Exception faite des truites (arc en ciel) fraîchement déversés qui adoptent un rythme alimentaire aussi élevé que possible en toutes circonstances, les truites de début de saison font le plus souvent preuve de parcimonie dans le choix des créneaux durant lesquels elles s’aventurent hors de leurs caches. La température de l’eau étant encore peu élevée pendant les semaines qui suivent l’ouverture, l’activité est le plus souvent calée sur des opportunités, tout en suivant le principe selon lequel les apports doivent être supérieurs aux dépenses qu’ils génèrent.
Or, en ce mois de mars, le réveil de la rivière n’en est qu’à ses balbutiements, les apports sont rares, et les dépenses engendrées pour se nourrir sont parfois élevées dans cette eau forte et froide. L’identification des meilleurs moments à exploiter constitue donc un challenge de taille !
Plus que jamais, un choix de parcours judicieux, en fonction de critères précis conditionne la réussite d’une partie de pêche. Le principal facteur inhibant l’activité des poissons à cette saison étant la température de l’eau, le but du jeu est de rechercher des secteurs les moins froids possibles, en intégrant le fait que la diversité immense des cours d’eau de première catégorie (altitude et distance des sources, pente, exposition…) implique autant de différences d’activité probable des truites.
Les bons choix pour pêcher la truite
Pour cela, nul besoin d’alourdir démesurément son bilan carbone en allant immerger son thermomètre par monts et par vaux. Il suffit d’analyser l’état des sources en matière d’enneigement et/ou d’altitude, et de combiner cette donnée à l’exposition du cours d’eau pour obtenir un aperçu de ce que seront les conditions du moment. Il est possible, par exemple, de consacrer sa matinée à pêcher un cours d’eau montagneux dont les sources sont encore enneigées, en profitant de l’inertie de la nuit avant que le résultat de la fonte ne commence à saturer le parcours en milieu de journée ; puis de se tourner dès le début d’après midi vers des rivières aux sources basses, pas ou peu soumises à la fonte des neiges, qui tirent au mieux partie des rayons de soleil printaniers pour gagner quelques petits degrés supplémentaires, souvent à l’origine d’une activité notablement plus soutenue des truites. Avec un peu d’habitude et en intégrant l’inertie liée à la distance aux sources ou à l’isotherme 0 du moment, les prévisions s’avèrent nettement plus fiables que celles d’un bulletin Météo France.
Meilleure sera cette analyse de départ, meilleures seront les chances d’assister à des périodes d’activité au cours de la sortie, tout en gardant à l’esprit que les meilleurs choix stratégiques possibles n’affranchissent pas le pêcheur d’une inévitable confrontation avec de l’eau froide, plusieurs degrés en dessous de l’optimum thermique des truites, qui réduit mécaniquement leur activité. Dans la continuité des choix précédents, il est donc nécessaire de s’appliquer à définir quelle approche sera la mieux en mesure de répondre à la spécialisation des poissons lors des –courts- créneaux favorables. Aux appâts naturels, aux leurres ou à la mouche, chacune des principales techniques permet tour à tour de tirer au mieux parti de ce que la rivière nous propose, et de déclencher les touches tant attendues !
Pêche de la truite aux appâts naturels
Pratique peu extensive par essence, la pêche aux appâts naturels permet en revanche de décortiquer au mieux les coups, et de présenter au ralenti une bouchée à des poissons moyennement actifs dans des zones molles, comme à ceux attablés dans de beaux courants laminaires. Dans l’eau froide, face aux faibles écarts dont sont capables les truites pour saisir une proie, la pratique en grandes rivières demande une abnégation sans faille. Ligner, ligner, et ligner encore peut s’avérer fastidieux pour un grand nombre de pratiquants. Il est alors grandement préférable de se tourner vers des gabarits plus réduits, avec des coups qui le sont d’autant et qui se laissent exploiter au mieux avant que la lassitude ne s’empare du pêcheur. Pêcher de manière précise, plutôt lente, est une des clés de la réussite. Ici, pas de place pour les dérives parfaites, quasi aériennes, qui sont de rigueur dès que les eaux s’amaigrissent. Pêcher légèrement mal, un peu lourd, pour faire passer une ligne soutenue moins vite que le courant, au risque de couper légèrement les veines d’eau, s’avère souvent être la meilleure manière de déclencher des touches. Dans tous les cas, et comme à n’importe quelle saison, la pêche aux appâts naturels permet une lecture comme nulle autre du comportement et de l’occupation des postes par les truites. Leur activité répondant à des opportunités du moment, il est très fréquent qu’une logique se détache à l’échelle du tronçon pêché. Parvenir à déchiffrer la façon dont les truites se positionnent dans les veines à l’instant T, et raisonner en conséquence pour juger de la probabilité qu’un coup de ligne soit heureux ou pas est un jeu des plus grisant, qui pour ne rien gâcher, permet d’obtenir une cadence de touches parfois relativement élevée si l’on s’attache à sélectionner de manière précise les coups présentant une forte probabilité d’être occupé par un poisson actif.
