La pêche associative en France est sujette à de nombreuses controverses. C’est un système qui possède avantages et handicaps. Il faut tout d’abord comprendre que le système associatif pêche en France et son mode d’élection, sont une des raisons pour laquelle la pêche en France est parmi les plus démocratiques au monde ! Un simple adhérent peut être élu dans une AAPPMA, dans le Conseil d’Administration d’une Fédération Départementale, voire auprès de la FNPF. Un adhérent peut, en étant élu, influencer la gestion piscicole des eaux libres et influencer la mise en application d’une réglementation particulière sur ces mêmes eaux libres.
La pêche associative en France est un trésor qu’il faut à tout prix préserver. Et pour cela pas de mystères, il faut s’investir pour faire perdurer ce fonctionnement. Des AAPPMA (Associations Agrées pour la Pêche et la Protection du Milieu Aquatique) aux Fédérations Départementales, jusqu’à la FNPF (Fédération Nationale de la Pêche en France), le maillage est simple, mais les missions sont floues pour la plupart des pêcheurs mais aussi des acteurs impliqués dans ces organismes.
Le désengagement de l’État sur certaines missions complique encore un peu plus leur mise en application et leur clarté auprès des adhérents. Depuis quelques années maintenant, j’ai le plaisir de m’investir, dans la mesure de mes capacités, dans ce milieu associatif. D’abord membre actif d’une AAPPMA, j’ai été élu secrétaire lors des dernières élections fin 2015. Mon cas n’est pas exceptionnel, loin de là ; je suis tout à fait conscient de m’investir dans un Département dynamique et à l’écoute des pêcheurs. Autant le dire de suite, je crois profondément à ces investissements et reste persuadé qu’il y a moyen de bouger les lignes. Pas du jour au lendemain, à force de patience et avec de la volonté, tout est possible.
Ces quelques lignes ont pour but d’encourager ceux qui hésitent à sauter le pas pour s’investir en association, et expliquer que tout n’est pas si simple, et que les bonnes volontés sont toujours les bienvenues… Le terrain et le rapport humain seront toujours plus efficaces qu’un commentaire hargneux sans fondements lancé depuis un clavier, confortablement assis dans un fauteuil à l’abri des contrariétés…
Une carte de pêche, oui mais pourquoi au juste ?
Sans entrer dans les détails de « où va l’argent des cartes de pêche« , ce sujet ayant déjà été débattu de nombreuses fois, il faut tout de même comprendre ce que représente le fait de s’acquitter d’une carte de pêche. Une carte de pêche, c’est tout d’abord une adhésion à une AAPPMA, qui vous délivre une carte nominative contre paiement d’une cotisation annuelle. C’est également une cotisation à la Fédération Départementale concernée. La carte interfédérale quant à elle, apporte une cotisation au « Club Réciprocitaire ». Enfin, il s’agit d’une Cotisation pêche et Milieux Aquatiques (CPMA) qui va à la FNPF et d’une Redevance Milieu Aquatiques (RMA) qui va directement aux Agences de l’eau. Toutes ces cotisations et redevances alimentent un fonds qui est rétribué aux Fédérations et AAPPMA, sur des actions d’aménagements Pêche et de restauration des Milieux Aquatiques.
Je n’aborderai pas le descriptif précis définissant les diverses instances halieutiques françaises, ce n’est pas le but de ces paragraphes (même si certains auraient bien besoin d’apprendre à distinguer une AAPPMA d’une Fédération Départementale de Pêche, aussi bien dans les missions qui leur sont confiées, que dans la taille des territoires gérés…).
Qui prend sa carte, où et pourquoi ?
Avec l’avènement de l’achat des cartes de pêche via Internet, la répartition des adhérents a subi de très nombreuses mutations. Il est désormais possible de théoriser trois catégories d’adhérents :
L’adhérent « traditionnel »
Qu’il s’agisse d’un pêcheur local ou d’un vacancier, cet adhérent sait qu’il doit prendre sa carte de pêche, mais reste très traditionnel dans son achat. Il prend sa carte chez son dépositaire habituel, ou dans un office du Tourisme. Il ne se prend pas la tête pour savoir quelle AAPPMA gère tel ou tel territoire ; il sait qu’il faut une carte de pêche, donc il la prend. Il représente à l’échelon local une part importante des adhérents.
