L’ouverture de la pêche de la truite en première catégorie a lieu en général le second samedi de mars dans notre pays. Ce jour reste une date incontournable pour beaucoup de pêcheurs, qu’ils soient aguerris, débutants ou occasionnels. Voici quelques conseils pour préparer au mieux cette journée particulière !
L’ouverture de la truite va être envisagée de manière différente selon la technique de pêche employée : un pêcheur à la mouche, un pêcheur au toc, et un pêcheur au leurre ne vont pas forcément adopter la même stratégie le jour J. Et ceci à plusieurs niveaux : parcours, heures de pêche les plus productives, vitesse de prospection, solutions de repli par exemple. Le grand rendez-vous annuel pointe son nez dans quelques semaines, et il serait dommage de passer à côté pour avoir négliger certains détails ! La pêche se joue souvent sur des détails, et encore plus ce jour-là à nul autre pareil !
Reconnaissance des parcours
Il n’est jamais inutile de prospecter les parcours quelques jours voire quelques semaines avant l’ouverture de la pêche. Notamment ceux que l’on ne connait que peu. Ainsi, il sera possible d’identifier les meilleurs postes afin de ne pas perdre de temps le jour J et d’aller à l’essentiel. Cependant, on ne perdra pas non plus du temps à faire la reconnaissance d’un parcours maintes fois pêchés quelques jours avant l’ouverture : des crues hivernales ont pu modifier le parcours ; ainsi un pool porteur les années précédentes a pu se transformer, un arbre mort apporté par une crue a pu changer un courant insignifiant en poste de choix, ou encore une zone sans caches a pu s’approfondir et voir sa berge se creuser, laissant augurer de bonnes choses à venir… Le niveau d’eau a peu de chances de changer à quelques jours de l’ouverture et vous permettra de déterminer les zones les plus favorables et celles qui peuvent être oubliées ce fameux jour. Une prospection vous permettra aussi certainement de repérer quelques poissons en activité, éventuellement des gobages et donc d’emmagasiner des informations de toute première importance en vue de l’ouverture. Toutefois, ces prospections effectuées ne vous mettront pas forcément à l’abri d’une mauvaise surprise : une grosse fréquentation, une crue soudaine, un niveau d’eau au contraire très bas. En cas de mauvaise surprise, il va falloir être réactif et très vite ! S’obstiner en pêchant comme un automate une zone qui parait « morte » est la dernière chose à faire. Lorsque vous sentez que vous n’y êtes pas et qu’aucun poisson ne viendra saisir votre leurre, votre mouche ou votre ver, il est temps de « déménager » et d’envisager sérieusement une solution de repli ! Encore faut-il y avoir penser au préalable. C’est la raison pour laquelle il est important de toujours prévoir plusieurs solutions de secours et d’avoir sous le coude plusieurs cartes à jouer le cas échéant. Je me souviens encore du week-end de l’ouverture 2022 où j’annulais au dernier moment un week-end prévu dans les Cévennes suite à de fortes pluies et qui a abouti à la prise d’une truite de plus de 70 cm à l’aval d’un barrage dans les Pyrénées. Je me souviens aussi d’un samedi d’ouverture une trentaine d’années plus tôt où n’ayant pas été réactif après des pluies, j’avais réalisé un superbe capot au vairon manié sur des ruisseaux et rivières des contreforts du Larzac. Cette fois, la leçon a servi ! A ce propos, bien connaitre sa zone de pêche est un avantage indéniable, notamment en cas de pluies pour pouvoir déterminer les zones les plus propices en fonction de la quantité d’eau tombée. On trouve désormais très facilement les débits des rivières en temps réel sur internet, et c’est un outil à maitriser et à utiliser sans modération. Cet outil n’existait pas trente ans en arrière…
Un matériel sans faille !
