La pêche de la carpe à la mouche est pratiquée depuis des années dans les pays voisins, mais aussi chez nous par plus de pêcheurs que l’on pourrait le croire. C’est clair que le matériel mouche spécial carpe n’est pas encore prêt d’être disponible chez vos détaillants, mais comme tous les pêcheurs à la mouche, l’adaptation du matériel est souvent le maître mot de cette passion. Il s’agit d’une pêche à rôder, très proche de la pêche de la truite en sèche ou nymphe à vue. Au travers de cette première partie, nous allons aborder le matériel nécessaire en détail afin de vous orienter au mieux et surtout de ne pas partir dans tous les sens au niveau du choix qui reste souvent un casse-tête, surtout pour un novice dans le domaine.
La canne mouche pour la carpe
Elle va dépendre de vos attentes, à vous de savoir quelle taille de poissons vous allez rechercher, mais aussi le lieu de pêche. Voici un petit inventaire des cannes pouvant couvrir pas mal de situations de pêche.
– La canne pour une soie 6-7 sera plutôt destinée à la pêche des poissons jusqu’à 7kg max. Elle va clairement manquer de puissance pour projeter de lourdes et grosses mouches et surtout contrôler les gros poissons, qui ne vous feront pas de cadeau dans les obstacles.
– La canne puissance de soie 8-9, est un vrai couteau suisse dans la traque de la carpe. Elle permet de faire face à la majorité des situations. Avec sa belle réserve de puissance, elle permet de gérer un lancer avec des mouches bien lourdes et de combattre au milieu des branches sans trop de problèmes. Elle reste légère, mais attention quand même à écouter votre corps si vous n’avez jamais pêché aussi lourd, vous pourriez vous faire mal au poignet ou à l’épaule dans la durée.
– La canne puissance de soie 9-10 ou 10-11, spécifiquement pour la recherche des très gros poissons avec une pêche dans les obstacles sans aucun souci. Sa puissance permet d’écourter la lutte en toute sécurité. Elle reste quand même lourde pour pas mal de situations. Attention à ne pas vous faire mal !
Au niveau de la longueur, là aussi, vous avez le choix !
Trois profils différents : les cannes de 8 pieds à 8 pieds 3, ont pour avantage leur légèreté, ce qui peut être agréable sur les spots où on lance beaucoup et loin. Elles sont parfaites pour pêcher en float tube, kayak ou barque. Les cannes de 9 pieds sont polyvalentes. Les cannes de 9 pieds 6 ou 10 pieds, très utiles pour la pêche à l’arbalète par exemple, une trentaine de cm en plus est un atout non négligeable. Avec un plus grand bras de levier, elles permettent également un meilleur ferrage à distance.
Le moulinet mouche pour la carpe
Choisissez un large arbor, pouvant contenir beaucoup de backing et la soie adaptée à votre canne, avec un frein résistant, très facile à régler (de doux à dur et très dur).
Le réglage du frein est essentiel, il faut pouvoir le laisser lâche pour sortir la soie et attaquer un poisson afin de pouvoir le serrer très rapidement pour contrarier un poisson qui file vers des obstacles. Bien maîtriser son moulinet et sa canne est la base afin d’éviter les risques de casse sur le poisson. Évitez de garder les doigts sur ou proche de la manivelle juste après le ferrage ou sur un gros rush, lorsque la bobine tourne à toute vitesse, elle peut brûler votre main ou alors vous pouvez prendre un bon coup de manivelle dans les doigts ! Idem pour la tenue de la soie à la main, mieux vaut combattre au frein et avec le moulinet et non en tirant sur la soie. Celle-ci filant à toute vitesse entre les doigts peut provoquer une vilaine brûlure. Il faut laisser travailler la canne et jouer du frein pour contrer les grands moments de fuite du poisson.
Les soies
Sans hésitation la WF est la plus adaptée à la puissance de votre canne en plus de sa résistance accrue. Je préfère éviter les modèles onéreux vu que la soie se détériore relativement rapidement suite aux contacts répétés avec les pierres, ronces et autres obstacles comme les branches. Je préfère des soies qui coûtent entre 10 et 30 euros, qui durent une saison voire plus que les soies beaucoup plus onéreuses que j’ai eu l’occasion d’essayer. L’avantage avec des modèles plus chers reste cependant une meilleure précision au lancer grâce à une meilleure qualité, mais cela peut facilement se corriger avec de l’entraînement.
