Pêche du sabre en mer : les dents de la mer

S’il y a un prédateur emblématique de la pêche en grand fond, c’est bien le sabre ! Des yeux globuleux, un sourire digne d’un chien enragé, un corps allongé et aplati, ainsi qu’un appétit d’ogre font de ce carnassier hors pair une cible parfaite pour les pêcheurs adeptes d’émotions fortes et à la recherche de poissons peu communs sur nos côtes.

Le sabre, poisson de mer atypique

Le sabre est un poisson de la famille des Trichiuridae. Elle représente un bon nombre d’espèces réparties dans la plupart des mers et océans du monde. Elles ont toutes pour caractéristiques communes un corps serpentiforme et aplati, et équipé de nageoires rayonnées lui permettant de se mouvoir par ondulation de celles-ci, une bouche protractile équipée de dents acérées dont certaines peuvent dépasser 2 cm de longueur et des yeux larges et adaptés à la vision nocturne. En bref, il s’agit d’un prédateur tout aussi redoutable que discret qui s’alimente de poissons et de calamars. Il se rencontre dans des profondeurs pouvant aller de 50 à 1200m et certaines espèces peuvent même se rencontrer à l’embouchure des estuaires. Sa taille peut dépasser les 2 m (5kg) et on parle même de spécimens de plus de 2,5m pour un poids avoisinant les 10kg. A savoir que comme beaucoup des poissons vivants en grande profondeur, il est menacé par la pêche profonde. En effet, les chaluts ne laissent que peu de chance à ces poissons et à noter que son exploitation commerciale est très faible de par le fait de son aspect peu engageant. Pourtant sa chair est savoureuse. www.wikipedia.org/wiki/Trichiurus

Nous allons nous intéresser à l’espèce la plus représentée sur les côtes française et notamment méditerranée : Lepidopus caudatus ou sabre argenté. Il vit à des profondeurs comprise entre 100 et 600m à la limite du plateau continental et bien souvent sur les parties hautes des tombants. Il chasse en bancs de quelques dizaines d’individus enserrant les regroupements de fourrage avant de fondre dessus. Contrairement aux idées reçues ce poissons ne vit pas sur le fond mais plutôt entre deux eaux et remonte parfois près de la surface la nuit pour s’alimenter. En revanche, il peut se rapprocher du fond afin de s’abriter des courants pour se reposer.

Notre sabre est plutôt de grande taille et il n’est pas rare de capturer des individus de plus de 2m. Certains pêcheurs affirment que ce poisson pourrait dépasser 2,4m. Pour l’instant, le plus gros individu que notre rédaction a pu observer est un poisson se rapprochant des 2,2m pour un poids estimé à 7kg.

Une dentition peu engageante

La pêche du sabre en mer

Les premiers pêcheurs à avoir croisé ce poisson sont les pêcheurs dits de grands fonds. Ils utilisent une technique qui se pratique sur nos côtes méditerranéennes dans des profondeurs comprises entre 100 et 400m. Elle consiste à descendre des lignes équipées de plusieurs hameçons eschés de morceaux de crevettes, de céphalopodes mais aussi de poissons tels que sardines et maquereaux. C’est sur ces derniers appâts que le sabre se laisse tenter. Cela dit, sa dentition intimidante vient facilement à bout des nylons, même de fort diamètre. L’usage de bas de ligne en acier peut être une solution mais il est à noter une baisse significative du nombre de touches. Leur capture n’est donc pas très commune lorsque l’on pêche ainsi.

Comme nous l’avons évoqué plus haut, le sabre étant présent dans presque toutes les mers du globe, ce sont nos amis Japonais qui ont commencé à pêcher spécifiquement ce poisson. Leur technique favorite est le jigging. Cette technique fut introduite dans notre hexagone il y a quelques années et reste aujourd’hui la plus adaptée à la capture de ce poisson fabuleux. C’est ce que nous allons étudier dans ce dossier.

Voici un joli sabre méditerranéen

 

Qu’est ce que le jigging ?

Cette animation consiste à animer plus ou moins rapidement et par jerks alternés de récupération un leurre plombé de type cuillère lourde appelée jig. Il s’agit d’une pêche assez physique car il est nécessaire que votre leurre soit constamment en mouvement pour que celui-ci soit prenant. Et qui dit pêche en grand fond dit usage de jigs lourds. En effet, afin de pouvoir espérer croiser notre poisson à sourire denté, il nous faut impérativement pratiquer à des profondeurs comprises entre 120 et 250m. Des leurres de 100 à 300gr sont donc requis ainsi qu’un matériel adéquat.

Pêcher le sabre au jigging

Les jigs qu’affectionne le sabre sont plutôt de forme allongée et effilée. La coloration a elle aussi son importance. Les couleurs phosphorescentes sont à privilégier car elles sont très facilement repérables dans les grand fonds du fait qu’elles émettent une lumière. Cela dit, vous pourrez constater qu’à certaines périodes les poissons n’y sont pas réceptifs et il faudra alors s’orienter vers des couleurs dites naturelles que sont le bleu et le vert. A noter que des teintes plus « exotiques » telles que le rose sont très efficaces également. L’armement doit se faire à l’aide d’un ou deux « assist hook » : il s’agit d’un hameçon simple de bonne taille (entre 5/0 et 7/0) qui est reliée à un morceau de tresse de très grosse section, donc très résistante à l’abrasion. Cet assist est relié en tête du jig et l’hameçon doit arriver au 1er tiers du leurre. La plupart des carnassiers ont tendance à attaquer le leurre au niveau de la tête, il est donc impératif que l’armement y soit positionné. Au-dessus du leurre, on placera un avançon soit en fluoro de fort diamètre (100 à 140%) ou tout simplement un avançon en fil d’acier. Le but étant d’éviter de se faire découper la ligne par les dents très tranchantes du sabre. A noter qu’il est également possible de capturer des sabres sur certains types de madaï-jigs.