Si l’on veut mettre toutes les chances de son côté, mieux vaut n’avoir à se concentrer que sur l’essentiel le jour J, c’est à dire sur la pêche. On préparera minutieusement son matériel la veille ou les jours précédents sans ne rien laisser au hasard : vérification de la canne, entretien du moulinet, nylon neuf, tresse en bon état, bas de ligne soigneusement montée à l’avance. Tout ceci dans le but d’éviter de perdre du temps au moment où il sera le plus précieux. Préparer son matériel ne signifie pas non plus tomber dans l’excès inverse. Je me souviens d’un copain qui il y a une trentaine d’années avait tout préparé et était passé chez moi à Montpellier où je résidais à l’époque pour me montrer son nouveau lancer dont je tairai la marque. Tout fier, il me montrait à quel point son scion pliait parfaitement en tirant dessus. C’est vrai qu’il pliait bien… jusqu’à un sinistre crac où il céda sur les derniers centimètres. De deux brins, sa canne était passée à trois ! Le seul problème, c’est qu’il était vingt heures ce vendredi soir et qu’il dut faire l’ouverture le lendemain avec son scion raccourci ! Les truites de la Vis en furent ravies car il décrocha ainsi bon nombre de poissons ! Pour éviter ce cas de figure ou tout autre équivalent en cas de casse, il peut être judicieux de glisser une seconde canne dans le coffre de votre véhicule au cas où. Même une vieille canne peut rendre dans cette situation de fiers services en cas de casse, et ça arrive bien plus vite qu’on ne le pense : chute, retour du leurre ou de la nymphe contre le blank de la canne, portière de la voiture, scion qui heurte un arbre ou un rocher, il n’y a pas de limites en la matière !
Soyez matinal… mais ne faites pas de sieste !
C’est très souvent à l’aube que les truites font leur apparition : en effet, ce moment où il ne fait plus nuit mais pas encore vraiment jour est un instant privilégié où la vie renait dans la rivière. Sur beaucoup de rivières, c’est une période plus ou moins courte où il sera possible de faire quelques poissons assez rapidement. C’est ici une pêche de vitesse où il faut enchaîner rapidement sans avoir à se déplacer beaucoup entre les postes. La phase d’activité peut parfois se prolonger un peu dans la matinée, mais vers neuf ou dix heures c’est généralement fini. Il faudra attendre quelques heures pour retrouver une phase d’activité, ce qui n’empêchera pas les plus opiniâtres de prendre quelques truites, mais c’est clairement un moment où l’activité décline en règle générale. Personnellement, j’en profite en général pour manger (vers 11 heures) afin d’être de nouveau d’attaque vers treize heures. C’est souvent le second temps d’activité de la journée qui commence. C’est mon préféré pour plusieurs raisons : il n’y a plus grand monde au bord de l’eau, il fait bon, et les truites peuvent même gober si une éclosion se met en place. Je troque alors ma canne à lancer contre ma canne à mouche pour profiter des premiers gobages de la saison. Et si, on choisit bien son parcours de l’après-midi, on peut avoir de grosses surprises en surface ! Il est conseillé pour se faire de pratiquer en terrain connu. Ce n’est définitivement pas une bonne idée de partir à la découverte d’un nouveau parcours ce jour-là. Même si découvrir un nouveau terrain de jeu est toujours un plaisir, mieux vaut aller à l’essentiel à cette date ! Il est préférable d’éviter les pièges d’un parcours inconnu : fréquentation, approche mal adaptée, perte de temps. Il est primordial d’esquiver tout ça, surtout si la concurrence est féroce ce fameux jour. Ce n’est pas parce que c’est la reprise qu’il faut faire n’importe quoi en pensant que les poissons seront faciles. Il est bien préférable d’étudier soigneusement sa ou ses stratégies. Pour en revenir à ce fameux coup de midi, il est en général la meilleure période de pêche de la journée en début de saison. La raison principale de ce moment d’activité tient au fait que la température de l’eau va atteindre son paroxysme et entrainer des éclosions d’insectes qui vont provoquer des phases alimentaires des poissons (vairons, blageons, truites). Et généralement, vos collègues vous laissent la rivière pour vous seul durant ce moment béni, trop occupés qu’ils sont à se raconter la matinée, à finir l’apéritif ou à déguster leur repas.