C’est avec une soie flottante que vous pourrez 95% du temps traquer la carpe. C’est bien plus intéressant et pour les zones où la carpe se cherche à vue cela suffit (profondeur de 20cm à 3-4m). Le bas de ligne et un lancer bien maîtrisé suffisent donc à amener la mouche à la bonne hauteur d’eau. Les 5% du temps restant (et encore) il vous faudra une soie plongeante S6 ou S7, du très plongeant donc, tout simplement car le temps d’immersion est donné pour des eaux calmes, chose qui n’est jamais le cas. Il faut donc en prendre conscience, car cela fausse ces chiffres ! Elle reste très utile dans des cas très précis et surtout en hiver et pendant les périodes froides lorsque les poissons sont rassemblés dans les profondeurs ou les courants. Il faut alors réussir son lancer pour que la soie racle le fond et que la mouche arrive au niveau des poissons. La difficulté est alors de voir le poisson prendre la mouche, un sujet qui sera abordé dans la partie technique.
L’entretien de la soie : c’est-à-dire le nettoyage et le graissage
Une soie même synthétique a tendance à couler au bout d’un temps d’utilisation, surtout employée dans des eaux sales.
Pour y remédier :
1 : dévider la soie sur une bâche ou un tissu propre.
2 : avec une éponge légèrement imbibée d’eau passer plusieurs fois sur toute la longueur de la soie (rincer l’éponge entre chaque passage).
3 : avec du papier absorbant, partir du backing et sécher la soie en appuyant bien sur le sopalin pour retendre la soie et la dévriller. Répéter les opérations plusieurs fois (éponge puis sopalin). Attention : pas trop fort sinon, la soie chauffe et elle n’appréciera pas.
4 : avec de la graisse (type « Mucilin rouge » ou autre), soit sur vos doigts, soit sur un petit bout de papier absorbant, passer le long de la soie. Attention, légèrement, il ne faut abuser sur la quantité. Puis rembobiner la soie sur le moulinet.
Le backing
Alors là, il ne faut pas faire dans la dentelle. C’est du 30lbs au minimum. Certains utilisent de la tresse. Cela a déjà deux avantages, on trouve des diamètres beaucoup plus importants très facilement et dans des conditionnements qui permettent de mettre sans soucis 100-150m de tresse dans le moulinet + la soie sans surcharger. Il faudra partir sur 40 mètres de réserve au minimum, 80 mètres la base, au final mieux vaut en mettre autant que possible (tant que la soie ne surcharge pas le tout), on ne sait jamais !
Bas de ligne
Nous allons nous focaliser sur les bas de lignes en nylon. La tresse est trop souvent synonyme de décrochage. (Avis personnel bien-sûr, mais comme je ne l’utilise pas, je ne peux pas me permettre de vous conseiller dessus. )
Raccord soie-bas de ligne : tout simple, du fiable et du solide. Il suffit de percer la soie (avec une aiguille chauffée) sur 1 cm environ, puis de faire le nœud. La touche finale qui rend le tout indestructible, la petite goutte de colle extraforte.
Côté nylon les grandes marques pour la mouche conviennent, à vous de prendre un nylon dans lequel vous avez confiance. N’hésitez pas à tester les nylons carpe, vous pourriez être surpris surtout dans les produits fluorocarbon. Pour les diamètres, c’est simple. Un bas de ligne en 0.40mm avec une pointe en 25 ou 0.30mm reste un passe partout.
Quelques bas de ligne à la loupe
– Carpe (pêche classique) en soie flottante : 60cm de 0.40mm + 50cm de 0.35mm + 40cm de 0.30mm + pointe 80cm à 200cm de 0.30mm ou 0.25mm. Pour des poissons très éduqués, il faudra rallonger en rajoutant 2 à 3 portions de 30cm de 0.30mm puis une pointe de 2m (ces portions permettent un posé plus discret).
