Il y a des expériences dont on se passerait bien quand on est soucieux de préserver l’intégrité de nos carnassiers, notamment le sandre et la perche. En pêche verticale sur des profondeurs supérieures à 8 mètres, ceux qui pratiquent avec assiduité sur les espèces citées ont nécessairement remonté un percidé présentant tous les stigmates de l’accident de décompression que connaissent les plongeurs autonomes, s’ils ne font pas de paliers de décompression.
Comme eux, le poisson est soumis à la loi de Mariotte : il respire de l’air à la pression ambiante, il y a donc évolution vers la saturation du taux d’azote (N2) dans le corps.
A la remontée, il va y avoir sursaturation d’azote et au delà du seuil de sursaturation critique (Sc.) il y a dégazage (formation de bulles comme lorsque l’on ouvre trop vite une bouteille d’eau gazeuse). Le volume de ces bulles augmente avec la diminution de pression avec des signes très visibles : les yeux exorbités, souvent la vessie natatoire apparente dans la gueule car dilatée, ventre gonflé. Difficile pour lui de redescendre dans ces conditions vers la profondeur (ce qui réduirait le volume des bulles). A la différence des plongeurs, on n’a pas encore inventé de caisson de décompression pour poisson !
Comment l’expliquer ?
A la différence du brochet, les percidés possèdent une vessie natatoire fermée, ils ne peuvent compenser la baisse de pression rapide et donc évacuer l’azote lors d’une remontée brutale. Le problème des percidés : les mécanismes de remplissage et de dégonflage de vessie se font par voie sanguine et sont très lents. Beaucoup trop lent quand il est pendu à une ligne, et ce, quelque soit la vitesse de remontée. Avec une variante néanmoins d’après mes observations. En effet, quand le sandre s’alimente, sa vessie natatoire semble naturellement sous gonflée afin de monter chasser de plusieurs mètres dans le banc de cyprinidés sans risque. C’est pourquoi il arrive que nous prenions des percidés à des profondeurs souvent importantes sans qu’apparaissent des signes d’accident. A contrario, si le sandre reste durablement dans des couches d’eau profondes, au repos par exemple, l’accident de décompression est inévitable. C’est un constat personnel et non les éléments d’une base scientifique, mais probablement une réponse à nos observations de verticalier.
Peut-on l’éviter ?
La première réponse qui va de soit : pêchons dans des eaux peu profondes afin d’éviter les accidents de décompression des percidés. Logique en soit, mais pas vraiment efficace sur les lacs de barrage où les poissons évoluent dans des zones égales ou supérieures à 10 mètres. Ne pas pêcher sur les nids protégés par les mâles, qui peuvent être assez profonds sur certains plans d’eau car le sandre (appelé ici charbonnier en raison de sa couleur très foncée) est présent depuis pas mal de temps : l’accident de décompression est presque inévitable.
D’autres préconisent de remonter le poisson par paliers avec des arrêts prolongés permettant ainsi au percidé de rééquilibrer la pression dans sa vessie et d’éviter les lésions de la décompression. Une technique pas toujours efficace qui a le gros inconvénient de perdre beaucoup de poissons qui se décrochent car les ferrages sur la zone cartilagineuse de la gueule d’un sandre sont, par essence, pas vraiment efficaces et une perte de tension de la ligne et vite exploitée par notre copain de jeu qui n’en demandait pas tant.
Pour l’avoir utilisé en me référant à des amis, la méthode Hollandaise consiste à pratiquement lâcher, tête la première le sandre dans l’onde. Par réflexe, il plonge assurément et regagne le fond et retrouvera un niveau de pression inférieur. Malheureusement quelquefois il remonte et même s’il ne réapparaît pas, on ne sait pas si les lésions qu’il a subit ne sont pas de nature à le condamner à une mort certaine.
Pratiquez le fizzing
Autre technique venue des Etats-Unis : le fizzing. Là il faut être bon en anatomie car c’est un véritable acte chirurgical. Il s’agit de percer la vessie natatoire dilatée à l’aide d’une seringue pour laisser échapper les gaz par la canule de l’aiguille. La vessie théoriquement reprend sa forme initiale et le poisson retrouve ainsi son équilibre et peut redescendre. Il n’est pas dit comment il répare le trou ni si les lésions s’estompent avec le temps. On sait qu’il redescend, ça c’est sûr, mais l’histoire ne dit pas dans quelles conditions et si ses chances de survie sont optimisées. Quand on a un pneu percé, à part une rustine le pneu continue à se dégonfler je crois. On manque par ailleurs de données scientifiques pour savoir si le percidé réchappe à une mort programmée, sans compter qu’il ne faut pas se louper en perçant et toucher un organe vital.
Conclusions !
Treuiller un sandre à la vitesse d’un chalutier pour le replonger rapidement dans son élément, pose quand même un problème de fond : qu’en est-il du plaisir de la pêche ? Se transformer en docteur Jekyll pour percer une vessie natatoire est un acte assez cruel en somme même si l’objectif, in fine, est de sauver le poisson. On peut opter pour les paliers, mais il faut pour cela être en pleine eau et si on pêche sur des bois immergés, spots de qualité pour le sandre, le risque de le laisser dans une branche est assez important.
La solution réside entre l’abandon pur et simple de pêcher en eau profonde et celle de préserver les percidés. J’ai adopté ainsi un principe : si mon premier poisson présente des signes de décompression, j’arrête la technique, c’est frustrant et cela m’oblige à changer de méthode et de profondeur, mais c’est un choix, car je ne vois pas comment je me sentirais bien si j’avais l’estomac qui me remonte dans la bouche, des déchirements de tissus et des lésions, avec les yeux à la Tex Avery !
Bonjour,
Il me semble qu’il y a une confusion dans cet article.
L’azote n’a pas particulièrement quelque chose à voir dans cette histoire. Le parallèle avec la plongée n’est pas bon. Les accidents de décompression des plongeurs sont bien liés à l’azote (d’où les palliers et l’utilisation d’un caisson en cas de pb), or ça n’est pas le cas des percidés. Le problème des percidés est principalement lié à la relation pression (et donc profondeur) – volume d’un gaz.
Pour imager et faire le parallèle avec un être humain :
Imaginez un apnéiste qui descend à 20 mètres de profondeur et rencontre un plongeur. L’apnéiste expulse le gaz qu’il a ds les poumons puis prend une inspiration dans le détendeur du plongeur. Il remonte ensuite à la surface. La pression passe de 3 bars (20m de profondeur) à 1 bar (en surface), elle a été divisée par 3. Le volume du gaz contenu dans les poumons, inversement proportionnel à la pression, est lui multiplié par 3. Il passe de 5 litres (grosse inspiration) à 15 litres. L’apnéiste finit donc avec la cage thoracique explosée. C’est à peu près ce qui arrive à la vessie natatoire des percidés.
Personnellement je ne pêche jamais au delà de 8m lorsque je désire relâcher un percidé. Si je peux les conserver, je ne me fixe pas cette limite.
Bien cordialement,