Swimbaits : objet de collection à un leurre efficace mais très cher ?

D’abord jugés comme étant des œuvres d’art, conçus des mains des crafteurs les plus doués dans leur garage, il n’était simplement pas question de pêcher avec des swimbaits “hand-made”. Puis vers la fin des années 2000, on a commencé à voir fleurir dans la presse halieutique et sur certains blogs, des photos de black bass gigantesques pris au japon et aux USA sur des leurres garage craft à la taille démesurée pour l’époque et à la confection exceptionnelle. Ces gars avaient osé pêcher avec des leurres uniques et inestimables, qu’ils avaient mis des jours à sculpter et affirmaient que ça fonctionnait sur les poissons trophées. Pris à l’époque pour des fous, on peut affirmer aujourd’hui qu’ils étaient en fait des précurseurs.

Historiquement, c’est dans les années 1980 aux Etats-Unis que les premiers swimbaits ont été craftés. Le but premier était à l’époque de créer un leurre démesuré imitant une truite afin de leurrer de gros stripped bass. On trouve d’ailleurs quelques traces des créations d’Allan Cole sur internet avec son fameux “AC Plug”. Mais c’est bien du monde de la pêche au black bass, notamment du japon, que sont arrivés les big baits aussi techniques que beaux à voir nager : single jointed, multi jointed ou encore soft, le swimbait haut de gamme était né. Il est impossible de ne pas citer quelques “marques” références de créateurs qui ont lancé le mouvement dont la plupart sont de consonance japonaise ou américaine : 3:16, ABT lure, Castaic, Matt lures, Huddleston, Optimum bait et bien sûr peut être la plus célèbre d’entre elles concernant les swimbaits haut de gamme : Roman made, mise sur le devant la scène internationale par Manabu Kurita en 2009 après la prise de son record du monde de l’époque et toujours aussi populaire de nos jours.

En France les premiers swimbaits que nous avons pu découvrir dans le rayon de nos détaillants sont apparus vers la fin des années 2000. À l’époque le BBZ-1 de chez Spro (et ces énormes 20cm de long pour 71gr) faisait office de licorne et les cannes disponibles à la vente pour le lancer n’étaient pas légion, on trouvait tout juste quelques imports made in Usa et du monde du musky avec des blanks aussi raides que la perche de Sergueï Bubka*.

Leurre ou objet de collection ?

La pêche aux leurres a énormément changé et plus d’une décennie plus tard, beaucoup de pêcheurs ont toujours beaucoup de difficultés à admettre que l’on puisse acheter un leurre plus d’une centaine d’euros. Bien qu’aujourd’hui industrialisée, la confection de ces leurres a copié les codes du garage craft : boîte premium, leurre exposé comme dans un écrin, numéro de série limité… Ce n’est plus un leurre qu’on veut donner l’impression d’acheter mais bien plus que ça.

Pour preuve, on peut trouver assez facilement aujourd’hui sur les réseaux sociaux des profils dédiés exclusivement à la pêche au swimbait, où tout simplement des pêcheurs où les poissons sont mis autant voire moins en avant que les photos de leurres eux-mêmes, exposés façon « montre de luxe » ou tout simplement encore non sortis de leur boîte. On ne juge plus le talent halieutique, on juge et like une “collectionnite” d’un pêcheur exposant un autre genre de trophée. Car c’est bien de trophée dont on parle oui, surtout lorsque l’on arrive à mettre la main sur un coloris rarissime qui “soi-disant” ne serait apparemment plus jamais produit dans le futur… Un véritable crime de tenter de pêcher avec !

Bien utilisés les swimbaits premium peuvent être redoutables, il faudra toutefois accepter de faire dégringoler sa valeur marchande.

Un prix d’achat vraiment justifié ?

Si à l’époque il était acceptable de payer cher un leurre qui avait pris des heures à être conçu par un crafteur, aujourd’hui on paie parfois plus de 150 euros pour acquérir un leurre de confection industrielle dont la fabrication automatisée n’a duré que quelques minutes.

Quand on connait le prix que valait le légendaire Bbz-1 de chez Spro en 2010 (moins de 40€), cela pose des questions.