Ma pointe fait généralement 120cm, ce qui donne une longueur totale de 2m70. Je l’allonge lorsque les poissons sont difficiles, qu’il faut descendre plus profond ou être discret. Cette longueur qui peut paraître courte permet d’avoir une bonne précision et de lancer plus facilement des mouches lourdes.
– Carpe en milieu hostile / gros poissons en soie flottante : 60cm de 0.40mm + 50cm de 0.40mm ou 0.35mm + pointe 200cm de 0.40mm ou 0.35mm. Du costaud pour du lourd, indispensable en présence de branches ou autres obstacles, s’il est impossible de suivre le poisson dans l’eau ou le long de la berge, en présence de « grosses mémères » ou si tous ces critères se retrouvent. Un bas de ligne court, la soie doit donc pouvoir rapidement être en action, de plus il va falloir jouer sur l’élasticité du nylon pour combattre le poisson avec juste une longueur de canne.
– Bas de ligne pour les soies plongeantes : 30cm de 0.40mm + 20cm de 0.35mm + pointe 30 à 60cm de 0.30mm. N’ayez pas peur de la longueur.
Vous pouvez vous interroger sur le fait que dans la description, on ne parle pas de nylon supérieur au 0.40mm. Il ne faut pas oublier que les cannes que nous allons utiliser dans cette pêche ont leurs limites et c’est donc surtout par sécurité pour ces dernières (nylon trop puissant = risque d’exploser la canne) et pour ne pas trop ralentir l’immersion de la mouche.
Les nœuds pour raccorder les sections du bas de ligne : j’utilise soit le nœud baril ou le chirurgien. Ils sont très bien et pas besoin de plus se prendre la tête.
Et les mouches dans tout ça ?
On peut parler de nymphes, car la plupart de celles utilisées sont des modèles destinés à la truite qui ont été détournés en les montant sur des hameçons de grande taille. Ce sont des mouches relativement imitatives. Elles imitent des proies recherchées par la carpe : chironomes (larves), crevettes, écrevisses, larves rampantes, alevins, débris végétaux… Elles sont montées sur des hameçons forts de fer, très forts de fer, droits ou courbes du n°10 au n°2/0.
Évitez les hameçons « spécial mouche », dont seuls les forts de fer spécial streamers ne s’ouvriront pas régulièrement sur les beaux poissons. Préférez les hameçons des carpistes, pour le silure et forts de fer mer.
Le plombage est aussi important pour faire face à toutes les situations, il convient d’avoir des mouches lestées de différentes manières. Soit grâce à des billes laitons ou tungstènes soit grâce à du fil de plomb. On peut également pincer une petite plombée juste devant sur le nylon, ce qui pourra donner une animation différente. N’oubliez pas que plus la mouche est lourde plus le lancer doit être contrôlé sinon attention à la canne, mais aussi au posé !
Le détail important à mes yeux !
L’ardillon, nous utilisons des hameçons de grandes tailles, écraser l’ardillon est un acte qui se généralise doucement. L’unique avantage c’est tout simplement qu’écraser l’ardillon permet de décrocher plus rapidement le poisson, donc de le garder moins longtemps hors de son élément. Voilà maintenant plusieurs années que j’écrase systématiquement mes ardillons et j’estime ne pas décrocher plus de poissons que si je le conservais. Un décrochage est bien plus souvent la faute du pêcheur que du matériel. De plus, la pêche sans ardillon nous force à être moins bourrins avec le poisson. Nous pratiquons alors une pêche bien plus réfléchie et respectueuse. La carpe est un magnifique poisson, autant lui laisser toutes ses chances en cas de casse !
À propos du prix du matériel
Cannes, soies et moulinets se trouvent à tous les prix, la logique « plus c’est cher mieux c’est » est à la fois vraie et fausse, mieux vaut rechercher du matériel adapté, qui vous plaît et tant mieux si vous pouvez y mettre le prix, mais pas sûr que cela soit la raison pour prendre plus de poisson. N’oubliez pas que la technique prendra toujours le dessus sur le prix du matériel.
Rendez-vous dans la prochaine partie de cet article ou nous aborderons les différentes techniques de pêche. En attendant, je vous souhaite de belles sorties au bord de l’eau.