J’imagine les bonds que vous avez pu faire en lisant le titre! D’ailleurs vous êtes certainement plus nombreux à avoir bondi et à pester que ceux qui sont impatients de découvrir les arguments qui pourront être avancés. Si vous avez envie de vous confronter à quelques arguments qui vont à l’encontre de votre façon de penser, c’est le moment de vous poser quelques minutes à réflechir, pour les autres, mieux vaut passer votre chemin au risque de faire une crise d’érythème.
Tenir compte de l’inflation
Le prix actuel d’une carte de pêche est de 90€ en 2015. En prenant en compte l’inflation, cette somme est équivalente à 72€ en 2000 et 60€ en 1990 (395 Francs). Souvenez-vous du prix de la carte de pêche à ces dates-là et vous comprenez vite que l’inflation a pris une grosse partie de cette augmentation. 30€ en 35 années, voilà la part de l’inflation dans le prix de votre carte de pêche! Petit cours d’économie rapide, l’inflation ce n’est la poche de personne, c’est juste l’augmentation durable des prix et de vos salaires par la même occasion.
Le prix des autres loisirs en comparaison
Une carte de pêche à 90€ va vous permettre de pêcher dans pratiquement toute la France et toute l’année. Effectivement, il y a des limitations, qu’elles soient géographiques et temporelles. Pour compter à la louche, disons qu’il vous est facilement possible de pêcher au moins 6 mois dans l’année sans forcer quelque soit votre pêche favorite. Une licence de triathlon coûte 170€, courir le marathon de Paris pendant 4h à travers la ville, c’est 100€. Il y a beaucoup d’autres exemples possibles, dites-vous que c’est l’équivalent aussi d’une cigarette par jour et pour les non-fumeurs, c’est une capsule de Nespresso par jour. Autant dire pas grand chose!
Le prix de la carte dans votre budget pêche
Une étude a été commandé par la FNPF pour connaitre le profil des pêcheurs de France, et il est désormais possible de dire qu’un pêcheur lambda en France dépense 650€ à sa passion. 14% de votre budget, c’est le pourcentage que représente la dépense qui incombe à la carte de pêche. Et on est très loin de ces sommes pour les plus addicts! Ramenez aux consommables de la pêche, c’est 26 leurres souples ou encore 10 kilos de bouillettes, autant dire pas grand chose pour un pêcheur qui pratique régulièrement. La pêche est un loisir dont les dépenses sont nombreuses et élevées chaque année et dont la carte de pêche représente seulement une faible part.
Dépenser les euros des pêcheurs autrement?
Pour certains, la gestion de ces ressources financières est catastrophique et ne servirait qu’à engraisser nos dirigeants dans des buffets mondains et à déverser des truites de bassine pour les viandards. Ce n’est pas totalement faux, il y a peut-être quelques économies à faire, mais cela ne représente qu’une partie infime des dépenses de la fédération. Se priver des déversement des truites de bassines, c’est aussi se priver des nombreuses ventes de carte de pêche de pêcheurs qui ne pratiquent que cette pêche, et nul doute que la rentabilité de cet événement qu’est l’ouverture de la truite a été étudié par les fédérations. Si ce n’était pas rentable, de nombreuses AAPPMA et fédérations auraient arrêté cette pratique à mon avis.
Un défaut de communication certain!
Ce qui est certain, c’est que la fédération nationale et les fédérations départementales n’ont pas su expliquer aux pêcheurs à quoi servait l’argent récolté. Effectivement, nous, simples pêcheurs, ne voyons que ces petites festoyades et autres joyeusetés mondaines qui ne servent à rien pour nous. Mais le travail fait en coulisse est énorme, les missions sont nombreuses et il faut du monde, y compris des salariés, pour faire tourner une fédération. Un point que les fédérations devront certainement améliorer ces prochaines années! Mais ne voyons pas le mal partout, plongez-vous dans les comptes-rendus de vos fédérations et vous verrez qu’on est loin du gaspillage financier.
A quoi servirait la hausse du tarif de la carte de pêche?
- A embaucher des gardes! Nous sommes nombreux à déplorer la faible présence de la garderie sur les berges, souvent monopolisée sur d’autres actions comme le sauvetage, l’étude, etc… Avec plus de moyens, il serait possible d’embaucher et donc de surveiller plus activement les berges.
- Étendre les actions de promotions auprès des jeunes. Maisons de la pêche pour toucher les groupes scolaires, mais aussi clubs de pêche, voilà sur quoi il faut miser. Les jeunes sont les futures générations de pêcheurs, et sans eux l’économie de la pêche s’effondrera. Investir sur la jeunesse, c’est une bonne chose à moyen-long terme, et c’est même nécessaire!
