Dans la pêche des salmonidés, la seule chose dont nous pouvons être sûrs, c’est que le poisson présente une activité quasi journalière sur des proies qui lui plaisent. Nous pensons que pour pêcher juste, il nous suffit donner au poisson ce qu’il désire, mais comment le savoir ? Regardons ensemble ! Pour bien cerner la nutrition de la truite ou de l’ombre commun, nous garderons à l’esprit que nous sommes face à des prédateurs. Ils sont capables de jouer sur différents tableaux et nous caractérisons alors ce principe d’opportunisme alimentaire. Mais pour comprendre ce principe, nous devons pêcher des eaux dans lesquelles nous voyons les poissons…
La rivière et ses caractéristiques
Une bonne rivière pour observer le comportement alimentaire des poissons doit posséder des eaux claires qui permettent de les voir. Certaines régions ou départements sont mieux lotis que d’autres mais il est possible en France de trouver non loin de son lieu d’habitation des lieux propices à cette découverte. Il est certain que les truites zébrées du bassin méditerranéen sont d’autant plus facile à repérer avec l’habitude mais pas forcément plus simple à prendre… Ici, les pêches à vue sont à l’honneur et la technicité des pêcheurs est d’autant plus élevée que le niveau d’eau est bas et clair. Si de surcroît, nous pratiquons une grande rivière sans de réelles possibilités de se fondre dans le paysage, nous pouvons dire que nous sommes au comble de la difficulté !
La période d’observation
La meilleure période se situe dès la baisse des niveaux, juste un peu avant l’étiage et cela peut correspondre suivant l’altitude du mois d’avril au mois de juillet. Ensuite la période d’étiage sévère ou estival peut être une source de renseignements mais malheureusement, nous ne trouvons que très peu d’insectes et cela peut fausser notre analyse. Nous tablons sur les journées ensoleillées pour disposer d’un maximum de lumière pour accroître notre vision dans l’eau et nous le savons par expérience, que les poissons ne craignent pas tant la lumière lorsqu’ils sont à table. Comme nous regardons les poissons, nous pêchons « à vue » ; ce qui sous entend que si nous voyons les poissons, ils peuvent en faire de même…
n’hésitez pas, prenez le temps d’observer…. Il est plus simple de prendre des poissons lorsque nous avons fait la démarche de trouver le repas de ceux-ci et de leur présenter dans la hauteur d’eau voulue.
Les pêches à maîtriser
Pour mettre à profit ce caractère d’opportunisme, nous les pêcheurs à la mouche sommes obligés de maîtriser les différentes techniques que sont les pêches en nymphe, en sèche et au streamer. Nous pêchons donc à vue mais avant de parler du niveau technique, l’approche reste la clé de voûte de notre pêche, si nous sommes bruyants dans nos déplacements, nous ne pourrons pas prétendre à pêcher correctement. En pratique et selon ce que les poissons présentent comme comportements nourriciers, nous leur proposons des imitations sur et sous l’eau, plus ou moins lourdes, volumineuses ou fines en fonction des insectes ou poissonnets présents. Les vitesses de courants et la profondeur des postes guident notre choix d’imitation selon la position du poisson. Bien évidemment d’un point de vue technique, la gestuelle doit d’être parfaite en revers comme en coup droit, à courte comme à distance convenable. Les posés décalés ou courbes, en cloche ou plaqués sont les plus discrets à condition d’être réalisés en douceur et suffisamment à l’amont du poisson visé. Ce sont eux les clés de la réussite mais attention de ne pas draguer* lors de la dérive.
La notion de dérive
Rien n’est plus instructif que de voir une truite se restaurer pour comprendre qu’elle utilise sa vue pour cibler à plusieurs dizaines de centimètres à son amont ses proies. Elle ne saisit que ce qui l’intéresse par un déplacement rapide dans la hauteur d’eau qu’elle a choisit d’observer. C’est en regardant les poissons se nourrir que nous comprenons le terme de dérive dans les pêches à la mouche ! Nous pouvons apprécier leur position dans les veines d’eau et voir leurs déplacements latéraux ou avant/arrière s’il y en a pour mieux les pêcher. Le plus difficile dans une pêche en nymphe étant de juger de la profondeur sous laquelle le poisson se positionne et le plus dur dans la pêche en sèche est de déterminer à combien de centimètres nous devons présenter l’imitation ; mais une fois encore, c’est dans la pratique que nous progresserons. Il devient alors limpide que si nous brisons les lignes de courant, la mouche sèche ou la nymphe draguera* et le refus est un résultat inévitable.
L’équipement pour pêcher à la mouche
Pour pêcher au plus juste, nous possédons un matériel très polyvalent, comme une canne de 9,6 soie 4/5 – T44 ou une canne T47 – 10 pieds soie 4/5 de chez Devaux qui possède plus de puissance. La longueur de ces cannes permet de jouer la polyvalence et de pêcher toutes les rivières, aussi bien en nymphe à vue qu’au fil, en sèche et même avec de petits streamer. Même si nous pouvons tout faire avec une soie de 5 de profil WF*, sur des eaux en étiage, une soie de 4 est à privilégier pour sa discrétion.
