Cela faisait plusieurs années que je souhaitais faire, non pas un voyage de pêche, mais une réelle aventure, sortir de ma zone de confort et me confronter à un milieu sauvage et le plus reculé possible. Dans cette catégorie, le Soudan était en tête de liste avec ses GT (carangues Ignobilis) qui maraudent dans moins d’un mètre d’eau. Je vais donc vous conter cette aventure passée chez les gars de Wild Sea Expedition.
Salam alikoum Soudan
L’heure du départ a sonnée, c’est à Barcelone que nous prendrons l’envol. Oui « nous » car je n’y partirai pas seul. C’est avec Lyly que je pars à l’aventure, à qui j’avais lancé entre deux verres de rhum quelques semaines plus tôt : « Je vais au Soudan, tu veux venir avec moi ?». De Barcelone notre avion fera escale à Istanbul avant notre arrivée à Khartoum, capitale du Soudan où nous passerons une nuit pour ensuite prendre un vol interne en direction de Port Soudan qui, vous l’aurez deviné se situe sur la côte de la mer rouge.
Un bus nous attend à la sortie de l’aéroport où nous faisons connaissances des autres pêcheurs avec qui nous partagerons ces dix jours de pêche en pleine mer rouge. Tout d’abord il y a Sylvano, le « Padre » Italien qui fume des cigares de Toscane et pour qui toutes les plus belles choses du monde proviennent d’Italie ! Ensuite il y a Eugène le Sud Africain qui une fois dans le bus nous ouvre une mallette pleine à craquer de poppers et stickbaits homemade plus beaux les uns que les autres attestant d’une belle expérience en pêche Exo. Et pour finir, il y a Alberto, un Espagnol qui a fait ses études dans la ville rose, il parle et un très bon français ponctué d’un sacré accent Toulousain, un vrai plaisir pour les oreilles. C’est parti pour plusieurs heures de bus à travers le désert Nubien, pour rejoindre Mohamed Qol, une très petite bourgade où nous attend le Felicidad, notre bateau qui sera notre maison durant les dix prochains jours.
La traversée du désert fût déconcertante, ici la vie suit un tout autre cours. Le désert de Nubie est parsemé de troupeaux de chèvres et dromadaires qui se nourrissent de ce qu’ils trouvent. Les gens que nous croisons ont une vie pour le moins particulière, mais leurs visages arborent un sourire sincère. Ces longues heures de bus ne sont que le commencement d’une vraie claque. Une fois arrivés à Mohamed QOI, nous sortons les valises et rodcases du bus, les jambes quelques peu engourdies par les kilomètres parcourus. Il fait nuit noire, ici aucune pollution lumineuse ni sonore. Nous distinguons la « panga », petite embarcation de bois qui vient vers nous. Ossman, le capitaine du Felicidad, vient nous récupérer en personne et nous emmène sur le bateau mère où les guides nous attendent, ainsi qu’un repas chaud et copieux qui, pour le coup, nous fera le plus grand bien. Et oui se rendre au fin fond de la mer rouge est long, très long… Il nous aura fallu pas moins de 24h d’avions et de bus depuis la France.
Nous faisons donc connaissance des trois guides Sud Africain qui ont un esprit très « good vibes » qui nous correspond parfaitement. Il y a aussi Dave, un client arrivé deux jours plus tôt venu du Canada. Une bonne nuit de sommeil est nécessaire avant de nous lancer dès le lendemain matin sur les fameux « Nubian flats ».
Notre bateau Le Felicidad
Parlons maintenant de notre bateau mère et de son équipage avec qui nous avons passé dix jours dans l’un des endroits le plus reculé de notre planète. Pour commencer remercions cet équipage Soudanais qui fût tout simplement exceptionnel de servitude et de gentillesse. Toujours là pour le moindre besoin ainsi que dans les bons moments que nous partagions le soir. Nous accueillir chez eux pour capturer tel ou tel poisson, les voir nous expliquer comment et où ils vivent fut pour Lyly et moi une véritable ouverture d’esprit que nous attendions autant que les Gt pour lesquelles nous sommes venus.
Les repas du midi et du soir étaient dignes de ce nom, mention spéciale pour le cuisinier qui nous à régalé tout au long du séjour. Lyly à eu le droit de piloter le Felicidad sous l’œil attentif d’Ossman, capitaine de ce dernier où les dauphins dansent autour de la proue chaque soir durant et nous offrent un magnifique spectacle acrobatique.
