La saison estivale est pour beaucoup de pêcheurs de truites une période délicate : les eaux sont basses, parfois chaudes, et les poissons sont plus aguerris après trois mois de fréquentation halieutique. Essayons de voir comment s’en sortir durant cet été…
L’été délétère que les truites ont connu en 2022 a laissé des traces. Certaines rivières et ruisseaux ne s’en sont pas remis, notamment ceux qui ont connu un assec complet. Dans d’autres cours d’eau, la situation a été moins catastrophique que prévu, la truite semblant supporter des températures d’eau bien plus élevées que ce qui est décrit dans la littérature scientifique. Certaines rivières qui ont dépassé les 25° tous les jours en juillet et août derniers ont encore des populations de truites non négligeables. Elles seraient sans doute plus importantes avec des températures plus froides mais force est de constater que la mortalité redoutée par beaucoup de pêcheurs n’a pas eu lieu, en particulier sur les rivières du sud de la France.
Ultra-léger en mode été
La pêche à la cuiller, certainement le plus vieux leurre du monde change complètement durant les mois d’été. Finies les prospections lentes et délicates du début de saison, c’est maintenant une pêche rapide, précise, qui va prendre le pas. La taille et le poids des modèles utilisés vont aussi devoir être revus : on va passer sur des tailles allant du 00 au 1 selon les cours d’eau et les débits. Les cuillers tournantes vont supplanter les ondulantes dans ce contexte d’étiage. Au fur et à mesure que la saison avance, les truites ont tendance à se déplacer dans des trous profonds au pied des rapides, c’est à dire sur des secteurs profonds et oxygénés. La recherche d’oxygène étant la priorité numéro 1 du poisson à cette époque. Lors des phases alimentaires, elles vont se poster en tête de pool puis redescendre dans une zone plus profonde (et plus froide donc plus oxygénée) lors des phases de repos. Le meilleur moment pour attraper une truite durant l’été est la première heure ou les deux premières heures suivant le lever du soleil. Le facteur le plus important dans la pêche estivale à la truite est la température de l’eau, et c’est à l’aube qu’elle est la plus fraîche. Bien plus qu’au coup du soir. Le second facteur clé sera la pluviométrie : une forte pluie augmente le niveau de l’eau, assombrit la rivière, fait chuter la température de l’eau et met souvent les plus grosses truites en activité. Les modèles à utiliser vont varier selon la couleur de l’eau et son niveau. Les Mepps Aglia, ou Mepps Black Fury Mouche sont incontournables, tout comme les Smith AR-S qui se mettent à tourner dès le contact avec l’élément liquide, ce qui en été est un gros avantage car des lancers sont souvent courts. Dans ces petits milieux, une pêche en se déplaçant vers l’amont sera recommandée, la truite interceptant la cuiller sans effort dans ce cas sans dépense d’énergie. Il peut être judicieux d’attaquer les postes différemment en préférant se placer en dehors des passages utilisés habituellement par vos confrères : approcher avec un angle différent permet parfois de faire la différence.
Mouche : soigner son approche !
La pêche à la mouche en été peut être exceptionnelle au niveau des résultats ou au contraire catastrophique à cette saison. On préférera aussi les extrémités du jour afin d’éviter le pic de chaleur de la journée. Cependant la pêche ne sera pas la même, les modèles employés devront tenir compte de cette réalité : le soir, c’est plus les retombées de fourmis, éclosions de phryganes ou BWO qui seront à rechercher sur l’eau et à imiter tandis que le matin, caenis et chironomes seront souvent de la partie, avec encore la présence de quelques spents en tout début de matinée. En nymphe à vue, il va falloir très peu voire pas du tout lester les modèles proposés. Si vous pratiquez en lac de montagne, pensez aux insectes terrestres ! C’est le moment de l’année où les truites en raffolent. Cependant, trouver le menu du jour n’est que la partie visible de l’iceberg à ce moment de la saison. En effet, le plus compliqué va rester d’approcher le poisson, de lancer délicatement et de poser ainsi son imitation sans être décelé. La moindre erreur va mettre le poisson en alerte et se paiera cash : pas de vagues si vous marchez dans l’eau, pas de galets déplacés, et surtout laissez les chaussures de wading à clous au placard ! Vous marchez sur des œufs à cette période, c’est ce qui doit vous préoccuper le plus. Pas les détails de montage de la mouche que vous choisirez. La pêche à vue peut être pratiquée, mais il est aussi possible de pêcher l’eau en sèche ou avec un tandem sèche/nymphe. Par contre, la pêche en nymphe au fil est à oublier à cette période sur une grande majorité des rivières. Pêche en pleine journée est aussi possible, notamment en nymphe à vue, mais il faudra progresser extrêmement lentement en prenant soin d’évoluer en retrait de la bordure quand cela est possible. Chaque poisson repéré sera un challenge à lui tout seul, et c’est en général au moment de l’étiage où seuls les meilleurs « nympheurs » à vue vont continuer à prendre du poisson. Concernant les bas de ligne utilisés, il est recommandé de ne pas trop descendre en diamètre de pointe pour plusieurs raisons : la première est que si on lance correctement en étant bien placé, la mouche ou la nymphe évoluera naturellement sur l’eau. Certains pêcheurs descendent en 0.08 ou 0.09mm, pensant que le diamètre fait la différence alors que c’est bien souvent la qualité de la dérive qui est déterminante. La deuxième raison est qu’à cette période, il est important d’abréger le combat si vous souhaitez relâcher le poisson. Une belle truite combattue sur un nylon fin aura très peu de chances de survie. Pour ce qui me concerne, je descends très rarement en dessous du 0.14mm au printemps, et du 0.12mm durant l’été au grand étonnement de copains avec qui je partage des parties de pêche. Pourtant, cela ne se ressent pas au niveau des résultats.