S’il ne faut pas comparer l’incomparable entre le craft et l’industriel, on doit tout de même admettre que la confection de ces leurres nécessite bien souvent une certaine ingénierie. Constitués régulièrement de segments, ils sont beaucoup plus coûteux à produire que des leurres monobloc conventionnels. Cet argument n’est toutefois pas crédible d’une marque à une autre. Quand on compare ne serait-ce que les étapes du processus de fabrication, il apparaît évident qu’il est plus coûteux de produire un Slide Swimmer 250 qu’un Jointed Claw de la même taille pourtant vendus à des tarifs similaires.

Comme tout objet de valeur, les marques ont compris qu’il ne fallait non pas vendre des leurres haut de gamme mais il fallait aussi conférer une certaine rareté à l’objet. On se retrouve ainsi avec des séries limitées de coloris sur certains bestsellers ou encore un approvisionnement planifié au compte-goutte de la part des fournisseurs. Ce type d’opportunité d’achat plus ou moins factices, crée des panic buy de la part d’acheteurs compulsifs, collectionneurs ou simplement scalpers*.

“On ne cherche plus vraiment LE leurre redoutable sur les poissons trophées, on cherche LE leurre convoité par les autres pêcheurs.”

On falsifie des stocks, on crée de la rareté pour créer de la valeur, des tendances… ce n’est ni plus ni moins que de la spéculation. Il y a donc des leurres pour lesquels vous paierez à peu près l’objet à son juste prix et pour d’autres pas du tout. Les marques ont bien compris que les swimbaits dits “haut de gamme” ont trouvé leur public et on observe davantage apparaître des leurres d’une valeur de plus en plus conséquente de la part de firmes qui n’ont jamais fait de leurres dit “haut de gamme”, les marges sont assez folles, le filon n’en est que plus juteux.

Malgré l’effet boule de neige, les tendances et le marketing en place, il reste de nombreux pêcheurs frileux à l’idée de pêcher avec un leurre d’une telle valeur, d’autant plus que le risque de le perdre en action de pêche restera toujours non négligeable.

Aujourd’hui, la tendance d’avoir absolument un swimbait premium dans sa boîte tend à s’essouffler et on n’a jamais trouvé autant ce type de leurres si peu chers sur le marché de l’occasion. La mode des swimbaits haut de gamme serait-elle en train de s’essouffler après le boum qu’elle a connu en 2020 ?

Mettre en valeur ce type de leurre est d’usage pour certains.

Investir ou pêcher Swimbait ?

Si l’achat et la revente de hard swimbaits rares peut s’avérer être une bonne opération financière, pêcher avec en est tout autre.

“La moindre égratignure, la moindre marque de dents ou d’hameçons sur le leurre et sa valeur dégringole.”

J’ai eu du mal à acquérir mes premiers swimbaits haut de gamme car j’avais déjà une batterie de big baits de valeur nettement inférieure dans lesquels j’avais toute confiance, mais je voulais me faire ma propre idée sur leur potentiel. Tout comme je voulais me faire une idée des copies de ces derniers, puisque de nos jours, tout ce qui est rare et cher se copie…

J’ai donc acheté plusieurs hard et soft swimbaits premium de marques différentes ainsi que des copies chinoises de ces leurres. Bien que ces deux produits soient conçus pratiquement au même endroit, le verdict est sans appel dans la plupart des cas. Si le leurre original est beaucoup mieux équilibré avec une nage bien plus régulière que sa copie, le leurre original perd très souvent sa peinture plus vite que le leurre copié, qui pourtant coûte 10 fois moins cher…  J’ai vite compris que bien souvent la peinture de ces derniers est d’une grande fragilité, au point de me demander si cela était sciemment désiré ?

Si on rapporte ça au fait que des marques arrivent à sortir des swimbaits assez similaires dans leur processus de fabrication avec un prix variant du simple au double, si on constate que le même swimbait japonais se vend neuf 90$ au Japon et 140€ en France, on a donc des arguments factuels qui attestent que régulièrement, le prix de vente de ces leurres n’est pas justifié. La marge de bénéfice n’en est juste que plus conséquente.