Ce bateau de 32 mètres de long fût notre maison pendant ces dix jours, grand confort à l’autre bout du bout du monde. Il peut accueillir 16 personnes avec ses huit cabines avec air conditionné et salle de bain privative, un vrai luxe.
Pêche sur les Flats
Le réveil sonne, la nuit fût bercée par les vagues. Au hublot de la cabine le soleil pointe son nez et lance ses premiers rayons sur la mer rouge et donne un sens au nom qu’on lui donne. Nous serons donc divisés en trois groupes de deux pêcheurs par guide.
Chaque nuit le Felicidad rejoint de nouveaux atolls, où des poissons plus beaux les uns que les autres nous attendent. Nous montons sur les pangas en directions des spots de pêches avec de quoi s’hydrater et se nourrir pour la journée. Pêcher autour de ces îles vierges de toute influence humaine est un privilège. Le cadre est tout simplement majestueux. Nous emmenons deux cannes à mouches ainsi qu’un lancer de 30lbs.
La première canne en soie de 8 pour traquer le triggerfish à vue, ici deux espèces nous intéressent. Le premier étant le Titan Triggerfish qui a une robe sombre avec des nuances de bronzes cuivrés, on le reconnait à sa moustache style « Zapata ». Ensuite, il y a le Yellow Margin beaucoup plus clair avec des liserés jaunes sur les nageoires.
La seconde canne en soie de 12, là c’est pour du sérieux ! GT, Bluefin trevally ou encore Bohar snapper sont susceptibles de croiser notre chemin. Comme pour la soie de 8 le moulinet a une importance cruciale. Il faut de la fluidité et de la robustesse, il est très important d’investir dans du matériel de qualité et mon choix s’est tourné vers la marque de moulinet Shilton, avec ça on ne tremble pas.
Et enfin un lancer léger en 30lbs pour faire ce que l’on appelle la technique du « teasing » qui consiste à ramener des leurres dépourvus d’hameçon de manière à attirer les prédateurs à portée de lancer pour la canne à mouche. Il va de soit que l’on ne se privera pas de quelques lancers au popper et autres leurres souples armés de puissants hameçons au cas où.
Nous voilà donc partis pour de longues heures de marche, à scanner la moindre ombre où nageoires qui fendraient la surface. Une fois le poisson repéré il faut analyser son comportement, regarder la trajectoire vers laquelle il se déplace et déduire ce qu’il mange en fonction du biotope dans lequel il évolue. La plupart du temps une imitation de crabe fait l’affaire, mais il arrive aussi qu’il soit focalisé sur des crevettes.
Une fois tous ces paramètres cochés, alors là et seulement là l’action de pêche se met en route, le bon lancer, la bonne animation et peut être que vous aurez une belle photo avec notre compagnon de jeu. Voilà ce qu’est la pêche sur les Nubian flats !
Snake island
Afin de ne pas vous perdre avec un récit journalier trop ennuyeux à écrire et à lire je vais vous faire part d’une journée particulièrement magique.
C’est le second jour du trip, aujourd’hui c’est James qui s’occupe de nous et au petit matin il nous lance un : « Today we go to Snake Island, i have a good feeling ». Quoi de mieux qu’un guide qui à un bon pressentiment sur une île foulée par Nicola Vitali, fondateur de Wild Sea Expedition, à qui il a donné le nom de l’île au serpent, en raison de nombreuses peaux de serpents qui parsèment cette île pour le moins très inhospitalière ? De grosses falaises la rendent très inaccessible, et une bonne condition physique est requise pour pouvoir en faire le tour.
Nous voilà donc partis en Panga sur cette île mystérieuse, nous accostons une belle plagette et montons les cannes. Un petit flexo crabe est monté sur la soie de 8, un bonbon pour les triggerfish qui en raffolent à condition de bien les animer. Quant à la soie de 12 nous y mettrons un gros streamer noir et violet et enfin un leurre souple en 5 pouces ira sur la 30 lbs.
Après une dizaine de mètres James aperçoit de son perchoir un joli Titan Triggerfish la caudale hors de l’eau qui fouille le sable, il me dit de descendre sans faire de bruit pour le tenter. Premier cast, pas de réaction il a le nez planté dans le sable et ne regarde pas ce qu’il se passe autour de lui. Je m’apprête à lancer mon imitation plus en amont de sa position quand j’entends James crier : « Big Bluefin, Cast, cast cast !!! » Je crie à mon tour sur Lyly : « Lance ton leurre vite ! ». Ni une ni deux le lancer est parfait, le leurre touche l’eau et le poisson fonce en une fraction de seconde et engame le leurre sans sourciller, s’en suit un combat énorme ! Ces poissons ont une telle force, après quelques jolis rushs, le fish est à l’épuisette et c’est la folie, je n’en crois pas mes yeux, Lyly a fait sa Bluefin et quelle Bluefin !!! Elle grogne de colère, sa robe est ponctuée d’un bleu électrique nous faisons quelques photos dignes de ce nom et voilà qu’elle repart dans son élément.
