Le no kill est devenu depuis quelques années la référence pour de nombreux pêcheurs soucieux de préserver la biomasse et de vivre leur passion sans nécessairement sacrifier leur prise. On ne peut que se satisfaire de ce qui serait communément appelé le catch and release qui me semble plus approprié car force est de constater que tous les poissons relâchés ne survivent pas forcément à des branchies arrachées, une mâchoire fracturée ou des lésions liées à une mauvaise manipulation. C’est encore plus marquant pour le sandre s’il a fait un accident de décompression.
Pêcher en catch and release ce n’est certainement pas balancer une fois décroché, le brocheton en dessus de la barque parce qu’il est sans intérêt pour la photo, et ce n’est pas davantage récupérer son leurre profondément engamé en tirant comme un pauvre diable sur les triples figés dans les ouïes car la chance de survie du carnassier me semble assez limitée. En quel cas il vaudrait mieux garder cette prise si les conditions de vie ne sont pas réunies au lieu que ce carnassier finisse son existence pourrissant sur le fond. Le fait qu’il reparte d’ailleurs ne veut pas dire que sa survie est assurée, c’est bien de le dire, mais c’est mieux d’en avoir conscience. Il ne faudrait quand même pas oublier que notre compagnon de jeu (qui n’a rien demandé) va avoir peur, cela va le stresser, le blesser et qu’une capture n’est en rien anodine. Si cette capture se retrouve pendue par une pince ou est exposée de tout son long pour la photo souvenir qui alimentera Facebook, on est assez loin du respect que cet être vivant mérite si véritablement on souhaite préserver son intégralité et le relâcher dans de bonnes conditions.
Poissons à manipuler avec précaution
Le no kill ne doit pas être une mode, une posture pour se différencier des autres, c’est une façon d’être où le poisson, quelle que soit son espèce, est respecté avec une recherche constante pour minimiser les blessures. On voit encore trop sur les réseaux sociaux de trophées ensanglantés avec cette précision : poisson remis à l’eau. Consternant ! Je ne vous ferai pas le coup du moralisateur éhonté dans cette réflexion et j’apprécie évidemment que de plus en plus de pêcheurs remettent leurs prises à l’eau, cela correspond à une nécessité quand la biomasse piscicole n’est plus en mesure de répondre à la prédation. Mais je ne tomberai pas non plus dans l’extrémisme radical qui ferait d’un pêcheur souhaitant garder de temps en temps quelques spécimens, un individu à bannir du monde de la pêche associative. Il n’est pas forcément incohérent qu’il y ait un prélèvement raisonné des espèces, et j’y reviendrai en fin d’article.
Adeptes du Catch and release (prendre et relâcher) certaines règles doivent être suivies pour assurer la survie de votre prise. La première est de limiter les blessures, et les armements de nos LS ou des poissons nageurs sont souvent destructeurs. Changer les triples pour des hameçons simples, écraser les ardillons me semble un minimum sans que cela ne nuise au maintien d’un poisson. Une chose est sûre : c’est plus facile de le décrocher. Que l’on maintienne la prise avec un gant ou à la main en la glissant dans les ouïes, il faut évitez de la tenir sans la soutenir par le ventre. Hors de l’eau, vous risquez de créer des lésions irréversibles car l’ensemble des organes subissent la pression atmosphérique.
