To kill or not, la pratique du no-kill remise en question?

Par Emmanuelle Jacquot

Cette pratique dite du « no-kill » est illégale en Suisse. Récemment, un article de presse helvétique, accuse trois jeunes pêcheurs, d’avoir remis à l’eau, un gros brochet. Le fait que les auteurs aient menti, (le poisson étant visiblement mort sur le cliché), probablement par provocation, n’a ici, que peu d’importance. Ce qui est intéressant, en revanche, c’est de comprendre le pourquoi, de la loi de ce pays.

no-kill-humeur-01Clairement, l’argument pour la mise à mort obligatoire du poisson, est de mettre fin à ses souffrances. Dans le monde des banques et du chocolat, on explique, qu’il est cruel de pêcher un être vivant, lui infligeant stress, asphyxie et blessures, pour le relâcher dans cet état. Ce n’est pas conforme, au respect et à la protection animale.

Moi qui suis venue à la pêche, précisément, parce que le « catch et release », me permettait d’approcher le monde aquatique, sans lui être fatale, le point de vue de mes voisins frontaliers est difficile à admettre. Pour tenter de me convaincre, dans un article intitulé « Le cri muet du poisson. »,  l’auteur affirme qu’une bête pêchée subirait un traumatisme énorme, et que même relâchée, elle pourrait mourir des conséquences de sa capture, parfois dans une agonie de plusieurs jours. En outre, il réfute l’étude, (d’après lui, trop ancienne et par trop hypocondriaque), selon laquelle, le poisson, animal à sang froid, n’a pas les mêmes terminaisons nerveuses qu’un mammifère et ne ressent donc pas la douleur à proprement parlé. Néanmoins, ce long réquisitoire contre la pêche, même en « no-kill », n’a rien de scientifique, et ne donne qu’une opinion.

Et l’avis du poisson?

En réalité, bien malin, qui peut dire ce que ressent un poisson ? Essayons d’être objectif. Sans avoir fait de recherches avancées, j’ai pu observer sur le terrain :

  • Que sur une perche, par exemple, piquée à la gueule, (ce qui est le plus fréquent), on voit par transparence, la fine membrane autour de l’hameçon, dépourvue de vaisseaux sanguins. De fait, le décrochage est aisé. Mais il arrive, plus rarement, que l’animal soit piqué ailleurs et présente un léger saignement.
  • Si la capture s’avère longue, et/ou la remontée en eaux profondes, trop rapide, et/ou le décrochage difficile, le poisson a du mal à repartir, il est visiblement fatigué, ou choqué : la ré oxygénation est nécessaire. Mais dans 99% de mes captures, les animaux sont repartis, très vite et sans blessure apparente, or mis le piercing de l’hameçon.
  • La bête ne se laisse pas prendre facilement, elle se défend. Ce qui implique qu’elle a, au minimum, l’instinct de survie. On peut aisément en déduire, que sa capture, n’a pour elle, rien d’agréable. Mais, la même truite, par exemple, reconnaissable parce qu’elle reste sur le même poste, se rattrape à un ou deux jours d’intervalle. Ce qui laisse entendre qu’elle n’est pas agonisante au fond de son trou.
  • On a constaté, sur des parcours no-kill,  des poissons « éduqués », (entendez par là, qu’ils ont l’habitude d’être pris et relâchés), devenir très difficiles à leurrer. On peut donc leur enseigner la méfiance du pêcheur, ce qui pourrait être un bien pour leur survie. Mais, cette éducation ne se transmet pas aux générations suivantes, apparemment.
  • Enfin, (du moins je l’espère), il y a débat sur le type de leurre à utiliser : artificiel ou pas, hameçons triple ou simple, avec ou sans ardillon. D’après des statistiques, le poisson aura tendance à plus engamer un appât naturel, donc plus difficile à décrocher. Les moucheurs purs et durs, jurent qu’il ne faut utiliser que leur technique, car bien moins impactant pour le poisson. Mais celui-ci, gobant la mouche artificielle, a également tendance à l’avaler trop profond et en meurt quelques fois, aussi. On pourrait penser que des simples sans ardillon, sont moins blessants. Or, les simples sont plus longs et font donc des blessures plus profondes. Quant aux ardillons, s’ils ne facilitent pas le décrochage, leur absence occasionnent nombre de décrochés en cours de capture. Tant mieux pour le poisson ? Pas sûr, car comment savoir s’il n’a pas été mortellement blessé au cours de l’harponnage ?