La journée commence plutôt bien et la prémonition de James était bonne. Il est difficile de redescendre après un tel poisson. Nous continuons de faire le tour de l’île et tentons quelques Triggerfish sans succès. Ils boudent nos imitations, les suivent et les croquent du bout du bec sans se laisser prendre. Je leur donnerai donc le surnom de « little bastards » et je peux vous dire qu’ils le portent bien.
Nous arrivons sur la falaise et l’ascension commence. De gros blocs de roches se dérobent sous nos pieds, la chaleur est accablante mais en contre bas le flat est magnifique, et une ombre immense attire notre attention. C’est une GT elle fait plus de 50kg ! James me jette la soie de 12 et je lui lance le streamer qui se pose à un mètre d’elle. Elle se tourne et nous pouvons voir son œil analyser mon streamer. J’aurai dû stripper comme un bûcheron mais le spectacle est tel que je suis incapable de faire quoique ce soit… Subjugué par ce poisson majestueux !
Il est temps de rejoindre les copains sur la plagette pour se restaurer et boire un bon jus de fruits bien frais et leur raconter notre matinée complètement folle. L’après-midi fût aussi haut en couleurs. Lyly se fit avoir par deux belles GT inarrêtables du bord au vue de leurs tailles, quant à moi les triggerfish furent fidèles à leur réputation du jour : imprenables…
Pêche sur les reefs
Comme le séjour ne sera pas consacré qu’à la pêche à la mouche sur les flats, nous irons pêcher les récifs. Ces gros tombants le longs des innombrables îles, où nagent les plus beaux prédateurs de la mer rouge. Gt, bluefin, trevally, snapper et merou en tous genres seront nos cibles.
Ici on pêche lourd pour pouvoir contrer les rush puissants des poissons, qui une fois piqués n’ont qu’une idée en tête, aller éclater le bas de ligne contre le récif, et je peux vous assurer qu’ils savent très bien comment s’y prendre. Il y aura donc pléthore de cannes sur les pangas.
Trois cannes à lancer de 30, 50 et 80 lbs chacune équipée respectivement de moulinets haut de gammes car ici nul droit à l’erreur.
Deux cannes à jigs aussi seront de la partie : la première pour des jigs légers en quête de tout venant et la seconde pour les plus grosses Gt et Doggy des tombants pouvant secouer des jigs de plus de 300gr.
Vous l’aurez compris nous ne sommes pas là pour enfiler des perles. Nos journées en pangas le long du reef nous réserveront de folles aventures mais nous sommes prêts à en découdre avec ces puissants combattants… C’est avec Dylan et James que nous irons donc dompter les profondeurs de la mer rouge.
La première journée fut rythmée par la prise de barracudas tout droit sortis de Jurassic parc, de thons jaunes sous stéroïdes ainsi que la capture d’une corale trout de l’enfer frôlant la barre des 15kg pour Lyly qui, sans aucun, doute éclate le record féminin de cette espèce.
La seconde fût hallucinante ! Des requins baleine vinrent nager sous nos bateaux, une chasse d’espadons voiliers éclata sous nos yeux, et ils suivirent nos leurres jusqu’au bateau sans vouloir se laisser prendre. Et enfin nous tombons sur une concentration de Gt, qui ramassaient nos jigs vivement animés dans 80m de fond pour notre plus grande joie. Les journées à pêcher les reefs sont fatigantes pour le corps et l’esprit, animer des poppers de plus de 200gr ou secouer des jigs lourds comme le chien de sa grand-mère fait mal au bras et donne tout son sens à la pêche dite sportive.
Bref ce jour là nous étions Alberto, Lyly et moi-même sur le bateau, et nous avons chacun eu en cadeau de très belles Gt de la mer rouge. Une journée inoubliable que nous nous racontions le soir sur le Felicidad. Voilà donc ce que je peux vous rapporter de ce séjour complètement dingue au fin fond de la mer rouge, nous sommes partis en quête de la Gt, ce poisson qui fait rêver tout bon pêcheur qui se respecte et nous rentrons avec des amis à chaque coin de la planète.
Choukran Soudan !