L’adhérent « investi »
Bien plus anecdotique que l’adhérent « traditionnel », cet adhérent prend sa carte de pêche dans la même AAPPMA année après année, car il s’y investit ou compte s’y investir. En effet, sauf rare exception au niveau préfectoral, il est une règle d’or dans l’investissement en AAPPMA. Il est obligatoire d’avoir adhéré à la même AAPPMA les deux années précédant les élections de bureau, pour se présenter. Il faut par contre une adhésion depuis 1 an pour participer au vote durant une Assemblée Générale. Le taux de pêcheurs prenant sa carte avec l’objectif de s’investir dans une AAPPMA reste très, très faible ; et les effectifs diminuent d’autant plus que l’âge de l’adhérent est peu élevé…
L’adhérent « volatile »
Chaque année, je tente de faire comprendre aux membres du bureau que le poids croissant des actions menées par les AAPPMA, et la communication qui en découle, sont autant de facteurs à même d’influencer un acheteur de carte de pêche. Avoir la possibilité de prendre sa carte sur Internet permet désormais à de nombreux pêcheurs de choisir l’AAPPMA à laquelle ils souhaitent adhérer, sans avoir à se déplacer chez un dépositaire spécifique, et offre à de nombreux pêcheurs la possibilité de favoriser par leur adhésion les départements et AAPPMA qui mènent des actions en faveur de la pratique qu’ils affectionnent. Il n’y a qu’à voir par exemple le nombre de carpistes qui adhèrent dans des Départements ouvrant de grandes portions de secteurs de pêche de nuit pour avoir une idée de l’influence des politiques halieutiques locales en termes de ventes. Les parcours en No Kill ou imposant une technique de pêche spécifique (par exemple des sites avec pour réglementation le vif interdit, ou d’autres portions de première catégorie où la mouche est obligatoire, pour ne citer que ces deux exemples) ne sont pas en reste. Les pratiquants apprécient de voir fleurir ces nouvelles « aires de jeux » et le font savoir en prenant leur carte de pêche auprès des AAPPMA à l’origine de ces initiatives, comme une reconnaissance pour les encourager à continuer dans cette veine.
Cette tranche de pêcheurs donc, directement influencée par les opérations de communication et les actions menées par les AAPPMA et fédérations Départementales, pèse de plus en plus lourd dans la balance des adhérents. Très volatiles, ces adhérents n’hésitent pas à changer de Département, si tant est que des initiatives plus innovantes apparaissent ailleurs. Cette mobilité et l’enjeu consistant à fidéliser ont été parfaitement compris par certaines instances, quand d’autres découvrent tout juste le potentiel 2.0 des achats de cartes de pêche en ligne en fonction du travail de terrain.
L’associatif pêche, un monde chronophage avec moyenne d’âge assez haute.
Ce n’est un secret pour personne, le milieu associatif est en règle générale victime d’un manque cruel de personnes prêtes à s’investir bénévolement. Très souvent chronophage, un tel investissement nécessite forcément de devoir faire des concessions sur son temps libre. En règle générale, c’est quelque chose de largement surmontable, mais il faut être prêt à parfois passer à côté d’une excellente fenêtre météo pour, cette fois, nettoyer des berges ou animer une manifestation promotionnelle. L’engagement associatif passe inévitablement par ce genre de petit sacrifice. C’est en partie la raison pour laquelle la très grande majorité des bénévoles investis dans ces bureaux sont des personnes retraitées. Ne travaillant plus, elles sont bien souvent plus disponibles que des actifs qui sont soumis à des horaires de travail parfois contraignants. Mais avec un peu de dialogue, il est en général possible d’expliquer à des personnes déjà implantées que l’arrivée de sang neuf ne pourra se faire sans des adaptations dans les emplois du temps et les habitudes. Certes ces évolutions nécessitent temps et dialogue, mais ça reste possible.
