La pêche du brochet se termine le dernier week-end de janvier dans la plupart des eaux françaises mais malheureusement vous ne pouvez plus pratiquer la pêche du sandre, de la perche, du black-bass et du silure aux leurres alors que eux ne sont pas en pleine reproduction. Difficile et amer constat pour les pêcheurs passionnés qui se retrouvent bien malgré eux avec une trêve hivernale de 45 jours avant d’aller taquiner la truite et 45 jours de plus pour retrouver les carnassiers.
C’est en me remémorant une des premières vidéos de Culture Fish que je me souviens d’une séquence où Stéphane demandait si la pêche au ver manié était possible, et les avis étaient bien tranchés. Fred Brilloux annonçait quant à lui que c’était interdit, j’avais pris acte personnellement. Dernièrement, Sylvain (Esoxiste) annonçait que la pêche du carnassier était belle et bien possible et je me suis mis à me demander pourquoi on en arrivait à une situation si compliquée. La fédération de Saône et Loire a pourtant communiqué un document équivoque pour cela, mais j’ai eu envie de creuser encore plus loin. J’ai donc contacté toutes les fédérations départementales pour avoir leur avis sur le sujet, et surtout leur interprétation de la loi.
Ce que dit la loi
L’article R 436-33 du Code de l’Environnement stipule que pendant la période d’interdiction spécifique de la pêche du brochet, la pêche au vif, au poisson mort ou artificiel et aux leurres susceptibles de capturer ce poisson de manière non accidentelle est interdite dans les eaux classées en 2ème catégorie (Art R 436-33 du Code de l’Environnement). Par leurres, on entend les accessoires artificiels ou naturels qui de par leur forme sont susceptibles de capturer un brochet de manière non accidentelle et sont comparables au vif, au poisson mort et au poisson artificiel (sont interdits par exemples: le streamer, la cuillère, le poisson nageur, la couenne de lard maniée, leurres souples imitant poissons, écrevisses, batraciens …).
En revanche, on peut également ajouter des informations supplémentaires en prenant en compte la circulaire du Conseil Supérieur de la Pêche en date du 19 mars 1996 qui précise que la pêche au toc, à la dandinette, même avec une balle brillante, à la crevette, au ver manié, avec un morceau de lard, du maïs ou du chènevis est autorisée.
Tout est donc question d’interprétation de la loi sur l’argument « De manière non accidentelle » qui reste à définir. Il n’y a d’ailleurs pas de jurisprudence en France qui permette de savoir où se situe la limite. La fédération de pêche n’a d’ailleurs pas à se prononcer, un garde un peu zélé ou un juge qui l’est tout autant sont les seuls à pouvoir juger, la fédération n’émet que des recommandations et certaines ne se mouillent pas du tout! Dans la réalité, les services de garderie, les agents de l’état et toutes personnes susceptibles de vous contrôler sont des interlocuteurs de la fédération départementale de pêche et ils devraient suivre le sens indiqué par la fédération, mais ce n’est pas obligé…
Des positions différentes d’un département à l’autre
C’est un grand bazar! La fédération de Saône et Loire va de l’avant, comme d’autres d’ailleurs en autorisant la pêche au ver manié et même avec des leurres de types Worm. Dans d’autres fédérations, c’est niet! Impossible de manier un ver naturel! Alors que dans d’autres fédérations comme la Haut Vienne, la pêche du sandre, de la perche et du black-bass est autorisée jusqu’au 13 mars avec toutes les techniques possibles. D’autres fédérations dans le centre de la France propose aussi certains grands barrages à une pêche des carnassiers prolongée, mais pas sur toutes leurs eaux. Bref, il faut se renseigner d’une fédération à l’autre et comme nous souhaitons bien faire les choses, nous publieront d’ici quelques jours un grand tableau récapitulatif, département par département quand toutes les fédérations auront joué le jeu car il reste encore quelques retardataires… mais vous allez être étonné de voir les grands écarts entre les fédérations, c’est d’ailleurs inquiétant pour un sujet si sensible. Certains semblent aller de l’avant, d’autres semblent totalement rétrogrades sans avoir d’autres éléments que l’interprétation de cette loi…
Le mot du président de la fédération de Dordogne, Jean-Marie Rampnoux
Je me permets de vous apporter quelques précisions concernant le sujet que vous souhaitez traiter dans votre revue. Comme vous le savez sans doute, il n’est pas dans les attributions d’une fédération de pêche de décider de la réglementation. C’est le rôle de l’État, représenté dans chaque département par le Préfet. Lui seul peut, par arrêté, définir ou préciser les règles de la pratique de la pêche dans chaque département. À la demande de la fédération, il peut édicter des règles plus restrictives que la loi, tout en restant dans le cadre des textes en vigueur. À l’inverse, il n’existe pas de possibilité de réduire leur portée. Des accords de principe locaux entre les services de l’État, de la police, de la justice et la fédération de pêche peuvent néanmoins être pris quant à l’interprétation qui peut-être faite de l’article R 436-33 du code de l’environnement. Ils n’auront cependant pas force de loi et seul l’agent verbalisateur puis le juge seront en mesure d’apprécier s’il y a ou pas infraction relative à cet article.
