Fédération Nationale de la Pêche en France : Si j’étais président…

Un peu comme le sélectionneur de l’équipe de France, chaque pêcheur a sa propre vision des choses et aimerait faire bouger la pêche, mais rares sont ceux qui s’y collent vraiment. J’en fais parti faute de temps, et je partage là mon point de vue qui est propre à ma seule vision de la pêche, fruit d’une pratique hétéroclite et partielle de la pêche sur le territoire français. J’ai cependant eu la chance de pêcher dans de nombreux pays européens et d’avoir discuté avec de nombreux pêcheurs pour avoir une vision assez global du système halieutique français. Je sais d’avance que certaines propositions vont plaire à certain, déplaire à d’autres, faire bondir, grincer des dents, enrager… mais je ne fais que donner mon avis et je vous invite à donner le votre, calmement, dans les commentaires. Alors si j’étais président et si je pouvais dessiner la pêche de demain, voilà ce que j’aimerais mettre en place…

1. Le carpiste, la plaie halieutique ? Vraiment ?

Si vous n’avez pas vu une tente (ou plutôt un biwy) planté au bord de l’eau, c’est que vous ne pêchez qu’en première catégorie ! Le pêcheur de carpe prend de la place, beaucoup de place, et certains n’acceptent pas l’idée de partager l’eau avec les autres utilisateurs. 4 cannes dans des directions différentes, avec des fils parfois tendus à plusieurs centaines de mètres, voilà le pire que l’on puisse voir en termes d’espace occupé.

Autre problème récurrent, le manque de secteurs de nuit. Lorsqu’un plan d’eau est ouvert, il concentre alors les pêcheurs de tous horizons, y compris hors de nos frontières, et la pression exercée entraine des excès… qui bien souvent mènent à la fermeture de ces zones de nuit quelques années plus tard. C’est particulièrement le cas du nord-est de la France, « victime » de sa proximité géographique avec d’autres pays de pêcheurs-voyageurs, où les AAPPMA n’osent pas ouvrir des secteurs de nuit car les zones vont alors être submergées, pour ne pas dire envahies. Autre « problème » en conséquence : les AAPPMA locales « tolèrent » alors la pêche de nuit officieusement… à condition d’être sympa. Si vous n’êtes pas dans les petits papiers du bureau, la pêche de nuit sera compliquée pour vous. Cela donne l’impression d’une république bananière mais c’est pourtant encore le cas en 2021!

Propositions :

  • Autoriser seulement 2 cannes par pêcheur, pour toutes les pêches.
  • Pêche de la carpe de nuit autorisée partout en France, sauf là où c’est interdit (alors que la règle actuelle est l’inverse).
  • Pêcher à une limite de 150m ou la moitié du plan d’eau maximum avec un axe de 45 degrés de chaque côté.
  • Si un repère est placé, interdiction de pêcher (pêcheur de carnassier ou autre) à moins de 20m du repère ou du poste du pêcheur.

Pourquoi ces propositions ? En autorisant seulement 2 cannes et avec des distances définies, on limite l’emprise des pêcheurs de carpe, et on continue de pouvoir faire de belles pêche avec 2 cannes. Au passage on limite aussi le nombre de cannes pour les pêcheurs de sandre au posé, avec moins de prélèvements à la clé, mais cela est une autre histoire. En contrepartie de ces efforts, on autorise la pêche de nuit partout, sauf là où c’est dangereux ou protégé. Pourquoi ne pas étendre l’option payante « Pêche de nuit » de certaines AAPPMA au niveau national d’ailleurs ? On dilue la pression de la pêche, avec par la même occasion moins d’incivilités. On protège également les pêcheurs du bord des pêcheurs en bateau qui n’ont plus la possibilité de venir pêcher à proximité des coups des pêcheurs.