Certes la copie 10 fois moins chère sera nettement moins intéressante en termes de technicité que l’original, mais bien utilisée, elle pourra rapporter tout de même un ratio intéressant de poissons leurrés.

Une boîte de swimbaits digne de ce nom, se doit de contenir une bonne paire de lunettes !

L’arme fatale des leurres, vraiment ?

La nage des swimbaits est souvent magnifique pour l’œil humain mais il faut garder en tête qu’elle est très loin d’être réaliste pour les prédateurs convoités. Les swimbaits sont des bons leurres à avoir dans ses boîtes mais comme tous les autres leurres, ils ne sont pas efficaces lorsqu’ils sont utilisés dans de mauvaises conditions.

Contrairement à un leurre souple, à taille équivalente les swimbaits auront une densité dans l’air bien plus faible et seront du coup bien moins fatigants à lancer plusieurs heures de suite avec une canne plus légère. Une fois immergé, le leurre déplacera autant d’eau que peut le faire un leurre souple tout en conservant la même faculté de décider un joli poisson. Mettons-nous en situation avec par exemple une journée de 10h00 de pêche à lancer un Balam 245 et une 4D Line Thru Trout 25cm (135€ vs 30€). Les leurres font sensiblement le même volume et ciblent les mêmes poissons, mais le leurre dur pèse 76 grammes de moins que le leurre souple. Sur le plan du confort du pêcheur clairement il n’y a pas match !

Le côté leurre dur permet également de pêcher avec un leurre d’une densité flottante, neutre ou coulante tout en pouvant être bruiteur avec un meilleur taux de réussite de la pénétration des hameçons. Notons que la plupart des swimbaits sont flottants par défaut avec la possibilité de les plomber, le but premier de cette pêche étant de décider des gros poissons près de la surface en les voyant attaquer le leurre. Lorsque l’on réussit à prendre son premier gros poisson au swimbait et en visuel, il faut avouer que c’est un sacré spectacle plein d’adrénaline et qu’on a qu’une seule envie : récidiver.

On associe souvent le fait que les swimbaits ciblent avant tout les gros poissons mais ce n’est pas toujours vrai, quand les sujets sub adultes se nourrissent de grosses proies, le swimbait peut être une bonne solution pour réussir une pêche de nombre.

Les swimbaits prenium, c’est oui ou c’est non ?

On peut penser que ceux qui pêchent avec des leurres d’une telle valeur sont quelque part un peu fous, mais c’est mal comprendre et saisir le plaisir de pêcher avec un leurre criant de réalisme et surtout assez technique. Pour les “swimbaits angler”, il y a prendre un brochet ou un black bass sur une technique conventionnelle et il y a prendre le même poisson avec un hard swimbait proche de la surface : c’est la double saveur.

Pêcher avec un swimbait haut de gamme de confection industrielle n’a jamais été aussi abordable qu’aujourd’hui, je ne peux que vous inviter à vous en procurer un d’occasion pour redécouvrir vos spots de pêche favoris à travers cette approche si visuelle et trépidante qu’est la pêche au swimbait.

Quelques modèles de swimbaits célèbres et haut de gamme (prix à la vente en 2022 et non contractuels) :

Swimbait segmentés :

  • Balam 300 – Madness®/Evergreen® 159€
  • Replicator – Imakatsu® 159€
  • Jointed Claw Shift 183 – Gancraft® 106€

Swimbait bi-section :

  • Slide Swimmer 250 – Deps® 120€  (2003)
  • Gira Gira Kougeki – Deps® 219€
  • Klash 9 – Drt® 149€
  • Tiny Klash – Drt® 109€
  • Ghost – Drt® 400€
  • Jointed Claw Shaku One – Gancraft® 199€  (2003)
  • I-slide 262T megabass® 110€
  • Bullshooter 160 – Deps® 120€
  • Da-Vinci – Elements®  150€

Soft Swimbait :

  • Flag 255 – Grow Design Works® 80€
  • Swimbait 247 SS – Defiant® 125€

Modèles d’exception :

  • Natural Wool Mother – Roman Made®  1148$
  • Manifold Deniro Yugo Frame 550 Glide Bait – Manifold Swimbaits® 1100$
  • Esox V3 – Lucky Lures® 424€

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