Les pêcheurs pros veulent exterminer le silure de nos eaux

Dans la journée de vendredi, le même document PDF m’est arrivé plusieurs fois par mail en annonçant une grande menace sur la pêche de loisir en France et ses 39 pages sont accablantes à leur lecture. Alors que les tenants et aboutissants exacts sont en train d’être recherchés, nous avons tenu à faire un premier point sur ce document qui va raviver les colères envers les pêcheurs professionnels.

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Annexe-2_Point-2.1_Bureau_FNPF_01_mars_2016_rapport_CGEDD_p

Le document en lui-même

Nous avons volontairement laissé le même nom comme nous l’avons reçu, visiblement celui-ci provient d’un bureau de la FNPF du 1er mars 2016 et ce document serait même un annexe d’un autre document (la réponse de la FNPF?). Nous sommes en train de nous renseigner auprès de la FNPF pour savoir qui est l’expéditeur, qui en est le destinataire et quel est le rôle et la position de la FNPF dans ce document. A première vue, 5 personnes de la FNPF ont été interrogées pour l’élaboration de ce rapport mais cela ne veut pas dire qu’ils cautionnent ce qui y est écrit. (Nadège Colombet, responsable juridique; François Le Sager : trésorier; Oumoussa David : Directeur; Claude Roustan : Président et Savineaux Serge : Administrateur).

La chronologie des faits

Le 22 octobre 2014, le Conseil Général de l’Ecologie et du Développement Durable (CGEDD) fait parvenir à la ministre un rapport de Pascale Humbert en tant que référente nationale « Pêcheurs professionnels en eau douce » dans le cadre du plan de lutte contre les PCB.

Le 12 juin 2015, Ségolène Royale, ministre de l’Ecologie, demande une mission au CGEDD (comme proposée dans le rapport de Pascale Humbert) qui vise à mettre en avant les points suivants : Apports de la pêche professionnelle, financements publiques des associations de pêcheurs professionnels, mesures de diversification des filières. Le CONAPPED (Conseil National de la Pêche Professionnelle en Eau Douce) a élaboré un projet de convention qui énumère des pistes de développement pour pratiquement tripler ses effectifs d’ici 2020, ce projet étant joint à la lettre de mission de la ministre.

Décembre 2015, Thierry Boisseaux, Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts remet son rapport à la CGEDD à destination de la Ministre.

Le 1er mars 2016, ce rapport arrive au bureau de la FNPF

Le 4 mars 2016, le rapport fuite un peu partout sur le net et commence à soulever les pêcheurs de loisir.

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Ce n’est pas la première fois que le silure se retrouve dans le viseur des pêcheurs professionnels

Ce que l’on peut y lire (et qui fait sourire, voir bondir!)

Ce rapport a été donc fait sur « demande insistante du principal représentant des PPED et président du Comité National de la Pêche Professionnelle en Eau Douce (CONAPPED), M.Philippe Boisneau, qui réclame une reconnaissance à part entière de cette « filière » et un appui par l’État, à ses acteurs, sous des formes à définir« . Il faut donc replacer les choses dans leur contexte et c’est clairement un rapport en faveur des pêcheurs professionnels, jusqu’à son origine basée sur celui de Pascale Humbert fin 2014.

« Les pêcheurs professionnels ont la conviction que les pouvoirs publics et les élus ont de plus en plus tendance à donner raison aux pêcheurs amateurs dans les conflits qui les opposent pour des
raisons de poids électoral très déséquilibré« . Effet Caliméro, si les pouvoirs publics donnent raisons aux pêcheurs amateurs, c’est peut-être aussi parcequ’ils offrent une vie locale à travers le tissu associatif et que la majorité d’entre eux prélèvent de moins en moins de poissons pour préserver la ressource au contraire de certains pro « itinérants » qui changent de lots une fois la ressource s’amenuisante.

«  Les professionnels souhaitent qu’une régulation de cette espèce (SILURE) pas ou peu valorisée en France, très encombrante (les plus gros individus dépassent désormais les 2,5 mètres) et grande prédatrice des autres espèces intéressantes, soit mise en place et permette d’éliminer les individus les plus volumineux tandis qu’un nombre croissant de pêcheurs de loisir souhaitent au contraire que se développe une pêche au trophée avec remise à l’eau, vivants, des silures pêchés en espérant les pêcher à nouveau plus tard et plus gros » Ils sont 400 pêcheurs professionnels et ils vont décider à eux-seuls si le silure à sa place ou non dans nos rivières? Il y a des exemples en France où le silure a trouvé sa place et un parfait équilibre dans son biotope, la Seille et la Saône en sont un parfait exemple historique. La seule espèce que j’ai vu disparaître en Saône, ce sont les poissons-chats, le reste des population ne s’est jamais aussi bien portée et ce sans aucune régulation de l’homme!