Le bas de ligne pour la pêche à la mouche
Pour gagner du temps et pour être adaptatif, le bas de ligne doit pouvoir se déposer avec la même précision et surtout aussi bien en sèche qu’en nymphe au fil ou à vue. Celui-ci peut être constitué comme ce qui suit avec une pointe d’un minimum de 1,80m.
Le diamètre de la pointe varie selon la taille des poissons recherchés mais nous ne rentrons pas dans l’excès de finesse. Cela ne sert à rien, si ce n’est à perdre de gros poissons.
Les mouches
Pour pêcher juste, nous savons qu’il est capital de connaître la nourriture de la truite au moment même de la pêche. Nous voyons encore de nos jours des pêcheurs de tout âge arriver au bord de l’eau avec une mouche déjà fixée au niveau de leur pointe… Comment pouvons-nous pêcher sans avoir fait un minimum d’observations au niveau des insectes aquatiques ou volants? Apparemment, le pêcheur moderne ne se donne plus le temps de retourner deux ou trois pierres pour trouver les larves – donc leurs imitations, de regarder les insectes volants ou encore les truites qui pourraient être actives et qui le renseignent sur leurs desiderata. Pourtant quelques minutes suffisent à sélectionner dans nos boîtes, les bonnes imitations des insectes observés et nous affinerons ensuite selon les poissons que nous pêchons.
Cas d’école et application
Il y a encore quelques jours, nous étions sur une magnifique rivière claire et basse pour un stage de pêche en perfectionnement. Pour réussir à prendre du poisson en eau claire et basse, il faut être capable de le solliciter suivant les différentes techniques que nous connaissons mais aussi en fonction de ce qu’il présente comme activité. Nous étions donc arrivés sur une zone possédant un éclairage suffisant pour observer les poissons et surtout leur façon de se nourrir. Dès les premières minutes, le verdict tombe…. Sur la même bordure et sur moins de 50 m et dans 1 m d’eau en profondeur maximum, pas moins de 20 poissons en poste. Certaines truites sont dans les vairons et font de grandes embardés pour les saisir, d’autres suivent un chemin nourricier et de temps à autres prennent des gammares* entre les cailloux et les dernières « nymphent » et gobent tout se qui passe à leur porté mais dans des teintes d’olive, ce que nous confirmons par une inspection des pierres puisque nous trouvons des heptagénéidés et des baetidés de coloration verdâtre.
Dès lors, notre pêche commence et nous attaquons chaque poisson suivant ses désirs mais certains poissons présentent une agressivité latente, insuffisante pour être pêchés au streamer mais juste assez pour les piquer avec des nymphes incitatives. D’autres ne font que gober et nous devons alors changer de mouches souvent mais toujours selon le schéma de pêche initial. Nous piquerons quelques truites ce jour là avec les différentes techniques et nous conclurons que c’est la polyvalence technique qui nous avait permis de le faire.
Analyse et exemple d’adaptation
Lors d’un précédent stage à la mouche avec mes clients, nous étions sur des poissons qui de prime abord semblaient gober. En fait, après une observation plus minutieuse et après quelques passages en émergente, nous nous sommes aperçus qu’ils ne gobaient pas mais qu’ils nymphaient* dans la proche surface à tel point que les truites déformaient la surface comme dans le cas de micro gobages. Nous avons dû modifier instantanément notre pêche en les sollicitant avec de petites nymphes non lestées. Grâce à cette observation et remise en question, nous avons pu répondre aux attentes des poissons et ainsi sauver notre partie de pêche. Quelques heures après, les truites passaient sur les sèches…
Pour finir avec ce type d’exemple, la semaine passée, nous étions avec un client sur une rivière à population mixte – truites et ombres – et nous regardions les deux espèces gober. Aucune différence dans les gobages, ils étaient tous de gros « bloff » et sans parler de taille de poissons, ils prenaient tous de parfaites imitations d’éphémères jaunes flottants haut sur l’eau en hameçon de 12 tige longue et seulement cette taille !
Définition *
Draguer : terme signifiant que la mouche ne présente pas une dérive naturelle. Ce défaut technique existe dans toutes les techniques de pêche en sèche et nymphe.
Gammares : insecte aquatique de la famille des amphipodes communément appelé crevette d’eau douce.
Nymphaient : terme désignant l’action de nutrition sur des larves aquatiques ou sur un des stades de ces larves sous l’eau.
WF : Weight Forward – profil de soie dont la partie avant est plus lourde et permet de pouvoir être rapidement en action de pêche.
Pointe : Dernier brin du bas de ligne à nœud sur lequel est accrochée la mouche.