C’est avec le développement de la verticale et son engouement porté par l’emblématique Jackie Farrona que les attractants sont arrivés en France pour les pêcheurs de carnassiers. Nous étions en 2007 et débarquait sur tous les étals de nos détaillants le Powerbait et le Pro Cure. Ces deux produits à la diffusion auparavant confidentielle se sont trouvés portés sur le devant de la scène et nous avons tous acheté l’un de ces liquides magiques.
Il y a trente ans de cela, je lisais une étude américaine relative à un acide aminé que la truite d’élevage associait à la notion d’appétit et qu’elle reconnaissait en dose infinitésimale. Via un ami en lien avec un pharmacien, j’obtenais 10g de ce précieux produit que j’incorporai dans le terreau de mes vers de terre destinés aux truites surdensitaires de lâcher. Et ma foi, je prenais du poisson, persuadé de détenir un secret que les autres n’avaient pas, puis j’ai laissé tomber cette alchimie contraignante pour devenir un simple consommateur de produits prêts à l’emploi.
Du leurre salé au leurre anisé
La marque Gary Yamamoto fut précurseur de la mise au point des leurres salés, ceux ci gagnaient alors en densité et le sel est un appétant naturel qui fait que le leurre est gardé en bouche plus longtemps qu’un simple et vulgaire morceau de plastique au goût de Phtalate. Mais le sel, s’il fut perçu comme une réelle innovation avait la fâcheuse tendance à faire rouiller les hameçons de nos têtes plombées. On avait alors à cette époque balbutiante des leurres qui fondaient entre eux et des leurres qui faisaient rouiller nos équipements !
C’est avec l’apparition des leurres japonais, dont Sawamura et son fameux Trump en 2003 que vint le leurre moderne imprégné à cœur d’un attractant à l’odeur de cannelle. Megabass a plutôt tablé sur l’anis alors que Delalande s’orientait vers la fraise. Reste Berkley qui avec ses Powerbait ont mis sur le marché un attractant qui sent bon mais dont personne ne peut dire avec certitude quel est le parfum de base.
L’explosion des leurres boostés
A partir de là, tous les leurres du commerce ont commencé à sentir et à embaumer les boites. Les pêcheurs ont changé leurs habitudes et ont gardé les leurres en sachet. L’argument de l’attractant attirant le poisson, camouflant l’odeur de tabac des mains, excitant l’appétit, etc. devint l’argument publicitaire principal.
Peu importait la forme du leurre, sa texture ou sa souplesse, il fallait qu’il sente fort ! Pourtant les leurres parfumés à l’ail (garlic) très usités aux USA n’ont pas trouvé leur public en France, c’est vrai que ça schlingue !
Du coté des attractants on a décliné ceux-ci en spray à vaporiser sur les leurres durs, en pâte, en pommade, en liquide à tremper et j’en passe. Le génie commercial s’est engouffré dans cette brèche et les boites à leurres des pêcheurs ont commencé à ressembler à des vanity-cases remplis de produits de beauté.
Les goûts et les odeurs
Un attractant doit répondre à deux critères principaux, attirer le poisson et ne pas repousser le pêcheur, il doit donc ne pas sentir trop mauvais. Les principes actifs sont contenus dans une base huileuse ou grasse qui va libérer progressivement des parfums, ou des produits tels que des phéromones, des protéines ou des acides aminés. Selon le besoin, l’attractant libérera son parfum rapidement ou très doucement. De ce coté là tout a déjà été inventé par les carpistes qui sont précurseurs en ce domaine.
Pour autant personne ne connaît vraiment le schéma d’analyse du goût par un poisson, goûte t’il l’eau comme nous humons l’air ? Un bon goût déclenche t’il chez lui la notion de plaisir comme nous ? Le poisson est il gourmand ?
La recette à base de jus de poisson est la plus ancienne, elle s’inspire de la strouille en mer où des sardines à moitié pourries sont mixées et enfermées dans un sac en toile de jute qui va baigner sous le bateau, libérant les effluves puissantes au courant marin. Si c’est indéniablement efficace en mer, en eau douce j’ai essayé sans trop de résultats. Pourtant l’attractant à l’odeur jus de sardine va rassurer le pêcheur.
