S’il est une pêche que je pratique depuis de nombreuses années, dans différentes régions Françaises, c’est bien la pêche de rivière. Rhône, Saône, Seine, rivières Cévenoles, Meurthe… nombreuses sont les rivières où j’ai eu l’opportunité de tremper mes lignes. Si, désormais, j’ai tendance à garder systématiquement la même approche, il n’en a pas toujours été de même. Avec des résultats finalement pas si divergents d’une approche à une autre. Cet article est un condensé d’une dizaine d’années de pêche en rivière cumulé avec les retours de connaissances proches avec lesquelles j’échange très régulièrement, notamment sur les stratégies utilisées.
Les pêches courtes au spot
La première approche qui me vient en tête consiste en une pêche non préparée, sur un spot connu ou non. Ici, pas de pré-amorçage, vous ne savez donc pas si des poissons peuvent être dans la zone. Il faut ainsi miser sur une attractivité maximale pour pouvoir déclencher des touches rapidement. En effet, avec le recul, ces approches semblent efficaces pour des pêches très courtes, où le but est de pêcher pour un poisson à chaque fois. La durée peut donc varier de quelques heures à 24h environ. Elle a pour avantage d’être très peu consommatrice d’appâts et permet également, en cas d’absence de touche, de se déplacer rapidement, sans remords, pour renouveler l’opération sur un nouveau poste.
Si cette approche peut s’avérer très prenante quand les poissons nagent à proximité, elle trouve ses limites si ce n’est pas le cas. En utilisant des produits très traçants, avec l’ajout de liquides (à base d’alcool ou d’huiles), vous pourrez jouer sur le courant pour diffuser un signal olfactif à plus longue distance et ainsi tenter d’attirer quelques poissons sur votre zone. Initialement sceptique sur cette approche, j’ai été surpris des résultats probants d’un ami sur un secteur de la rivière que je connais bien. Et d’autant plus en période de crue, en pratiquant en extrême bordure ! Et aussi surprenant que cela puisse paraître, ce ne sont pas forcément les plus petites qui jouent les opportunistes !
Construire son amorçage en restant sur un poste
Pour les pêches un peu plus longues, nombreux sont les pêcheurs qui procèdent de façon statique. L’objectif ici est de construire un amorçage sur une zone pour intercepter des poissons de passage, faire un maximum de touches et ensuite attendre le passage suivant. C’est aussi le cas par exemple pour les pêcheurs de compétition en rivière qui n’ont pas d’autres choix que de rester sur le même poste pendant toute la durée de la manche.
L’objectif ici est donc de construire un amorçage qui va travailler sur la durée. On peut commencer par une pêche au spot lorsqu’on arrive au bord de l’eau pour tenter de décider les quelques poissons déjà présents sur zone. Une fois ces quelques heures passées au spot, avec une réussite variable, il est temps de mettre les choses en place. Pour cela, on déposera de bonnes quantités d’appâts sur une zone plus ou moins large. Et on choisira ensuite de pêcher dans l’amorçage ou en périphérie.
A titre personnel, je ne pratique que très peu cette approche mais, quand c’est le cas, j’amorce de façon très large. L’objectif pour moi est de limiter l’assaut des poissons blancs (ou des silures) sur mon montage. Que ces poissons se nourrissent de mes appâts, c’est de bonne guerre mais en élargissant la zone amorcée j’ai pu remarquer que je faisais moins de touches de ces “indésirables”. Bien sûr, cela retarde également les touches des carpes, mais quand un banc arrive, qu’une concurrence alimentaire se crée, elles ne mettent pas beaucoup de temps à tout avaler, votre esche y compris !
En début de pêche, vous pourrez donc utiliser des “petites” particules pour créer une zone d’activité des poissons, toutes espèces confondues. Attention toutefois au courant quand on utilise ce genre d’appâts qui mettent un certain temps à arriver au fond, et parfois plusieurs dizaines de mètres en aval si le courant est soutenu. Ensuite, l’amorçage avec des bouillettes et/ou des graines sélectives comme la noix tigrée vous permettra de gagner en tranquillité vis à vis des poissons blancs tout en continuant à intéresser les carpes ! Dans tous les cas, pensez qu’en rivière les autres poissons susceptibles de se nourrir de vos appâts sont nombreux (chevesnes, brèmes, silures…). Adaptez donc vos quantités d’amorçage en conséquence, au risque qu’il ne reste rien au moment du passage des carpes sur votre zone amorcée.