Par exemple, dans l’AAPPMA au sein de laquelle je m’investis, nous sommes seulement deux membres actifs à avoir moins de 40 ans… Trésorier et Secrétaire tous deux actifs, il a bien fallu que le Bureau s’adapte aux particularités de nos agendas pour certaines réunions ou actions. Mais nous y sommes arrivés et à présent, seules les phases d’alevinages restent compliquées à appréhender, compte tenu des délais courts et très dépendants du trajet d’un pisciculteur. Il faudra encore quelques ajustements pour prendre en compte ce genre de contrainte, preuve que rien n’est figé.
Des bonnes volontés qui sont bienvenues.
J’ai entendu un nombre incalculable de fois des pêcheurs crier/écrire tout haut qu’ils ne s’investiraient pas dans leur département car il ne s’y passe rien ou qu’ils en ont ras le bol des lâchers de truites arc-en-ciel… En effet, l’argument se tient et j’ai moi-même du mal avec ces « manches courtes » aux reflets irisés qui sont une aberration dans certains milieux. J’essaie dans la mesure de mes moyens de diminuer les déversements annuels dans mon aappma, année après année avec des succès à géométrie variable ; c’est loin d’être évident de changer des « traditions » si profondément ancrées…
Mais ces mêmes adhérents, qui reprochent ces déversements ou tout autre dysfonctionnement, ont-ils réellement essayé de s’investir sur plus que quelques mois pour faire évoluer les mentalités ? Certains en effet ont essayé et n’ont pas renouvelé l’expérience. Dans quelques Départements que je ne citerai pas, il y a « en face » une inertie démotivante voire même de l’hostilité, mais ce n’est pas partout pareil. D’autres serrent les dents pour faire en sorte d’arriver à atteindre leurs objectifs. Tous les pratiquants ne sont pas des pêcheurs chevronnés à même d’aller traquer les poissons dans des lieux reculés. Ça n’excuse en rien la ruée vers le poisson facile ; mais cette dernière n’est-elle pas à l’origine de nombreuses vocations ? Derrière ces clichés de gestion d’aappma, il faut savoir peser le pour et le contre.
Une chose est sûre ; beaucoup de ces « critiques » sont persuadés que dans d’autres Départements plus actifs ce serait plus simple de s’investir… Ils oublient bien souvent que pour arriver à de tels résultats, beaucoup sont partis de très, très loin. Les bénévoles continuent, en coulisses, d’abattre un travail souvent ingrat pour que perdure la qualité halieutique des secteurs que d’autres lorgnent amoureusement. J’ai cherché à m’investir dans divers Départements, et une chose est sûre, c’est que les bonnes volontés n’ont jamais été rejetées. Mais pour en arriver là, il ne faut pas négliger certaines règles de bienséance évidentes, simples, et qui peuvent finalement rapporter beaucoup.
Ne soyez pas extrémistes, voyez loin !
Cette maxime peut paraître surprenante, mais intégrer une AAPPMA avec des souhaits, des objectifs voire de l’ambition, revient en quelques sortes à entamer une partie d’échecs. Les règles sont toutefois simplistes ; lorsque vous intégrez une association, il faut faire ses preuves et gagner la confiance de ceux qui étaient là bien avant vous. Un adhérent qui, sans même être élu ou avoir assisté à la moindre Assemblée Générale, souhaite renverser la table et imposer la vision d’une seule catégorie de pêcheurs, aura en effet toutes les chances d’avoir contre lui une bonne partie du bureau de l’association d’une part, et de voir ses initiatives très vite stigmatisées. Rien de mieux pour se mettre un boulet au pied avant même d’entamer des discussions. Il ne faut pas oublier qu’à partir du moment où on souhaite s’investir, il va forcément falloir travailler avec des personnes qui sont là depuis des années. Si leur gestion est parfois critiquable, ce n’est pas en allant directement au conflit que vous pourrez faire évoluer les choses… Bien souvent, comme vous, ce ne sont que des hommes, ne l’oubliez pas. Je ne cherche pas à excuser certains comportements, mais il faut parfois faire preuve de tolérance pour avancer. Arriver en terrain conquis sans respecter l’engagement des bénévoles qui étaient là avant vous ne renforcera pas votre crédibilité.