Un seul exemple pour illustrer ce propos: Quelle devra être l’attitude d’un garde en Saône et Loire devant un pêcheur pratiquant le 30 Avril, en surface, au milieu des herbiers avec un « worm » de 20 cm en montage texan? C’est là bien sûr une situation extrême où l’infraction sera facilement caractérisée, surtout s’il y a capture d’un brochet qui n’aurait ici rien d’accidentelle. Pour autant, les cas de figures, plus ou moins évidents, sont aussi divers et variés que les parcours de pêche ou les leurres, dont il s’invente de nouveaux modèles chaque jour. Bref, l’application de cet article est depuis qu’il est promulgué inextricable, sauf à considérer, comme dans de nombreux départements, que seule est autorisée la pêche à la mouche artificielle ou au ver de terre au bouchon sous la canne.
Un nouveau problème est venu compliquer un peu plus la situation. En effet, les pêcheurs professionnels aux engins et filets, à qui la loi n’impose aucune restriction de pratique particulière à cette période, ont obtenu dans de nombreux départements où ils exercent, de retarder la fermeture du sandre; arguant avec justesse, qu’il n’existe aucune justification biologique à une fermeture fin janvier. Cela induit chez les pêcheurs aux lignes un sentiment de frustration bien légitime. Une solution avait été envisagée, lors du projet de modernisation de la réglementation, qui prévoyait une fermeture par espèces pendant leur période de reproduction spécifique sans restriction des modes de pêche. Notre fédération était fortement partisane, sinon initiatrice de ce volet du projet. Il s’est heurté à un refus de la majorité des fédérations, y compris même pour ouvrir à certaines d’entre elles, la possibilité d’expérimenter cette mesure.
Reste la possibilité d’utiliser l’alinéa 2° du I de l’ Article R436-33 comme en Haute-Vienne, Corrèze, Creuse, Cantal, Puy-de-Dôme….. mais ce n’est certainement pas chose aisée, lorsqu’on a milité activement contre la partie du projet de réforme de la réglementation qui proposait exactement cela. Pour notre part, nous nous appliquons à méditer cette célèbre maxime: « C’est avoir tort que d’avoir raison trop tôt. »
Concrètement ce que vous avez le droit de faire et ce que vous risquez
Dans la majorité des départements de France, vous risquez de devoir vous retrouver face à un juge pour lui prouver que vous ne cherchez pas à pêcher le brochet et que si une capture était faite, elle serait accidentelle. Avoir des statistiques de captures peut-être un bon élément pour vous d’ailleurs, la pêche en verticale ne me semble pas très orientée sur la pêche des brochets, mais on ne sait pas ce qu’un juge décidera. Si vous pratiquez en no-kill, vous marquez là encore des points, montrant que vous souhaitez seulement pratiquer votre passion, pas remplir un congélateur de brochets pour manger des quenelles toute l’année. Mais là encore, cela dépendra du juge et de vos arguments. Rassurez-vous certains juges sont très compréhensible et Lionel Guirado est un exemple à garder en tête : 2 fois devant le juge pour s’expliquer de pêche du silure la nuit, et 2 fois aquitté. Quand on est de bonne foi, que l’on est passionné et que l’on ne fait pas de mal à la nature, les juges peuvent se montrer compréhensifs!
Avec le document officiel de la fédération de Saône et Loire, un pas a été franchi et peut aussi vous servir pour démontrer que certaines fédérations interprètent les articles de loi de manière à favoriser la pratique de la pêche. Peut-être que c’est la première marche vers une harmonisation de ces pratiques au niveau national, ou encore le début de la pêche toute l’année…
Sur un plan personnel, je reste sur ma vision de la pêche que j’avais diffusée dans un article il y a plusieurs mois, à savoir que la pêche des carnassiers devrait être autorisée toute l’année MAIS avec certaines restrictions sur les zones avec des réserves temporaires, et sur les techniques. On pourrait ainsi pêcher en verticale en février et mars, puis pratiquer seulement en topwater jusqu’à juin, et pêcher avec toutes les techniques jusqu’à la fin de l’année. L’objectif étant de continuer la pratique de la pêche pour les pêcheurs tout en préservant le cycle biologique des poissons en les protégeant pendant la période de fraie, avec bien entendu un no-kill obligatoire sur ces périodes.
Et vous alors, qu’en pensez-vous? Doit-on favoriser la pêche en essayant de protéger autant que faire ce peu les poissons où alors doit-on nous diriger vers une fermeture jusqu’à juin pour laisser tous les carnassiers frayer tranquillement et renouveler les populations?