Leurre : downsizing obligatoire !
L’anglicisme downsizing qui n’a pas de mot équivalent en français, désigne le fait de diminuer la taille des leurres utilisés habituellement. Nous en avons parlé ci-dessus pour la pêche à la cuiller, en expliquant qu’il va falloir utiliser de petits modèles avec l’étiage. Cela va aussi être nécessaire pour le leurre. Pour comprendre que c’est une stratégie de pêche efficace, il faut comprendre pourquoi elle est nécessaire à cette période de l’année. Ce n’est pas la période de l’année qui la justifie, mais le niveau des rivières. Si par exemple, votre rivière favorite connait une crue estivale, il est évident que le downsizing n’a aucune raison d’être ! Tout comme un étiage précoce en mars-avril comme cela a été le cas cette année dans le sud de la France, doit vous orienter rapidement vers cette stratégie. Pour la truite, c’est vraiment le niveau d’eau qui est le déclencheur, ce qui n’est pas forcément le cas pour tous les carnassiers. Et un petit leurre ne vous empêchera pas de prendre un gros poisson. L’explication principale, un peu comme toute pêche estivale sera la discrétion : les niveaux généralement très bas ne permettent plus de pêcher avec un leurre qui faisait merveille par niveau normal. Les raisons principales en sont les suivantes : impact lors du lancer qui ne passe plus inaperçu pour un leurre volumineux, nage qui va être entravée par le fond dans le cas d’un leurre coulant (moins il y a de profondeur et de courant, plus le leurre atteint le fond rapidement), subterfuge bien plus facilement démasqué par la truite qui va mieux différencier un leurre d’une proie naturelle avec un niveau d’eau bas. Le seul lieu où cette stratégie n’est pas forcément la meilleure sera dans le cas de la pêche en lac de montagne, cela ne signifie pas non plus qu’il faille l’oublier dans ce cas de figure non plus. Pour être précis, le downsizing signifie non seulement diminuer la taille du leurre, mais aussi son poids. Ceci ne va pas forcément de pair. Il est tout à fait possible de trouver sur le marché un leurre dur de 70 mm plus léger qu’un leurre de 50 mm. Si l’on pêche au leurre souple, cela va poser des problèmes dans la mesure où il n’existe que très peu de leurres plus petits que 50 mm, et encore moins de têtes adaptées à ces tailles avec un hameçon fiable. Il faudra se tourner vers des modèles « mer » destinés au rock-fishing bien souvent pour trouver son bonheur. Pour ce qui concerne les leurres durs, on trouve assez facilement des petits modèles (moins de 50 mm) efficaces dans les marques Rapala, Smith, Duo, Megabass Sakura, Illex, Sico Lure notamment où chacun fera son choix en fonction de ses exigences eu égard à la rivière qu’il pêche.
Toc : dans le dur !
La pêche au toc, comme c’est le cas pour la nymphe au fil dont nous avons parlé au-dessus est particulièrement compliquée durant la période estivale. Il va falloir pêcher sur des cours d’eau de montagne pour trouver des zones appropriées à cette pêche. Et même ici, il va être nécessaire d’affiner ses montages pour s’en sortir honorablement et rechercher les zones escarpées afin de trouver des parcours adaptés. Une pêche en dérive naturelle est plus compliquée à réaliser quand il n’y a que peu de courant et encore plus quand il est inexistant ! Il va donc falloir alléger les plombées au strict nécessaire, bien se placer pour peigner les veines de façon convenable en sachant que vous n’aurez souvent pas le droit à l’erreur. Sur les rivières où l’eau est claire, il est possible de pêcher à vue des truites en maraude en utilisant un montage sans plomb ou un micro-plomb (taille 9/0,04 g), cette pêche est très ludique et permet parfois de prendre des poissons imprenables en pêchant de manière traditionnelle.
Les précautions du No Kill d’été
Si vous envisagez de remettre les truites à l’eau, il est important de respecter certaines règles à cette période de l’année où l’eau plus chaude rend les poissons très vulnérables. Tout d’abord, évitez de pêcher trop fin afin de réduire la durée du combat. Ensuite, il est préférable de maintenir le poisson dans l’épuisette pour le décrocher et éventuellement faire une photo hors de l’eau en relâchant votre poisson immédiatement après. Il n’est pas conseillé de faire plusieurs clichés qui mettrait la survie du poisson en danger. Et enfin, pensez à bien vous mouiller les mains dans la rivière avant de saisir votre truite. Si vous respectez ces quelques conseils, le poisson devrait repartir sans trop de soucis.
Ces pêches estivales permettent chaque année de se retrouver dans des coins un peu perdus, au frais, les pieds dans l’eau dans un environnement apaisant, loin du tumulte des zones touristiques et des villes. Appréciez-les à leur juste valeur avant qu’un site Internet, un Youtubeur ou qu’un illuminé des réseaux sociaux n’en parle et ne mette ainsi fin à la quiétude des lieux !