De même, vouloir imposer sans dialogue préalable ni approche « diplomatique » des idées – novatrices – qui peuvent surprendre voire rebuter les plus anciens, sera le meilleur moyen de voir vos efforts confrontés à une résistance au minimum passive, voire franchement hostile. J’ai par exemple un souvenir ému de la réaction de membres de l’AAPPMA, le jour où la maille du brochet est passée à 60cm dans notre Département… Un moment inoubliable…
Quoiqu’il en soit, il faut garder en mémoire que prendre une carte de pêche vous donne des droits, certes. Mais elle n’offre en aucun cas un blanc-seing permettant d’obtenir tout ce que vous voulez d’un claquement de doigts, sous prétexte que vous êtes adhérent. Ce serait le cas, le domaine public serait en pêche de nuit totale, le brochet et la truite en No Kill partout (je grossis un peu le trait…) et tous les pêcheurs se tiendraient la main pour nettoyer ensemble les déchets apportés par les crues sur les berges et dans les arbres… Pour être accepté, il faut être ouvert d’esprit et patient (très, très patient parfois…)
Si vous pêchez la carpe ou uniquement au leurre en no kill, que vous souhaitez vous investir dans une AAPPMA, présentez-vous avant tout comme un pêcheur. Au préalable si besoin, n’hésitez pas à vous rapprocher de votre fédération Départementale pour prendre les contacts nécessaires sur le terrain. Apprenez à connaître les différents bénévoles, le territoire géré par l’AAPPMA et surtout voyez loin. Rome ne s’est pas faite en un jour et vos idées, aussi novatrices et séduisantes soient-elles, ne s’appliqueront pas en deux semaines.
Soyez conscients que si vous vous investissez, que vous êtes élus au sein d’un bureau, le mandat dure 5 ans. Des démissions de bureau, il y en a eu et il y en aura toujours mais un conseil, accrochez-vous ! S’investir dans une AAPPMA, c’est prêter le flanc à bien plus de critiques que de reconnaissance des actions menées. Il faut savoir rester focalisé sur ses objectifs tout en ayant les mains dans le cambouis. Ce seront très rarement les critiques qui souhaiteront prendre votre place. À titre d’exemple, historiquement, l’AAPPMA dans laquelle je suis investi n’était pas particulièrement axée No Kill pour le carnassier, ni de pêche de nuit… Après des années de discussions, d’échanges avec la Fédération Départementale et les jeunes investis progressivement, la totalité de notre parcours de seconde catégorie est désormais ouvert à la pêche de la carpe de nuit, et un secteur entier est classé en No Kill pour le brochet, labellisé « Parcours Passion » par la FNPF. S’investir permet de faire bouger les lignes, ça prend du temps mais il ne faut rien lâcher !
Bref, Viendez !
Si je ne devais retenir qu’une chose de mon investissement en AAPPMA, ce serait tout d’abord que c’est un travail qui est nécessaire, voire indispensable. Avec un peu de dialogue, cette tâche est loin d’être insurmontable, le « sacrifice » consenti sur le temps libre est largement amorti par le plaisir et la satisfaction de voir aboutir un projet, qu’il s’agisse d’un aménagement de berges, ou d’une compétition de pêche.
Toutes les AAPPMA ne se ressemblent pas et je suis tout à fait conscient que l’investissement est pour ainsi dire peine perdue dans certains secteurs que la politesse m’interdit de nommer ; il faut parfois savoir quitter le monde des Bisounours… Mais je reste également persuadé que de très nombreuses AAPPMA seraient ravies de voir arriver en leur sein de personnes motivées avec qui échanger, pour passer progressivement le flambeau. Donc essayez, vous n’avez rien à perdre et les prochaines élections approchent à grands pas ! Nous sommes en 2019, les élections auront lieu en 2020, tout se joue cette année !
Auteur : Bruno Faure