Fuir la foule
C’est quasiment une constante invariable qui se répète chaque année : il est déconseillé de pêcher sur les parcours réputés ou/et faciles d’accès. Il est bien préférable de mettre son dévolu sur une rivière de seconde zone que de se lancer à l’assaut du cours d’eau le plus connu de la région ! Même si la population de truites y est inférieure, la rivière qui échappe un peu aux « radars » et demeure confidentielle sera la bonne option. J’admets que cela devient très difficile désormais entre les blogueurs et autres youtubeurs inconséquents, ou les posts sur les réseaux sociaux qui vous donnent presque en temps et en heure l’endroit exact où ça mord. Quel dommage d’avoir basculé de la sorte vers ce monde virtuel qui porte tant préjudice au monde réel. Et si certains s’en mordent les doigts a posteriori, c’est trop tard, le mal est fait. Lorsque l’on souhaite pêcher l’esprit tranquille, rien ne vous comblera plus que de faire ce choix, celui de la rivière oubliée. A ce propos, une rivière polluée par le passé et tombée aux oubliettes peut réserver de bonnes surprises aussi. C’est quand même un luxe d’être seul ou quasiment sur une rivière à truites ce jour-là. Et s’il faut un peu marcher pour accéder au parcours, cela ne fera qu’accroître sa valeur. Le pire choix restant le parcours réputé longé par la route ! Dans le même registre, si la rivière n’est pas trop petite, pêcher en la descendant est une option qu’il va falloir envisager sérieusement. Vu que quasiment 100 % de vos confrères pêchent en remontant, cette stratégie vous permet de pêcher en étant sûr à 99 % de passer le premier. C’est un sacré luxe quand même ! Ainsi, il y a deux ans, cette astuce m’a permis de pêcher tranquillement durant deux heures avant de croiser un pêcheur qui remontait la rivière. Ce qui n’avait plus aucune importance à ce moment-là, la pêche était déjà faite. Si vous souhaitez faire l’ouverture avec des copains, et partager un bon moment, il est quand même recommandé de se diriger vers une rivière assez importante pour ne pas se gêner, voire sur un parcours aleviné en truites surdensitaires. Le pont du coin sera alors votre meilleur allié en règle générale !
Être polyvalent et réactif !
Généralement, tout ne se passe pas comme prévu le jour de l’ouverture. Et c’est une journée où polyvalence et adaptation seront vos meilleures armes. Tant du point de vue technique que tactique comme dirait un célèbre sélectionneur ! Le ver peut supplanter le vairon ou le contraire, mais pour le savoir, encore faut-il essayer. Ce n’est pas parce que l’on n’est pas dans la pêche qu’il faut en déduire que ça ne mord pas. Il faut insister, jusqu’à un certain point bien entendu. Une cuillère est souvent bien supérieure à un leurre dur à ce moment de la saison, pourtant très peu de pêcheurs au leurre ont le réflexe de basculer sur une Aglia ou une AR-S quand aucun poisson ne veut prendre un leurre dur. Être polyvalent, cela signifie également passer d’une technique à l’autre. Par exemple, il peut être judicieux de pêcher en matinée au toc ou au vairon manié puis de basculer sur le leurre ou la mouche l’après-midi. Dans ce dernier cas, se rapprocher de la deuxième catégorie est une excellente idée, voire pêcher carrément en deuxième catégorie ! Il y a une douzaine d’années, cette option m’avait permis de leurrer bon nombre de truites en matinée au vairon dans les Cévennes puis un poisson de 60 cm l’après-midi en sèche en basculant sur le Tarn. Sans doute ma plus belle ouverture. Ne pas partir avec une seule option quoi qu’il arrive sera nécessaire : il faudra avoir toujours une ou deux solutions de repli préalablement réfléchies et repérées le cas échéant. Le changement de technique de pêche est une de ces solutions de repli, aussi bien que le changement de zone. Dans le même état d’esprit, il est judicieux de se souvenir des ouvertures précédentes. Noter sur un petit carnet vos résultats et observations sera très instructif pour les années à venir. La mémoire est sélective et défaillante, pas un carnet de pêche qui vous rendra exactement ce qui s’est passé lors des ouvertures passées : postes porteurs, heures d’activité, conditions de pêche, fréquentation, etc. Toutes ces indications vont vous servir et vous permettre d’éviter quelques écueils ce jour si particulier. Il faut de la confiance pour réussir, sans tomber non plus dans la suffisance, auquel cas la nature vous remettra très vite à votre place. Ce n’est pas parce que c’est la reprise qu’il faut faire n’importe quoi ! Rien ne dit que les poissons seront faciles et mieux vaut avoir soigneusement mis au point une stratégie cohérente au préalable.
Une fois au bord de l’eau, il sera important de profiter de son expérience, de son bagage technique, et d’une préparation méthodique du matériel. Les dés seront alors jetés et vous pourrez enfin profiter de cette journée à nulle autre pareille où vous retrouverez avec plaisir et bonheur le doux murmure de l’onde, le vol balancé d’une bergeronnette, le passage furtif d’un cincle plongeur, et bien sûr cette truite tant convoitée ! C’est en tout cas tout le mal que je vous souhaite.