Bref, vous voyez que rien n’est simple, et qu’il n’existe pas une seule réponse possible au problème. Au grand damne des écologistes radicaux, (mais combien, parmi ces décisionnaires, pratiquent la pêche ?), qui semblent avoir oublié le bien-fondé de la neutralité suisse.

Limites des logiques écologiques

no-kill-humeur-03Cessons, si vous le voulez bien, de couper le fil 6/°° en quatre, dans le sens de la longueur ! Il serait sot de prétendre n’avoir aucun impact sur le poisson quand on le capture. Mais pourquoi devrait-on obligatoirement le tuer, sous prétexte qu’on l’a dérangé ? Il y a là, un pas que je ne saurai franchir. Autant, je suis pour, abréger la vie d’un animal, en pleine hémorragie, autant, je ne vois pas au nom de quoi, je lui donnerai la mort, alors qu’il est tout frétillant et ne demande qu’à regagner son élément ?

Les autorités helvétiques, prétendent que les souffrances infligées aux animaux pêchés sont telles, qu’elles ne peuvent trouver leur épilogue qu’avec la mise à mort. Pourquoi, alors, ne pas tuer également les poissons non maillés ? Est-ce à dire, qu’eux ne souffrent pas ? Et  si tous les pêcheurs s’acquittent de la réglementation suisse, cela ne risque t-il pas de nuire à l’empoissonnement ? Est-ce le but recherché par les écologistes à l’origine de cette loi ? Bien sûr que non ! Et on voit là, les limites d’une logique extrémiste accentuée par une méconnaissance du milieu.

Peut-être que la volonté induite par cette mesure, est de dégouter les pêcheurs de leur pratique sportive ? Mais, si on menace ces passionnés, de poursuites judiciaires, dès lors qu’ils souhaitent laisser la vie au poisson, croyez-vous vraiment qu’ils vont s’arrêter de pêcher ? Il y a fort à parier, au contraire, que les prochaines générations de pêcheurs suisses, associeront leur pratique, à la mort obligatoire de leur prise. Est-ce une avancée pour l’écologie?

Bien sûr, dans le meilleur des mondes, je pourrais me munir de branchies amovibles, pour rendre visite à mes amis poissons, sans les sortir de leur milieu. Dans un monde idyllique, je pourrais les comprendre, par transmission de pensée. Il n’y aurait aucun PCB dans l’eau, aucune pollution d’aucune sorte, et l’empoissonnement de nos rivières et mers, serait optimum, car nous serions tous végétariens. Bien entendu, dans ce monde de rêve, personne n’éditerait d’article concernant le cri muet des salades.

1 partout, balle au centre

no-kill-humeur-05En attendant cet improbable idéal, il est navrant de constater que seuls des points de vue radicaux ont droit de cité : Il faut impérativement être de droite ou de gauche. Pour ou contre le mariage gay. Végétarien ou carnivore. Ecologiste ou arriviste. Humaniste ou égoïste, etc.…Si je ne me sens pas l’âme d’une résistante, suis-je forcément une colabo ? Si je mange de la viande, mais n’achète pas de fourrure, fais-je partie des méchants ou des gentils ? Pourquoi un juste milieu n’a-t-il pas voix au chapitre ? Pourquoi un avis modéré passe pour lâcheté ?

Dans le milieu de la pêche, comme ailleurs, l’intolérance règne : ainsi, les uns fustigent les autres, s’ils montrent des prises de black-bass en période de frayer, (même en no-kill, sur des parcours privés.) D’autres traitent certains de bouchers, parce qu’ils n’ont pas déroulé le tapis rouge, sous le poisson, avant de le photographier. Quelques uns vont jusqu’à injecter des antibiotiques à leur carpes avant de les rendre à la liberté, (véridique). Et sur le terrain, des anciens nous incendient de sottises si on remet un silure, (une sale bête, à leurs yeux), à l’eau…Tout ceci, ne vous parait pas un peu excessif?

Quand nos voisins écologistes cesseront de se focaliser sur ces horribles pêcheurs qui osent laisser la vie aux poissons, ils pourront peut-être prendre le temps de m’expliquer, à moi qui suis stupide sans doute, en quoi les barrages hydrauliques qui détruisent les lits de nos rivières, sont un bien pour notre planète ? De même, sauront-ils certainement me dire, pourquoi en Saône, par exemple, les poissons de fond, pollués aux PCB, sont interdits à la consommation, et pas les carnassiers qui s’en nourrissent?