Les amorçages tenus
Une autre solution consiste à tenir amorcé un poste pendant une durée plus ou moins longue. Peu importe la saison, il faut se donner les moyens techniques et financiers d’entretenir un poste pendant plusieurs semaines. Cette technique a pour objectif de conditionner les poissons sur la zone amorcée avec vos appâts pour pouvoir déclencher des touches plus facilement et plus rapidement pendant vos pêches. Cela peut également vous permettre de cibler les gros spécimens, plus méfiants, qui répondent plutôt bien à ce type d’approche.
Pour cela, il faut donc choisir une zone où vous pensez trouver des poissons en cette saison et amorcer tous les deux / trois jours dans l’idéal. Et pour faire écho avec le paragraphe précédent, quand on parle d’amorçage en rivière, il faut quand même utiliser des quantités adéquates. Un minimum de deux / trois kilos par amorçage semble être un bon point de départ, à affiner en fonction de la quantité de poissons blancs dans la rivière que vous pratiquez et bien entendu de la quantité de carpes.
Petit conseil après plusieurs tentatives sur des zones de rivière bien différentes, ce genre d’amorçage est à privilégier sur des zones de tenues relatives. En effet, mes expériences sur des zones de passage n’ont pas été très concluantes. Dans tous les cas, les poissons passent, mangent et continuent leur route. Qui peut savoir si, à l’amorçage suivant le lendemain ou le surlendemain, c’est le même banc de poissons qui trouvera votre amorçage ou alors un autre ? Il semble que ce soit la limite de cette méthode sur des zones de passage. A l’inverse, sur des zones de tenues de poissons les choses peuvent être bien différentes. Il sera plus facile de conditionner des poissons et de déclencher rapidement des touches.
Pré amorcer la veille et faire tourner les postes
C’est incontestablement ma technique favorite. Elle représente à mes yeux le meilleur compromis investissement/résultats. Il s’agit de réaliser un amorçage la veille de votre pêche sur le poste que vous souhaitez pêcher le lendemain. Ceci est valable sur une pêche d’une journée ou d’une nuit mais également dans le cadre d’une session de plusieurs jours. Aussi, si vous avez prévu plusieurs jours et nuits de pêche, il faut procéder à un roulement de poste. Le premier ne sera pas pré amorcé (sauf si vous avez fait le déplacement la veille) et vous amorcerez le premier jour le second poste, le deuxième jour le troisième poste, et ainsi de suite.
L’objectif de cette approche est de déposer des appâts sur une zone, de faire manger les poissons en confiance, sans pression de pêche puis de venir pêcher les poissons restés sur zone ou qui repassent pour voir s’il ne reste pas quelque chose à manger. Pour cela, des appâts sélectifs tels que les bouillettes accompagnées ou non de noix tigrées sont à privilégier. Une quantité de 2/3 kilos par amorçage est cohérente mais monter jusqu’à 6/8 kilos sur les périodes de frénésie n’a rien d’aberrant, surtout si vous mélangez billes et noix tigrées. Bien souvent les touches s’enchaînent en début de pêche puis la fréquence baisse voire s’arrête d’un coup. Pour limiter cet effet, je ne peux que vous conseiller de faire des rappels conséquents entre chaque touche, façon de tenir un maximum de temps les poissons !
Même si les autres techniques sont très intéressantes et présentent toutes leurs avantages et leurs inconvénients, c’est avec cette approche que j’ai les meilleurs résultats. Quand les poissons sont là et actifs, il n’est pas rare, sur la Saône que je pratique, de monter jusqu’à 10 touches par nuit, avec un “record” à 16 touches sur une nuit. A l’inverse, quand les poissons ont l’air absents, le pré-amorçage permet très régulièrement de sauver le capot avec une ou deux touches de carpes qui traînent dans la zone. Si vous pêchez plusieurs nuits consécutives et que vous souhaitez insister sur un poste, le plus rentable semble être de plier, réamorcer le poste en partant sur un autre poste et de revenir le lendemain ou le surlendemain. Cela permet également de supprimer la pression de pêche, tout en proposant des appâts sur zone. Et, bien souvent, quand on revient, les touches reprennent rapidement !