[box type= »info » align= »aligncenter » class= » » width= » »]
Les appâts naturels
Pour la pêche aux appâts naturels, s’il existe une prime à la vraisemblance plus tard dans la saison pour ceux qui choisissent de pêcher avec des appâts de la rivière, les mois de mars et avril n’exigent eux aucune originalité. En cas d’hiver prolongé, d’eau glacée et de niveaux bas et clairs, les teignes vendues en rouleaux (moins volumineuses que leurs consœurs en copeaux) représentent un choix parfait. Dans tous les autres cas (eaux tendues, de couleur normale à cassée, légère fonte,…) des vers de berge de taille moyenne prennent idéalement le relai. Ces appâts ne nécessitant pas d’être présentés de manière légère et aérienne, nul besoin de pêcher fin à cette saison. Un bas de ligne en 12 ou 14/100 et un corps de ligne de 2/100 supérieur ne font pas enregistrer moins de touches, et évitent aux bonnes surprises de se transformer en drames.
[/box]
Pêche de la truite aux leurres durs
La pêche de la truite aux leurres durs plus que pour toute autre technique, il est nécessaire de fuir les eaux tourmentées des secteurs pentus. Les poissons nageurs, y compris les plus denses, demandent un peu de place pour se mettre en action sur les coups creux de début de saison, et les cannes courtes adaptées à leur maniement ne permettent de soustraire la bannière au courant que de manière insuffisante. Les profils de type torrent ballaient bien souvent les leurres avant leur bonne mise en œuvre. A l’inverse, les coups vastes et peu découpés des profils plus uniformes, en plus de permettre aux leurres de se mettre en place à la profondeur voulue, sont également les plus fastidieux à décortiquer –et par conséquent les moins pêchés !- avec des techniques plus précises et moins extensives. L’idéal, pour en tirer le meilleur, est donc de réserver au maximum cette approche aux moyennes et grandes rivières, qui présentent l’avantage non négligeable d’abriter des sujets de belle taille, souvent territoriaux et réceptifs aux fortes vibrations de ces leurres artificiels. Au fur et à mesure que la saison avance, leur agressivité décroit et la finesse devient une condition sine qua non pour conserver une bonne cadence de touches. Alors en attendant, il est de bon ton d’exploiter au maximum la bravoure des truites caractéristique des semaines qui suivent l’ouverture. Comme aux appâts naturels, en dehors de pics d’activité précis, il est globalement nécessaire de pêcher creux et lentement tant que l’eau est froide, et d’alterner les passages qui sollicitent l’agressivité des truites en coupant les veines de courant, avec ceux plus naturels en dérives pures, seulement ponctuées d’animations de faible amplitude. Il est surprenant de voir avec quelle violence une truite peut frapper dans un poisson nageur après plusieurs mètres de dérive inerte ! En plus de permettre de battre du terrain, de pêcher large, et d’être capable de s’adapter à une très grande amplitude de degrés d’activité des poissons, cette approche présente l’immense avantage de pouvoir déclencher des touches lorsque la rivière semble vide. Une truite peut sortir de n’importe où, n’importe quand, y compris parfois en dépit de toute logique visible. De l’efficacité sans grandes contraintes !
[box type= »info » align= »aligncenter » class= » » width= » »]
Le piège du HS
HS comme heavy sinking, mais également parfois comme hors sujet. Les poissons nageurs à densité élevée ont le vent en poupe, mais l’utilisation exclusive de ce type de modèle prive le pêcheur aux leurres d’outils parfois indispensables. Un leurre flottant permet de le laisser glisser vers des postes encombrés avant d’attaquer la récupération, chose impossible avec un modèle coulant. Equipé d’une longue bavette large, il permettra de descendre très vite dans un poste restreint qui nécessite de pêcher creux, puis d’en ressortir sans encombre, là où un coulant pourrait sortir du poste sans même avoir pêché. Un leurre suspending permet de son côté de pêcher lentement, ou même de provoquer l’agressivité de truites en restant sur place. Toutes les densités contiennent leurs lots d’avantages, et se priver de certaine d’entre elles, c’est se priver de certaines touches !