C’est ainsi que je constate, moi, qui ne suis pas très cultivée, humble pêcheuse débutante, sans étiquette politique, et surtout sans certitude, que les donneurs de leçons et de lois, manquent sérieusement de réalisme et de remise en question.

10 commentaires

  1. Superbe plume !!!!!!

    Une petite question qui aurais bien collé au reste de celles écrites :

    « Pourquoi , doit on relacher un poisson non mailler en pleine agonie du aux blessures faite par un hameçon piqué dans les branchies , alors qu’il va mourir dans les secondes qui suivent ?  »

    Adepte du no-kill ou C&R chaqu’un appelle sa comme il veut , ce qui ne m’empêche pas de manger un poisson mal piqué ou pour une occasion exceptionnelle une ou deux fois par an !!!

  2. bonjour,
    superbe reportage, mais cela dit un petit paragraphe me chagrine.
    sans offenser une technique ou une autre je me permet de revenir sur ce petit chapitre
    (. D’après des statistiques, le poisson aura tendance à plus engamer un appât naturel, donc plus difficile à décrocher. Les moucheurs purs et durs, jurent qu’il ne faut utiliser que leur technique, car bien moins impactant pour le poisson. Mais celui-ci, gobant la mouche artificielle, a également tendance à l’avaler trop profond et en meurt quelques fois, aussi. On pourrait penser que des simples sans ardillon, sont moins blessants. Or, les simples sont plus longs et font donc des blessures plus profondes. Quant aux ardillons, s’ils ne facilitent pas le décrochage, leur absence occasionnent nombre de décrochés en cours de capture. Tant mieux pour le poisson ? Pas sûr, car comment savoir s’il n’a pas été mortellement blessé au cours de l’harponnage ?)
    j alterne la pêche au toc et au leurres suivant les conditions:mais tous bon toceurs savent qu un poissons est piqués a 98 pour cent sur le bord des les lèvres.la différence est lors du combat.un poisson sauvage va rouler et se frotter sur le fond pour ce débarrasser de l hameçon. imaginer les conséquences si c est un poisson nageur armé de deux triples (encore une fois je pratique ses deux techniques)
    au plaisir de se croiser au bord de l eau

    1. Merci pour ton avis, Sébastien. Je précise que je ne pratique pas la pêche au toc, et que je suis trop novice dans les autres techniques, pour exposer mon propre point de vue, sur la question que tu soulèves. Je me suis donc contentée de donner les différents arguments entendus, de part et d’autres, pour bien démontrer la complexité du sujet. Quant aux statistiques sur appâts naturels, elles concernent la pêche au posé.

    2. en ce qui concerne la pêche au toc, le 98 % des poissons piqués sur le bord des lèvres me parait excessif , surtout en pêchant au ver .

  3. Très bel article, rien à redire !
    J’ai particulièrement apprécié le paragraphe sur « le juste milieu »
    Merci pour cet article qui fait plaisir à lire 🙂

  4. Bonjour,

    Article intéressant!

    « Quand nos voisins écologistes cesseront de se focaliser sur ces horribles pêcheurs qui osent laisser la vie aux poissons,  »

    J’ai l’impression que vous essayer de vous rassurer et de vous donner bonne conscience en faisant passer les pêcheurs no kill pour des gens « bons et gentils » qui font un geste en faveur du poisson qu’ils respectent en le relâchant après l’avoir péché. Si vous aimez tellement ces animaux et vous souhaitez leur bien être pourquoi ne pas arrêter de pêcher juste pour le plaisir et contrôler sa passion justement pour respecter le poisson dont on ne connais pas exactement ce qu’il ressent, si il souffre ou pas?

  5. je trouve inquiétant d’oublier le principe de la pêche , attraper un poisson, la cueillette cueillir un fruit, la chasse, chasser un gibier. Le but est de se nourrir, prendre et relâcher est de l’égoïsme « sportif » à mon avis.
    Se nourrir est une nécessité naturelle je trouve plus saint de pêcher que de priver de liberté avec l’élevage en ayant bonne conscience! Certains diront si tout le monde fait ça c’est la fin! Pourquoi ne pas éviter d’être trop nombreux et respecter les lois naturelles? Je ne ferais pas de gosses et car il y en a déjà de trop.nous ne somme plus au temps du renouvellement de l’espèce humaine mais au temps de l’égocentrisme spéciste.

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