« Au-delà de ces difficultés de cohabitations compréhensibles lorsqu’il s’agit de l’usage concomitant d’un même milieu, des agissements d’une toute autre nature sont perpétrés contre certains pêcheurs professionnels afin de les gêner dans leur travail : dégradation ou destruction de matériel (bateau coulé, filets coupés…), intimidations sur des marchés, appel à nuire et diffamation sur les réseaux sociaux…. » Attention, les pêcheurs de loisirs que nous sommes sont dangereux pour le pêcheur professionnel. Plutôt que de pointer du doigts les conséquences, expliquer les causes des mécontentements auraient été une bonne chose également avec la présentation des filets tendus sur les zones de frai, des filets tendus sur les bras d’accès menant aux darses, etc. Sans compter les différences sur le point de vue législatif de la pêche avec des règles différentes des pêcheurs en eau douce.

Le cas du silure

C’est à la page 28 que le silure y est clairement abordé et on peut y faire des bons. L’auteur cite plusieurs rapports qui ne prouvent rien et cite un autre rapport au conditionnel, ce qui montre clairement le manque de sérieux sur ce point (soit on émet un avis, soit on ne dit rien, mais on ne parle pas au conditionnel)

l’Université de Tours sur la Loire mettraient en évidence un effet plus dévastateur

La cerise sur le gateau arrive au paragraphe suivant où l’auteur nous donne quelques conseils sur la pratique du catch&release qui est selon lui, contraire au respect du bien être de l’animal, sans sourciller il propose qu’il finisse en terrine 3 lignes plus loin, c’est effectivement mieux pour son bien-être…

« la mission s’interroge en revanche sur la pratique de la remise à l’eau des silures pêchés par la pêche de loisir, pratique qui lui paraît contraire à une bonne gestion des milieux et contraire au  respect du bien-être animal »

Un peu plus loin, c’est au tour de l’écrevisse de Louisianne d’être pointée du doigts, visiblement le régime alimentaire du silure ne semble pas être une solution à ce problème de crustacés d’eau douce, on peut imaginer que les études citées en exemple concernant le silure ne parle absolument pas du régime alimentaire du silure et de sa forte proportion à manger les écrevisses.

Alors que faut-il penser de cette étude?

Cette étude est clairement biaisée, mais c’est ce qui est demandé à la base par la Ministre qui donne les axes à étudier, en s’appuyant sur le fameux rapport de 2014 de Pascale Humbert qui représente les pêcheurs professionnels. Il suffit de regarder qui a été interrogé pour mener à bien cette étude pour se rendre compte qu’à part 5 personnes de la FNPF pour représenter l’avis de 1,5 millions de pratiquants et quelques centaines de guides de pêche, l’auteur a choisi d’interroger 40 autres personnes pour se faire une idée sur les pêcheurs professionnels, dont 15 sont classés comme pêcheurs professionnels ou représentants. Le parti pris est évident, il saute aux yeux et il ne faut donc pas s’étonner du contenu de cette étude.

Ce qui est inquiétant dans ce document

A titre personnel, je suis persuadé que la FNPF travaille sur le sujet pour faire valoir la place des pêcheurs de loisirs. Ce qui est impressionnant, c’est de voir à quel point une organisation si peu représentée comme les pêcheurs professionnels est capable de faire produire des études en leur faveur qui finissent sur le bureau de la Ministre de l’Ecologie. Le lobbying est devenu très important et sans cela, la pêche de loisir pourrait en pâtir.

A l’heure où le monde de la pêche se divise sur la présence utile et rentable sur le Tour de France, nous nous rendons compte que si nous ne savons pas rester unis dans certaines circonstances, d’autres n’attendent que cela pour tirer la couverture à eux…

Partagez cette information car il est important que nous soyons prêts à nous mobiliser le moment-venu si cela devenait nécessaire. En revanche, il parait dangereux de prendre ce document pour ce qu’il n’est pas (une proposition de loi) et nous devons d’abord comprendre l’intégralité des échanges qui en sera faite avec la FNPF pour nous représenter. Nous devons nous tenir vigilants et prêts à riposter mais pas alarmiste en l’état actuel des choses.

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