[/box]
Pêche de la truite à la mouche
Bien que considérée comme une pêche délicate qui donne le meilleur d’elle-même lorsque discrétion et finesse de présentation sont nécessaires, souvent à la belle saison lorsque les eaux sont en ordre et que la vie subaquatique reprend pleinement ses droits, la pêche à la mouche trouve toute sa place en début de saison. Nombre de rivières sont à cette période le théâtre d’émergences plus ou moins massives de baetidés, parfois accompagnées, pour les plus chanceux d’entre nous, de quelques march brow. Le manège démarre en début d’après-midi, offrant une activité de surface qui peut, selon les jours, se prolonger jusqu’en toute fin de journée. Les truites ne sont alors que peu sélectives dans beaucoup de cas, et une présentation propre du bon stade de l’insecte dans la cible suffit bien souvent à obtenir la vision d’un museau qui crève la surface sous l’imitation. Les truites trahissent leur présence par l’aspiration des éphémères en surface, et c’est sur ces gobages préalablement repérés que la pêche se déroule. L’avantage est donc celui de ne pratiquer que sur des poissons actifs et potentiellement très réceptifs à ce que l’on peut leur proposer. Mars est bel et bien le mois où des pêches en sèche de bonne qualité sont accessibles à tous, y compris à ceux dont le niveau technique n’est pas celui d’un pêcheur à la mouche expérimenté. Avec seulement quelques notions de pêche au fouet, il est loin d’être vain de consacrer une demi-journée à ne pas pêcher et à se promener canne en main au bord de l’une de vos rivières de moyenne montagne, en ne se concentrant que sur la recherche visuelle des couloirs empruntés par les mouches qui dérivent, et celle d’éventuels petits nez qui percent la surface dans ces couloirs.
Ces éclosions sont un rendez-vous à ne pas manquer, ne serait-ce que pour l’intensité de la seconde où l’imitation disparait dans ce petit tourbillon si caractéristique !
[box type= »info » align= »aligncenter » class= » » width= » »]
Thermomètre
Le plus souvent, les thermomètres vendus pour la pêche font preuve d’une fiabilité toute relative. Il n’est pas rare, sur deux modèles identiques, de constater un écart de mesure de l’ordre de 2 à 3°. Toutefois, quelle que soit la valeur juste, il est toujours très intéressant de suivre l’évolution de la température de ses secteurs de pêche, de vérifier les évolutions en cours de journée, ou de noter les différences existantes d’un cours d’eau à l’autre. Evolution des températures de l’eau et évolution du positionnement des truites dans les veines de courant étant étroitement corrélées, le thermomètre se révèle être un outil précieux, parfois à l’origine de gains de temps considérables en début de pêche, et ce tout au long de la saison.
[/box]
Eloge de la polyvalence…
La spécialisation importante dont font preuve les pêcheurs de truites est la clé de l’acquisition d’un niveau technique élevé. Leur efficacité leur permet de prendre des poissons, parfois en nombre, lorsque leur approche colle aux conditions du moment. En revanche, il est des périodes –parfois plusieurs semaines, parfois juste quelques heures – où des techniques différentes se révèlent constituer des solutions bien plus judicieuses. En fonction de l’activité des poissons, en fonction de s’ils sont attablés en surface ou sous l’eau, en fonction de s’ils chassent ou de s’ils sont cavés avec simplement un œil à la fenêtre, il peut être heureux de mettre en œuvre une approche imparfaite mais centrée sur l’activité, plutôt qu’une technique aussi parfaite qu’inadaptée sur le moment. C’est de cette manière que je perçois la pêche de la truite : éclectique, en touchant un peu à tout, en faisant preuve d’une capacité d’adaptation la plus élevée possible, qui me permet de profiter au maximum de tous ces fantastiques milieux, ces torrents de montagne, ces petites rivières de plaine, ces fleuves lents de piémont, et de leurs habitantes aux tailles et aux robes des plus variées, dont je ne me lasse définitivement pas… tout en faisant la part belle à la réflexion, à la logique, et à la compréhension des mécanismes qui régissent le fonctionnement de ces mondes subaquatiques. Réussir et savoir pourquoi, se tromper aussi parfois, en sachant également pour quelles raisons, et par dessus tout profiter au maximum, tous sens en éveil, de tout ce qui entoure ces dames fabuleuses. Bientôt, ça sera reparti pour six mois, six mois de bien être au milieu des truites !
[box type= »info » align= »aligncenter » class= » » width= »300″]Vous aimez pratiquer la pêche à la truite? Alors découvrez comment pêcher la truite en utilisant différentes techniques de pêche efficaces.[/box]
[author title= »Lenka Stary » image= »https://1max2peche.fr/wp-content/uploads/2016/05/peche-truite-polyvalence-02.jpg »]Localisation : Toulouse (31) |
Profession : Technicienne des opérations bancaires | Spécialité : Truite et Carnassiers | Partenaire : Berkley[/author]
Très bel article. Merci. Vous avez une plume splendide, poétique.