Réussir la pêche à l’ouverture du carnassier : comment bien pêcher ?

S’il y a de fortes chances pour que l’on sache déjà où l’on fera l’ouverture du carnassier, bien qu’il faille composer avec la météorologie qui peut nous amener à revoir notre copie, la mise en place d’une stratégie n’est pas inutile.

Il y a des nécessités absolues pour ne pas galérer lors de ce moment d’exception qu’est l’ouverture. Je pense là, à un repérage méthodique des lieux où l’on souhaite évoluer. S’il s’agit d’une rivière, les crues de l’hiver n’ont-elles pas modifié profondément le linéaire où je suis habitué à prospecter ? La mise à l’eau sur le lac est-elle encore praticable ?

Pêche des carnassiers à l'ouverture
Une récompense d’une pêche précise et réfléchie.

Repérage des lieux de pêche

Anticiper la journée d’ouverture c’est la certitude de s’assurer de tous les atouts nécessaires pour une belle journée. Certes, rien ne prédit que cette ouverture sera riche en prises, mais éviter les désagréments est probablement une bonne initiative. Une question essentielle et incontournable : « Je pêche où ? » Nous sommes souvent enclins à reproduire les habitudes passées et donc à rejoindre les lieux que nous connaissons bien. C’est une approche tout à fait pertinente quand on connait le secteur. Peut-être il ne serait pas inutile de s’y déplacer quelques jours avant l’ouverture afin de s’assurer que la morphologie des lieux n’a pas changé en raison des crues automnales importantes. Le cours de la rivière est peut-être transformé et les secteurs propices inabordables. Ce poste qui donnait régulièrement de beaux carnassiers est entravé par un arbre couché, cette bordure creuse où venaient se réfugier les cyprinidés présente maintenant un courant important. Cette mise à l’eau n’est plus du tout exploitable où alors il va falloir immerger la voiture ! Il y a donc de bonnes raisons pour venir faire un tour sur nos secteurs privilégiés de l’ouverture du carnassier.

L’affluence de pêcheurs peut être une indication si on ne connait pas les lieux

Trouver les bons postes de pêche

La stratégie compte d’autant plus que le milieu pêché est vaste. Les populations piscicoles des grands lacs n’ont pas la même répartition que dans un étang. Ainsi, la probabilité de rencontrer un brochet actif peut devenir compliquée. Les conditions climatiques antérieures à la partie de pêche, la température de l’eau influent sur le comportement des cyprinidés qui peuvent rechercher des zones plus chaudes, stationner dans la thermocline (zone de transition thermique rapide entre les eaux superficielles généralement plus chaudes et oxygénées et les eaux profondes), ou migrer vers par exemple la tour de restitution d’un lac-réservoir qui apporte une eau chargée de nutriments. Les carnassiers n’hésitent pas à suivre leur garde-manger, à moins que les populations de poissons fourrages soient exponentielles. Dès lors, on a quelquefois l’impression de pêcher dans une baignoire et notre impressionnante collection de leurres n’y change rien ni le panel des techniques mises en œuvre. Frustrant non ? C’est pourquoi il faut attacher un peu d’importance aux conditions météorologiques récentes, à la température de l’eau (si elle a perdu quelques degrés depuis quelques jours, il est fort probable que les carnassiers aient descendu d’un étage), à la présence ou non lors de votre progression des boules de poissons si caractéristiques sur votre écho sondeur, ou tout simplement aux résultats des confrères selon leurs zones de prospection.

S’en remettre uniquement à nos habitudes des années précédentes n’est pas forcément une approche très raisonnée notamment si on prospecte un grand biotope. En effet, s’il reste possible sur un petit étang de croiser à un moment ou un autre un brochet car l’espace est confiné, il en est tout autre sur une grande rivière ou un lac de plusieurs centaines d’hectares. Le poisson sortant de frai en ce début de saison ne pourrait être localisé que sur certaines zones spécifiques. Peut-être qu’un hiver clément aura poussé les brochets à frayer de bonne heure et qu’ils auront déserté les lieux pour des secteurs plus profonds. Les bordures végétatives gardant une température plus chaude en début de saison elles sont des postes à privilégier en power fishing, car si le poisson fourrage n’a pas rejoint les couches plus profondes pour des raisons de confort thermique et souvent parce que le frai vient de se terminer en ce début de saison, il sera certainement fortement sollicité par les carnassiers aux alentours. Si tel est le cas, cela va conditionner aussi la technique employée car un carnassier sortant de frai est épuisé et peu réactif et n’est pas disposé à faire un cent mètres chrono pour attraper votre leurre ! A contrario, un brochet qui a fini de frayer depuis un peu plus d’une quinzaine de jours sera beaucoup plus réactif et agressif.

La concentration est un élément important

La couleur de l’eau a aussi son importance et une eau très claire a tendance à pousser les beaux spécimens vers des profondeurs plus importantes et plus sécurisantes sauf si le biotope de bordure présente des caches ou que le ciel est couvert et venteux, ce qui réduit sensiblement la lumière pénétrante. Inversement si l’eau est légèrement teintée. En début de printemps et qui plus est, à l’ouverture, il est difficile d’établir avec exactitude ce qui va nécessairement être efficient et c’est difficile de savoir si on est au bon endroit, au bon endroit mais pas au bon moment, ou encore si la technique utilisée n’est pas la bonne ! Oui, c’est compliqué d’avoir le pattern du premier coup car il y a de nombreux paramètres qui interviennent pour rendre la pêche propice.