Concernant les cannes, des versions jigging dont la puissance est comprise entre 50lbs pour les débutants, 20-30lbs pour les pêcheurs réguliers et 10-15lbs pour les plus aguerris. Les moulinets adaptés à la puissance de la canne seront garnis d’au minimum de 300m de tresse multicolore de préférence ; nous verrons plus loin l’intérêt. Pour la liaison entre cette dernière et le leurre, un fluorocarbone de 5 à 8m dont la résistance est adaptée à la puissance du matériel. Attention toutefois à ne pas descendre en dessous de 35% sous peine de rupture sur un poisson énergique.

Voici quelques jigs à sabre
A gauche un ensemble en 16lbs, à droite un ensemble en 20-30lbs

Où tremper ses leurres pour prendre des sabres en mer?

Vous l’aurez compris, ce poisson ne se trouve que sur des zones spécifiques qui ne sont pas toujours évidentes à localiser. Pour cela le GPS/traceur et le sondeur sont impératifs. Comme nous l’avons vu plus haut, il faut prospecter les débuts de tombants qui passent de la fin du plateau continental (120-170m) vers les abysses. Certains spots sont balayés par les courants apportant une source de nourriture abondante pour le fourrage présent dans ces fonds : en méditerranée ce sont les sévereaux, sébastes, maquereaux et calmars qui prédominent. Le GPS vous permet de vous orienter vers ses zones grâce à sa cartographie, le sondeur vous permet de trouver « la mange » qui peut se retrouver en banc impressionnant et qui demeure facilement repérable. Il ne reste plus qu’à localiser la profondeur exacte où se trouvent les sabres en chasse, et qui, par contre, ne sont pas toujours visibles au sondeur. Les touches peuvent se faire aussi bien à quelques mètres du fond qu’à mi-profondeur. A noter que beaucoup de touches se font à la descente du leurre et qu’il convient de bien surveiller la vitesse de défilement du leurre : à la moindre accélération ou arrêt, un ferrage énergique s’impose. Dans tous les cas, il convient de repérer la couleur de tresse au moment du « strike » qui vous indiquera la zone productive. Vous pourrez ainsi davantage insister sur la bonne couche d’eau, d’où l’intérêt d’utiliser une tresse multicolore.

 

Et…. Action ! Les sabres ne sont plus très loin!

La plupart des animations sont productives, mais celle qui prédomine toutes les autres est une action rapide combinant du short jerk (un jerk pour un tour de manivelle) sur 10 à 20m puis un court arrêt de quelques secondes et reprise de l’animation. Les touches interviennent bien souvent à la reprise. Le slow jigging apporte aussi quelques poissons : il s’agit de la même animation que la précédente mais sur un tempo nettement plus lent. Enfin, les animations plus classiques telles que un long jerk pour 2 à 3 tours de manivelle permettent de prospecter des couches d’eau plus importantes si vous n’avez pas encore repéré de poissons en activité.

Etant donné qu’il s’agit d’une pêche à la dérive il est important de repérer les courants de surface afin d’anticiper votre déplacement. Il faut placer votre bateau en amont des spots afin de pouvoir précisément pêcher sur le poisson, ceci est très important si vous voulez réussir votre sortie.

Le combat peut être plus ou moins énergique selon la taille et l’humeur des poissons piqués. En règle générale, la ligne se trouve bloquée voire vous subissez un rush plus ou moins rapide dans les premières secondes qui suivent la touche, puis le poisson se laissera remonter progressivement en opposant une résistance de temps en temps. Cela parait facile mais lorsqu’il s’agit de remonter un sabre de 2m piqué par 180m de fond, nous vous garantissons que cela peut devenir assez physique !

La chaine alimentaire, un atout pour pêcher le sabre

Avec ce genre de pratique, il n’est pas rare de capturer des poissons qui constituent la mange du sabre, notamment des sévereaux de bonne taille pouvant peser parfois le kilo. Avec l’habitude, vous pourrez facilement savoir dans les premières secondes du combat, estimer la taille de vos captures. Si vous estimez qu’il s’agit d’un sévereau de taille petite à moyenne, ne le remontez pas immédiatement, mais laissez votre « vif » un instant sur zone. Le sabre étant un prédateur agressif, il se pourrait bien qu’il vienne rendre visite à votre poissonnet captif : quelques tressautements de votre scion suivis d’une traction plus ou moins importante vous indiqueront qu’il est temps de ferrer. Cette technique permet parfois de faire quelques captures bonus.

No Kill de vigueur quand on pêche le sabre

Il n’est pas rare lorsque l’on tombe sur un banc de sabre bien actif d’enchainer les captures. Il faut alors se raisonner sur les prélèvements et ne conserver que les poissons que vous allez consommer. N’oubliez pas qu’il s’agit d’une espèce qui est fragilisée par la pêche commerciale. Pour faciliter leur remise à l’eau, il convient de les remonter lentement afin de leur permettre de vider progressivement leur vessie natatoire. Enfin, décrochez-les dans l’eau sans les remonter à bord. Cela permettra de limiter les traumatismes.

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