- Renforcer le lobbying et la publicité. Là j’entends des dents grincer! Effectivement, le lobbying et la publicité ne nous servent que très peu, nous pêcheurs réguliers. Mais c’est pourtant nécessaire! Pourquoi? Pour casser cette image de vieux loisir, de l’ancien assis pendant des heures sur une chaise avec son béret, une cigarette en coin des lèvres et une bouteille de rouge à côté de lui. C’est ainsi que l’on fera changer les mentalités et que l’on attirera des personnes étrangères au milieu de la pêche au bord de l’eau. Oui, cela nous fera de la concurrence, cela nous embêtera certainement, mais c’est le prix à payer pour que le monde de la pêche ait les moyens de se développer. Et pourquoi du lobbying? Tout simplement parcequ’aujourd’hui, il est pratiquement impossible de faire passer une loi ou un amendement au niveau national sans ces groupements, on peut voir cela comme de l’argent gaspillé, mais on peut aussi voir cela comme une vraie force de persuasion pour défendre nos intérêts au niveau national, voir européen. Il y a d’ailleurs quelques semaines, la pêche au niveau européen s’est doté des services d’une agence de lobbying, c’est malheureux, mais c’est pourtant nécessaire dans le système actuel et malgré les euros dépensés, je pense que c’est une bonne chose. L’exemple de l’interdiction du transport de carpes de +60cm est parfait : il a été possible de le faire sans lobby, mais il a fallu dépenser une énergie folle pendant plusieurs mois, même plusieurs années pour y parvenir. Avec un lobby à ses côtés, la même loi serait passé beaucoup plus rapidement!
Pourquoi plus d’argent?
Il y a certainement 2 visions des choses. La première consiste à dire que c’est bien comme ça, moins il y aura de monde au bord de l’eau, plus on aura de l’espace pour nous pour pêcher tranquillement. La deuxième vision, plus froide, consiste à penser que sans argent, les choses ne bougeront pas assez vite et que la pêche va mourir à petit feu pour ne concerner plus que quelques passionnés. Il faut donc trouver des moyens de promouvoir la pêche, de l’encadrer et de la développer. C’est ainsi qu’une économie forte de la pêche pourra se créer, que le monde de la pêche se fera entendre plus facilement et qu’il se développera des choses plus professionnelles dans ce milieu. Des compétiteurs professionnels et des compétitions de grande envergure comme aux USA, une grande diversité de médias avec des magazines mais aussi des émissions de télé et de radio comme au Royaume-Uni, bref une vraie économie forte de la pêche qui peut mettre en place des projets d’envergures alors que la pêche actuelle en France est encore en partie dans l’amateurisme dans encore bien des niveaux (les compétiteurs de l’équipe de France GN Carla se déplace à leurs frais sur les compétitions internationales par exemple). Mais là, c’est une vision très personnelle pour laquelle de nombreux pêcheurs n’aimerait pas voir son aboutissement.
Concrètement, quels tarifs pour qui?
- Personnellement, je ne serais pas choquer de devoir payer ma carte 150€ pour pouvoir pêcher dans pratiquement toute la France. Je ne serais d’ailleurs pas choqué de payer 150€ supplémentaire dans un « timbre de nuit » qui me permettrait de pratiquer les pêches statiques (carpe, silure à la bouée, coup) de nuit partout en France sauf là où c’est interdit, plutôt que la mesure en vigueur qui est nul part sauf là où c’est autorisé. Je reviendrais sur cette proposition dans un article sur les évolutions de la pêche d’ici quelques jours qui vous fera grincer les dents une deuxième fois (je ne prends pas en charge les frais de dentiste, désolé).
- Donner la gratuité pour les femmes et les enfants, en limitant à une seule canne. Gratuité ou valeur symbolique, l’idée est d’inciter ces catégories de personnes à aller à la pêche, c’est notre vivier de demain et il me parait nécessaire de les encourager.
- Pour les personnes qui n’ont pas les moyens, ou qui ont des moyens limités, je serais d’avis de proposer la carte à moitié prix (75€). Par exemple pour ceux ne payant pas d’impôts, ou alors ceux avec une revenu fiscal inférieur à une certaine somme.
Voilà quelques idées qui sont les miennes aujourd’hui à l’instant T, qui ne le seront peut-être plus dans quelques temps et qui n’est certainement le même que le votre.