L’équipement à privilégier
Munissez-vous d’une pince à long bec, c’est tellement plus facile d’aller chercher un hameçon au fond de la gueule d’un broc sans se blesser ni le blesser. De plus, une épuisette dotée de mailles plastiques préservera le mucus de votre carnassier et évitera que les hameçons ne se piquent dans le filet. Le mieux est de décrocher votre prise dans l’épuisette car elle est portée par l’eau et cela évite les manipulations dans le bateau notamment si vous n’avez pas de tapis de réception. Quand on prend conscience de la température du fond d’une barque l’été, qui plus est, si elle est en aluminium, déposer un poisson dans cet environnement c’est un peu le cuire ! Pas franchement dans l’esprit du no kill. Souvent utilisé il y a quelques années (je l’ai utilisé aussi), le fishgrip est banni car il blessait les mâchoires des prises et même les cassaient. Si on a du mal à passer les doigts par les ouïes pour saisir notre prise, et je me bousille régulièrement les doigts d’ailleurs sur de gros spécimens, mais continue bêtement à utiliser cette méthode, l’utilisation d’un gant Easy Protect de marque Caperlan est une solution intéressante. Je l’ai adopté pour mes clients qui se sentent rassurés et qui évitent, ce qui est important, que le broc avec un coup de queue, finisse après un salto dans la barque dans des conditions qui ne sont pas vraiment top pour une remise à l’eau.
Etre efficace pour faire vite
La prise de photos doit être réalisée le plus rapidement possible notamment s’il fait chaud et que le soleil vous baigne de ses rayons, c’est cool pour votre bronzage mais beaucoup moins favorable pour l’épiderme de votre prise dont le mucus est protecteur dans l’eau ! Mais par pitié : pas de photo pour des poissons qui n’en valent la peine. Je rappelle là un fondamental qui semble quelquefois oublié : les poissons ne vivent pas en dehors de l’eau ! Une brève photo et une remise à l’eau en effectuant des mouvements de va et vient pour le ré-oxygéner devrait faciliter son départ. Ne le lâchez pas tant qu’il n’a pas mit un coup de queue pour rejoindre les abysses. Voilà quelques conseils amicaux car si vous faites l’effort de relâcher vos prises, il serait dommage que cela ne serve à rien soit parce que votre prise a fait une hémorragie et va crever au fond de l’eau, soit parce que dépourvu de son mucus, il va développer des mycoses qui le condamneront également.
Le no kill, oui mais…
Préserver la biomasse piscicole, influer sur la prédation, sont les fondements du catch and release, pratique anglo-saxonne adoptée en France. Au début elle est répandue chez les pêcheurs de salmonidés, puis s’est généralisée avec bonheur. Mais elle a ses limites notamment dans les rivières où les salmonidés à force d’être inlassablement piqués, ont radicalement changé leurs habitudes et ne s’alimentent le plus souvent que la nuit. Je me posais la question lors d’une session sur une rivière franc-comtoise et un secteur de pêche à la mouche en no kill, s’il était bien raisonnable (et je ne suis pas Suisse !) de piquer et remettre à l’eau de façon continuelle, les quelques farios qui m’ont fait l’honneur d’accepter ma mouche et dont la gueule est déformée, boursoufflée même par de multiples piqures. En lac, même quand le potentiel de brochets est important on constate, à force de se faire allumer, que les poissons de plus en plus éduqués bannissent nos leurres. Que l’on me comprenne : cela n’est pas une plaidoirie pour établir une loi comme en Suisse ou tout poisson maillé doit être gardé, mais une réflexion qui me porte à croire qu’il n’est pas forcément malsain qu’il y ait du prélèvement raisonné. En somme, quel intérêt d’avoir des spécimens imprenables ? Ne vaut il pas mieux un renouvellement parcimonieux ? Une truite de 50 cm qui connait par cœur votre boîte à mouches, ne laissera pas sa place à une truite de 30 cm. Un broc d’un mètre, incollable sur les dernières nouveautés du salon de Clermont-Ferrand, ne cédera pas son poste à un congénère de 80 cm. Je pense qu’en matière de gestion piscicole cette réflexion doit faire débat, et je dis bien débat et non pas s’étriper sur des postures idéologiques avec deux camps : le no kill et le prélèvement comme on le rencontre trop souvent. Je pense par exemple en rivière à des parcours no kill tournants, en lac c’est plus compliqué, mais la réduction drastique des prises peut conduire à un équilibre acceptable sans atrophier le plaisir de la pêche tout en permettant le renouvellement de la biomasse. En somme, il faut conduire une politique de gestion raisonnée, mais comme je l’ai dit, cela n’est qu’une réflexion qui n’engage que moi.