On peut aussi prendre en considération la fréquentation, j’entends par là la certitude que le secteur va faire l’objet d’une concentration de pêcheurs ce qui peut être contre-productif et même quelquefois désagréable quand on court devant vous en rivière ou que systématiquement un bateau vient faire une dérive dans le même axe que vous. Je suis persuadé que vous l’avez vécu et cela rend cette journée d’exception, un vrai cauchemar.  Ce qui veut dire que l’on peut choisir des secteurs beaucoup moins fréquentés même s’ils ne sont pas d’excellence, ils seront de toute façon beaucoup mieux pêchés puisque vous allez vous concentrer sur ce que vous faites et pas sur l’hurluberlu qui vient courir devant vous et casse systématiquement les bons postes.

Et au milieu coule une rivière

En rivière, les zones propices pour la pêche de début de saison vont également changer en fonction de l’emplacement probable du poisson fourrage. Généralement la rive à l’intérieur d’un virage est peu profonde, elle favorise le développement des herbiers aquatiques en raison du dépôt d’alluvions, on y trouvera bon nombre de carnassiers à l’affût alors que la rive d’en face creusée par le courant sera plus profonde et peut-être plus prometteuse si se sont installées les perches. Les fosses profondes moins courantes sont des postes de qualité en période automnale pour peu qu’elles soient alimentées par une arrivée d’eau chargée de nutriments gardant sur place le poisson fourrage. Cassures, arbres immergés, pont et structures, c’est souvent en marge du courant principal que se situent les carnassiers, les cyprinidés s’étant rassemblés dans l’axe de la veine d’eau principale. En lac, on peut s’aider du sondeur pour trouver le poisson fourrage qui est souvent suivi par les carnassiers. Une information capitale permettant de ne pas louper la pêche du jour. En rivière et canal, cela est plus compliqué puisque cet outil génial ne peut être utilisé que dans le cadre d’une pratique en barque. Seule l’observation peut pallier à ce manque d’information : une chasse, la présence de cyprinidés en surface, un poste occupé régulièrement par un pêcheur au coup qui amorce.

Nous ne sommes pas encore dans la période d’été et même si la température de l’eau a gagné quelques degrés, le métabolisme des carnassiers n’est pas encore totalement dans sa période d’activité extrême en raison d’une part du frai qui affaiblit considérablement les carnassiers, et d’autre part, la température de l’eau peut-être encore fraîche pour la saison ce qui limite chez les poissons la rapidité de digestion. Le big bait a toute sa place dans vos boîtes à cette saison de l’année car s’ils ne rechignent pas à taper dans les boules de cyprinidés et perchettes de l’année, opportunité oblige, une proie assurant une bonne prise de protéines ne laissera pas les carnassiers indifférents. C’est pourquoi les leurres souples de 18 ou 22 cm auront leur utilité. Animation rapide ou lente ? Il faut manifestement varier celle-ci et couvrir toutes les couches d’eau même si a priori, la tendance sera à des animations moins soutenue que pendant la période estivale. Nous ne sommes pas encore face à des carnassiers atones, calés sur le fond et ne se déplaçant que pour capter une proie passant à proximité. Certes, ils ne couvrent pas des zones très importantes et suivent leur garde-manger afin d’éviter des déperditions caloriques, néanmoins leur agressivité est un atout qu’il faudra exploiter en « peignant » une zone où le poisson fourrage est présent. La présence de sangsues lors d’une prise sur le corps de notre ami Esox Lucius nous donnera une information : peu d’activité donc pêche lente à ras du fond.

De beaux poissons peuvent êtres réactifs en début de saison

Prospections rapides mais précises

Les techniques modernes de pêche aux leurres souples pourront s’exprimer pleinement en ce début de saison. Je ne vais pas lister tous les shads existants du marché mais les classiques sont toujours opérationnels comme le Ripple shad de Berkley, le shad Teez de Westin, l’incontournable One up shad, un peu trop tendre à mon goût pour les dents des brochets, le Replicant de Fox Rage que l’on ne présente plus et le Divinator de Biwaa qui tient toujours la route. J’ai un faible à cette saison pour le Swimpike de Biwaa que je ramène en linéaire à ras du fond et me vaut quelques belles prises puisque le cannibalisme reste une caractéristique alimentaire des carnassiers car leur métabolisme engrange plus rapidement une chair de même espèce en raison de la structure moléculaire qui est nécessairement proche, et plus rapidement assimilable. Non, les carnassiers ne sont pas des poissons sanguinaires, ils sont opportunistes et sensibles à ce qui va leur procurer rapidement de l’énergie. Il faudra de toute façon adapter la pêche et l’animation pour les rendre le plus opérationnel possible en jouant sur plusieurs techniques : linéaire, avec de sèches tractions, en « stop and go », animation planante ou plus rapide, leurres souples ou leurres durs et même poisson mort pour ceux qui utilisent encore cette technique toujours payante. Quoi qu’il en soit, avant de changer votre leurre parce qu’il n’a pas été opérant, tentez de modifier sa nage et l’animation car trop souvent on change de leurre sans avoir pleinement exploité tout son potentiel. La recherche de la technique du jour se fera par élimination.

S’il y a une saison du carnassier à ne pas louper, c’est bien celle de l’ouverture car elle peut être très productive et riche en émotions. Cela étant, il restera quand même la difficulté de trouver le poisson comme toujours, de réfléchir sur les postes potentiels : une arrivée d’eau bien oxygénée pouvant maintenir dans son sillage du poisson fourrage, cette berge creusée par la crue en limite des potamots, ce haut fond où les mouchages trahissent la présence des gardons, cette cassure profonde où les échos du sondeur matérialisent une boule de cyprinidés ou de perchettes. Et puis si le broc se fait attendre, profitez pleinement des premiers rayons du soleil et de la naissance des premières feuilles dans l’attente de LA touche, celle d’une poutre bien sûr pour cette ouverture !

 

 

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