Pêcher sur les poissons
Évidemment, on rêve tous de pêcher sur les poissons. C’est une des bases de notre passion. Mais derrière ce titre un peu pompeux se cache la réalité du terrain. On connaît tous des endroits en rivière où les poissons passent régulièrement. Néanmoins, il est déjà moins vrai de se dire qu’on connaît tous des véritables zones de tenues qui évoluent en fonction des saisons. Le fait est que ceci n’est ni inné ni évident. C’est quelque chose qui s’apprend au fil du temps, au fil des essais, des réussites et des échecs et, comble de la difficulté, qui peut être amené à changer au fil des saisons…
Quand on est en mesure de définir avec certitudes les tenues des poissons en fonction des saisons, et donc de réussir à chaque fois ou presque, la stratégie d’amorçage passe en second plan. Pas besoin de pré amorçage pour tenir des poissons puisqu’ils sont là. Pas besoin d’utiliser des produits très traçants, très appétant pour les attirer de loin puisqu’ils sont là. Quand on possède cette connaissance, on cherche au contraire à rentabiliser les pêches car vous avez certainement constaté que peu importe la zone de tenue, les résultats s’étiolent au fil du temps si on insiste trop dessus en mettant une pression de pêche.
Une approche dosée (en termes de temps et de fréquence de pêche) et minimaliste est donc à favoriser pour faire des touches rapidement, prendre son plaisir et ses poissons tout en garantissant des résultats sur le long terme.
Vous l’aurez compris, et c’était finalement le titre de cet article, en rivière (bien que ce soit valable partout), tout est possible dans la mesure où vos expériences combinées à vos connaissances vous permettent de savoir là où se situent les principaux rassemblements de poissons. Bien sûr, vous pourrez toujours adapter votre stratégie d’amorçage en fonction de vos affinités mais l’essentiel du travail, la localisation du poisson, est fait.
Au final, j’ai suffisamment d’exemples et aussi de contre-exemples pour dire qu’aucune stratégie ne supplante vraiment les autres dans toutes les conditions ou alors qu’une soit réellement en deçà d’une autre. Je pense que chacune de ces options a ses avantages et ses inconvénients et que votre approche doit s’inscrire dans un cadre plus large et doit être fonction de vos moyens, du temps de pêche, de votre connaissance du lieu, du cheptel etc.
Un créneau se libère le soir même, il serait dommage de s’en priver parce que vous n’avez pas amorcé ! Surtout qu’il y a certainement une ou plusieurs touches à faire. A l’inverse, vous savez qu’au printemps par exemple, les poissons stagnent sur une zone en pré-fraie. Dans ce cas-là, envisager un amorçage tenu peut être une bonne option pour tenter de faire un maximum de touches et pourquoi pas de capturer les plus gros sujets, souvent les premiers à tomber avec ce genre d’approches.
Vous l’aurez compris, une fois de plus à la pêche, la clé est et restera la connaissance de la localisation et des mœurs des poissons au moment de votre pêche, combinée à votre adaptabilité. C’est pourquoi, je ne peux que vous encourager à insister sur les eaux qui vous tiennent à cœur pour comprendre une partie du fonctionnement des poissons et ainsi augmenter votre régularité au fil des années !
Fin décembre 2015, nous longeons le Rhône dans le sud de la France avec un ami, véritable encyclopédie de ce fleuve qui, dans l’ombre, lui a voué une partie de sa vie. Au bout de quelques kilomètres, il m’annonce que, si tout va bien, d’ici 2 km, on devrait voir des poissons sauter sur une zone assez large berge d’en face. Au début, j’ai cru à une blague. Jusqu’à ce que je puisse compter les sauts un par un sur la zone mentionnée. Nous sommes allés y pêcher et avons passé une bonne nuit rythmée par les touches, le tout un 26 décembre. Quand on sait où sont les poissons, tout devient plus simple !