2. La fin du no-kill et la mise en place du catch&release pour les pêcheurs de carnassier

Le no-kill n’a pas de sens, et c’est d’ailleurs sur ce point que les associations écologistes nous attaquent le plus souvent. Prétendre que l’on ne tue pas est totalement faux, il y a de la casse, il ne faut pas se leurrer. Sous prétexte de no-kill, et aussi par manque d'(in)formations, les pêcheurs ne se soucient pas toujours des poissons : manipulation hasardeuse, voir dangereuse, non-respect du poisson agonisant, etc… Le catch&release a alors tout son sens : on prend un poisson, et on le relâche dans les meilleures conditions possibles si on considère qu’il va pouvoir survivre, sinon on abrège ses souffrances et on le prélève.

Propositions :

  • Un hameçon triple ou deux hameçons simples maximum par ligne
  • Les hameçons triples sont sans ardillons ou ardillons écrasés
  • Epuisette, pince et tapis de réception deviennent un équipement obligatoire pour pêcher

Pourquoi ces propositions ? Les hameçons triple font des dégâts dans la bouche des carnassiers ! Ce n’est pas un soucis lorsqu’on prélève le poisson, mais ça l’est lorsqu’on souhaite le relâcher dans les meilleures dispositions possibles. Un gros prédateur est peut-être moins sujet à ce phénomène, mais ce n’est pas le cas pour les nombreux poissons plus petits. En limitant à un seul triple par ligne, on limite ainsi les risques. Combien de perches prises par les 3 branches du triples ? Idem pour les ardillons sur les triples, ils sont eux aussi problématiques ! D’une manière globale, l’hameçon triple est problématique dans une optique de relâche du poisson, il faut donc soit passer au simple, soit enlever les ardillons des triples. C’est d’ailleurs ce qui est dans les règlements des compétitions de pêche des carnassiers aux leurres. L’épuisette, la pince et le tapis deviennent obligatoires et protègent le poisson et évitent les mauvaises manipulations et maximise les chances de survie du poisson.


3. Un chamboulement du système des élections

Nous l’avons déjà expliqué en détails dans plusieurs articles, mais cela reste toujours méconnu d’un grand nombre de pêcheurs : le système des élections est un mille-feuilles géant où le sommet reste inaccessible. Il faut que cela cesse, tout simplement, et faire au plus simple : les pêcheurs votent pour une liste pour les sièges de la FDAAPPMA (fédération départementale), et ensuite toutes les FDAAPPMA sont représentées au niveau national, en fonction du nombre de carte de chacunes. Un vote des présidents de FDAAPPMA permet ensuite de définir la liste qui formera la FNPF. Il n’y a que 2 couches, et c’est déjà pas mal.

Propositions :

  • Les pêcheurs votent pour le bureau de la FDAAPPMA (fédération départementale) et pour le bureau de l’AAPPMA. 2 votes distincts, un pour le volet local, et un autre pour le volet national.
  • Toutes les fédérations sont représentées au niveau national, au prorata de leur vente de carte de pêche. Les présidents des fédérations procèdent alors aux élections qui permettront de définir le prochain président.

Pourquoi ces propositions ? Car la représentation des départements au niveau nationale est plus que variable actuellement, avec un système régional complètement opaque qui vient s’intercaler au milieu. Et également un vote direct des pêcheurs pour le bureau de la FDAAPPMA, pour qu’ils soient représentées au niveau national, dans le même genre que les grands électeurs pour les élections américaines.


4. La fin de la carte de pêche et de la réciprocité

Au revoir à la carte de pêche et la mise en place d’un permis de pêche. Une formation d’une journée minimum pour comprendre les poissons, l’environnement, la sécurité, la réglementation. Et simplement en énumérant ces 4 points, je me dis que 2 journées ne seraient pas de trop ! C’est par exemple le cas en Allemagne.

Comme pour la pêche de nuit précédemment, la réciprocité n’est plus une exception, c’est une règle par défaut. On achète une carte de pêche pour pêcher en France, si un parcours ne veut pas être réciprocitaire alors il doit être privé, et mentionné comme tel sur le terrain. On s’évite ainsi une couche du millefeuille halieutique, avec les économies qui se feront en passant.

Propositions :

  • Fin de la carte de pêche.
  • Mise en place d’une formation avant de pouvoir toucher un poisson.
  • Fin de la réciprocité pour plus de clarté et de simplicité : on pêcher partout en France.

