerkbaits minnows et les minnows seront à utiliser en récupération rapide entrecoupée de pauses. L’utilisation des modèles suspending permettra d’insister sur la pause, ce qui peut parfois décider les poissons suiveurs. Les jerkbaits, quant à eux, beaucoup plus massifs et plus lourds, ne sont pas accessibles à la majorité des cannes. Il faudra un matériel spécifique pour les utiliser, mais ça vaut vraiment le coup car ce sont des leurres qui fonctionnent très bien. Ils brassent beaucoup d’eau et leur large silhouette ne passe pas inaperçue. Ils font se déplacer les carnassiers de loin. Le Shimano Yasei Javelin Jerk, récemment arrivé sur le marché, fonctionne très bien ; on trouve d’autres jerks connus comme le Westin Swim ou le Buster Jerk CWC.
Le Choix des Couleurs
Les pêcheurs restent régulièrement sur les coloris naturels, à savoir flanc argent et dos foncé. C’est vrai que cela fonctionne très bien certains jours, sauf que parfois ce coloris ils n’en veulent pas. Pour avoir testé à plusieurs reprises le même leurre avec différentes couleurs, force est de constater qu’un coloris fonctionne et les autres ne donnent pas de résultat. Le blanc est une couleur assez peu utilisée par les pêcheurs ; pourtant, dans l’eau, elle donne l’impression que le leurre est beaucoup plus volumineux. C’est très efficace sur le brochet qui apprécie les grosses proies. Les couleurs pétantes sont idéales pour être repérées de loin dans les eaux teintées ou déclencher l’agressivité. Sur toutes les pêches de réaction, il faut que la couleur claque. Par eau acide ou couleur tourbe, le rose, l’orange ou le jaune sont des valeurs sûres. Rappelez-vous que le brochet chasse à vue et un coloris qui tranche avec l’environnement est souvent payant.
Une expérience involontaire a été conduite par un ami. Il avait une petite mare avec quelques carnassiers dedans. Parfois, lors de pêches au coup, il ramenait quelques poissons fourrage dans un seau blanc. Les gardons et autres devenaient rapidement très clairs et, quand ils arrivaient dans la mare, leur couleur tranchait avec le milieu. À peine mis à l’eau, le peu de carnassiers présents se mettaient en quête du moindre intrus. L’expérience a été tentée de pêcher quelques gardons du plan d’eau, de les mettre dans le seau blanc puis de les relâcher au bout d’une heure. Ils sont devenus plus clairs et se sont fait manger dans la foulée. Afin de vérifier s’il s’agissait de la remise à l’eau des poissons ou de la couleur qui influençait, il a refait une pêche en laissant les poissons de l’étang dans une bourriche verte. À la fin de la pêche, il les a relâchés et aucun carnassier ne s’est manifesté.
On constate un peu le même phénomène lors de l’introduction de jeunes carpes koï multicolores dans un plan d’eau où il y a du brochet et du silure. Rares sont les carpes koï qui échappent à la prédation des carnassiers. Seules se sauveront les poissons de taille importante. Ces deux expériences montrent que les carnassiers visent la simplicité en ciblant des proies qui se voient. Il faudra donc impérativement prévoir un panel de couleurs dans sa boîte de leurres. Des coloris naturels, transparents et agressifs sont nécessaires pour avoir une boîte de leurres efficaces.
Conclusion
L’ouverture reste un grand jour : c’est une nouvelle saison qui démarre. L’occasion de retourner au bord de l’eau pour tenter de leurrer les brochets. À l’occasion du début de saison, les poissons sont encore accessibles, proches des bordures donc peu profonds, ce qui est parfait pour se faire plaisir au poisson nageur. Ces leurres sont simples à faire nager pour la plupart, ils nagent tout seuls. La bavette ou leur conception font que ces leurres sont devenus des machines à pêcher. Le pêcheur n’a plus qu’à donner le rythme du jour : récupération lente ou rapide, linéaire ou stop & go. Choisir la bonne couleur est essentiel car il n’y a pas de règle absolue. Parfois, dans une même journée, il y a tout et son contraire. Quand ça ne fonctionne pas, changez de couleur, de modèle, de sonorité et surtout passez un bon moment au bord de l’eau !