La pêche du brochet est-elle une question de stratégie, et faut-il préparer sa session pour mettre toutes les chances de son côté comme le font les compétiteurs ? Une réflexion que nous n’avons pas forcément car nous n’avons pas devoir de résultat, considérant, à juste titre d’ailleurs, qu’une partie de pêche c’est un moment de plaisir et de liberté, un moment de détente au bord de l’eau, des échanges avec un copain, une tranche de rire et souvent…une tranche de pâtée avec une petite douceur qui lubrifie les papilles gustatives !
Une vision que nous sommes nombreux à partager et je pense qu’il est important de ne pas sacrifier sur l’autel de la réussite le plaisir basique de la pêche. Vous êtes capot ? Et alors, si vous avez passez un bon moment sur l’eau, heureux de votre sortie. Cela étant, l’objectif est quand même bien de prendre quelques « cartouches » qui augmentent rapidement notre pouls, sans être pour autant esclave du résultat. Je prends chaque année des taules mémorables, si je suis en mode détente seul ou avec un pote, j’arrive très bien à survivre à cette épreuve, mais c’est un peu plus compliqué quand je suis en guidage et que les clients attendent de leur moniteur quelques résultats probants.
Connaître quelques paramètres
La stratégie compte d’autant plus que le milieu pêché est vaste. Les populations piscicoles des grands lacs n’ont pas la même répartition que dans un étang. Ainsi, la probabilité de rencontrer un brochet actif peut devenir compliquée. Les conditions climatiques antérieures à la partie de pêche, la température de l’eau influent sur le comportement des cyprinidés qui peuvent rechercher des zones plus chaudes, stationner dans la thermocline. La thermocline est la zone de transition thermique rapide entre les eaux superficielles (généralement plus chaudes et oxygénées) et les eaux profondes. Ou ils peuvent migrer vers par exemple la tour de restitution d’un lac-réservoir qui apporte une eau chargée de nutriments. Les carnassiers n’hésitent pas à suivre leur garde-manger, à moins que les populations de poissons fourrages ne soient exponentielles. Dès lors, on a quelquefois l’impression de pêcher dans une baignoire et notre impressionnante collection de leurres n’y change rien, ni le panel des techniques mises en œuvre. Frustrant non ? C’est pourquoi il faut attacher un peu d’importance aux conditions météorologiques récentes, à la température de l’eau (si elle a perdu quelques degrés depuis votre dernière session, il est fort probable que les carnassiers sont descendus d’un étage), à la présence ou non lors de votre progression des boules de poissons si caractéristiques sur votre échosondeur, ou tout simplement aux résultats des confrères selon leurs zones de prospection.
Techniques opérantes
Il restera à déterminer l’action de pêche la plus appropriée : pêche lente sur postes marqués pour une fouille minutieuse et insistante aux leurres, ou au contraire, techniques agressives et prospectives en power fishing pour couvrir un maximum de terrain. On peut alterner la prospection au spinnerbait et aux leurres souples, utiliser les poissons nageurs pour les couches d’eaux intermédiaires, varier les grammages, les couleurs et les formes de leurre. C’est plus facile en binôme quand chacun utilise une technique différente pour trouver le pattern du moment. La pêche n’étant pas une science exacte et les conditions pouvant rapidement changer, il ne faut surtout pas se figer sur le leurre qui a fait ses preuves lors de la dernière partie de pêche, mais considérer qu’à chaque session tout est remis en cause.
Sans courir de long et de large le plan d’eau, inutile de plomber sa journée sur un secteur peu porteur. Le sondeur est un atout considérable car il permet de repérer s’il y a des mouvements de poissons fourrages. Si c’est le vide sidéral, inutile de trop insister, cela ne veut pas dire qu’il faut courir d’un point à un autre, mais optimiser sa recherche en s’assurant qu’il y a un peu d’activité sous le bateau.
La progression peut se faire en lac dans la couche d’eau des 3 à 5 mètres, puis des 6 à 8 mètres, voire au-delà de cette profondeur. Même dans une profondeur de 8 mètres, il n’est pas inutile de tenter sa chance dans les couches d’eaux intermédiaires afin de capter un carnassier en balade. On alternera la prospection au leurre souple, à la lame vibrante, au poisson nageur, au leurre à palette. Une multitude de possibles en somme si on considère toutes les alternatives que donnent les produits du marché. L’objectif est de trouver ce qui fonctionne le jour donné. Avant de remettre les leurres souples dans leur boîte, changez le pour un leurre de 8 cm ou à l’inverse pour un 18 cm car il arrive que les carnassiers se focalisent sur le fretin et dédaignent les leurres conséquents. L’avènement du no kill, fort respectable de surcroît, a un petit inconvénient dans la connaissance : on ne sait plus ce que constitue le bol alimentaire de nos chers carnassiers. J’ai par exemple fait des pêches d’exception par l’information d’un pêcheur qui garde ses prises indiquant que son brochet était « bourré » d’écrevisses. J’avoue que cela m’a fortement aidé dans les pêches qui ont suivies. Je ne vous invite pas à faire des autopsies de vos prises, loin s’en faut ! Mais je n’aurais pas pensé à utiliser en montage texan une écrevisse si je n’avais pas eu cette information. Je vous donne cette anecdote car une fois encore, elle reflète bien la complexité du choix pouvant être fait pour séduire un carnassier.
Bien entendu, il ne faut pas rester bloqué sur sa stratégie de départ et ne pas hésiter à la revoir en fonction des conditions du moment et des résultats obtenus. Insister sans s’entêter et savoir varier sans se perdre dans d’incessants changements car souvent on vide la boîte ou on utilise le leurre par défaut, celui qui ne prend jamais rien simplement parce qu’il ne reste que rarement dans l’eau ! Cela vous fait certainement sourire, mais reconnaissons ici que les leurres « qui ne fonctionnent pas » sont souvent ceux que l’on utilise quand rien ne marche. Difficile pour eux de pouvoir pleinement s’exprimer dans ces conditions !