Les recettes à base de fruits ou de condiments sont les plus distribuées, elles sont assez agréables au nez humain. L’argument de vente veut que le principe actif pour le poisson soit conjugué avec un parfum reconnaissable par l’homme. On pourrait fort bien se passer du parfum pour ne garder que la base attractante car les poissons ne se nourrissent pas d’anis ou de cannelle mais un leurre qui sent est un leurre qui dans la tête du pêcheur sera meilleur qu’un inodore.
La recette très secrète pour le Gulp ou le Powerbait, où seulement deux hommes connaissent la formulation exacte et n’ont pas le droit de voyager ensemble est un mystère mais a fait l’objet de recherches très poussées. Rappelons que Berkley est leader des pâtes à truites et qu’un labo étudie précisément l’action de certains produits sur les poissons. Seul ce géant américain peut supporter des coûts de recherche scientifique et il est vrai que leurs leurres sont très efficaces.
L’argument des phéromones est la dernière évolution en date de la petite société Française Hook’n Fishing et de son attractant Soul Stream. Celle-ci s’appuie sur une étude présentant l’émission d’une phéromone par les poissons fourrages en cas de stress, odeur qui donnerait immédiatement le signal de la curée pour le carnassier. Ils ont fait synthétiser cette phéromone par un laboratoire universitaire et l’ont intégré à un attractant en pâte qui se délite en libérant cette fragrance subaquatique, ils ont juste rajouté une petite base citronnée pour le pêcheur !
Lire aussi : Dopez vos leurres pour tromper les carnassiers
Le temps de la raison
Nos leurres souples sont désormais scannés sur des véritables poissons, ils font du bruit sensé imiter celui des proies, ils ont le parfum de la proie ou s’en approchent. Ça c’est la version commerciale mais en réalité on s’aperçoit qu’un appât naturel est bien plus souvent efficace qu’un leurre qui tentera de combiner imitatif et incitatif mais ceci est à prendre avec des pincettes car ce n’est pas une vérité à 100 %. Je me rappelle une partie de pêche qui ne date que de quelques semaines où des grosses perches attaquaient nos leurres mais laissaient tranquille mon vif de 10 cm alors qu’elles en dégueulaient dans l’épuisette.
Nos boites sont désormais moins remplies de ces poudres de perlimpinpin mais le tube de pâte n’est jamais bien loin. On sait que désormais l’attractant est plus efficace en hiver sur des pêches lentes où il permet sur un point précis de déclencher une phase d’activité des carnassiers pour peu qu’on insiste sur une zone en envoyant ce liquide magique.
L’attractant n’est plus la solution miracle mais un équipement de plus, comme les billes sonores, les coloris UV.
Ça marche ou ça ne marche pas ?
Je me rappelle avoir patiemment testé les attractants du bord il y a plus de 10 ans avec une méthode empirique, une canne à vif équipée d’un feeder rempli de mousse gorgée d’attractant et une autre canne toujours avec un feeder mais vide. J’ai pêché durant une saison complète avec trois feeders, un vide et deux autres servant à essayer les différentes marques du commerce.
La conclusion, sur les perches et sandres était sans appel, les cannes équipées d’un feeder contenant de la mousse avec attractant prenaient plus de poisson que la canne avec une cage feeder vide. Pour autant le test n’était pas à 100 % concluant car la canne placebo prenait quand même du poisson.
Sur les leurres je n’ai jamais vraiment constaté une supériorité, la couleur, la forme, la texture, les vibrations pouvant tellement influer que l’odeur ou le goût me paraissent un élément minoritaire. Pourtant j’ai vu des poissons avaler et digérer ces leurres souples.
Si l’offre des attractants n’est plus ce qu’elle était c’est que la dure loi du marché s’est imposée. Si c’était tellement efficace, il s’en vendrait à la pelle. Mais n’oublions pas le facteur mode, la fainéantise du pêcheur, la lassitude devant les produits classiques face aux nouveautés annuelles qui nous font nous détourner de ce que l’on a adulé quelques années avant. Les attractants fonctionnent, j’en suis persuadé, et moi je les utilise encore un peu mais ne le dites pas, c’est un secret de pêcheur !