Pourquoi ces propositions ? Aujourd’hui n’importe qui peut aller acheter une carte de pêche et commencer à pêcher sans rien savoir du monde halieutique et des poissons. En sensibilisant les gens à la pêche, en apprenant les bases, on éviterait bien des problèmes qui surgissent plus tard… c’est fini le temps du papi qui nous apprend la pêche, on a de plus en plus de pêcheurs qui se mettent à la pêche sans rien savoir et c’est bien dommage. Il faut aussi simplifier les règles, et le pêcheur de 2021 pêche partout, parfois très rapidement. Donc une règle de base de pêche autorisée partout en France sauf là où c’est explicitement marqué parait indispensable, c’est compliqué aujourd’hui d’aller sur les sites des fédérations et éplucher des arrêtés préfectoraux pour savoir si on a le droit de pêcher à cet endroit ou non.


5. Une gestion piscicole plus stricte

La France est un pays avec des eaux magnifiques, et avec un gros potentiel. Il n’y a qu’à voir les spécimens qui y sont présents pour comprendre que le potentiel est bien là : des sandres, brochets, carpes, silures aux tailles hors-normes, qui n’ont rien à envier aux pays nordiques. C’est le nombre de poissons par rapport au nombre de pêcheurs qui est plus problématique, il faut donc avoir une gestion piscicole plus stricte, qui à l’échelle locale sur des expérimentations d’AAPPMA montrent que cela fonctionne très bien !

Propositions :

  • Mise en place de fenêtres de capture sur le plan national
  • 2 poissons prélevés par jour et par pêcheur maximum
  • Roulement de zones interdites à la pêche pendant une année, façon « jachère » de l’agriculture
  • Fin des empoissonnements massifs dans le domaine public (lâchers de truites notamment)

Pourquoi ces propositions ? La fenêtre de capture a déjà fait ses preuves au niveau local, notamment en région lyonnaise sur le brochet. 2 poissons prélevés par jour, car un seul est problématique si on venait à mal manipuler un poisson et devoir le tuer : la journée de pêche s’arrêterait alors pour le pêcheur. Avec 2, ça laisse la possibilité de continuer de pêcher tout en faisant attention sur les prochaines prises. Et la fin des lâchers de truites, qui peuvent continuer d’exister mais pas sur le domaine public. L’argent de la carte de pêche ne sera plus dépensé dans ces opérations insensées.


6. Une communication tournée vers le grand public et un lobby en coulisse

Chose nouvelle depuis quelques années maintenant, la pratique de la pêche est remise en question. S’amuser avec des poissons, cela peut poser quelques question à des personnes sensibles à la cause animale. Nous ne nous amusons pas avec les poissons, mais c’est ainsi qu’il nous décrivent. Ces associations animalistes utilisent et se concentrent sur 2 points : l’opinion public est la première étape, pour ensuite aller faire du lobbying auprès des institutions et personnalités politiques. Si nous n’allons pas combattre sur ces 2 points, la pêche en France va être mise en lambeau petit à petit.

Propositions :

  • Promotion de la pêche auprès des jeunes (développement des écoles de pêche, des journées découvertes, des animations avec les écoles)
  • Mise en place de communications grand public
  • Lobby local et national
  • Journée obligatoire pour son AAPPMA

Pourquoi ces propositions ? L’avenir de la pêche passe par les prochaines générations et le grand public, c’est la première bataille à gagner sur le terrain. Pour s’assurer de la victoire sur les animalistes, un lobbying local par les FDAAPPMA doit être réalisé, tout comme sur le plan national. A l’heure actuelle, seul un lobbying national est réalisé, ce qui n’empêche donc pas les décisions locales. En instaurant des journées d’action obligatoire pour son AAPPMA, c’est la possibilité de nettoyer les berges, réaliser des projets demandant beaucoup de main d’oeuvre, mais c’est aussi un excellent moyen de montrer l’intérêt de la pratique de la pêche pour les yeux du grand public.

Et vous, que changeriez vous ? Dites le en commentaire.

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