L’amorçage pour la pêche à la carpe est souvent l’une des clés de la réussite sur les grands lacs et plus généralement les grandes étendues d’eau, c’est un point certainement bien plus important que le montage en lui-même. Il a pour premier effet d’inviter les carpes à s’alimenter sur leur chemin, puis dans un second temps de créer plus ou moins rapidement une véritable crise de boulimie sous l’eau, ce qui amène généralement au résultat escompté : une grosse pêche! Mais avant d’enchaîner les départs au milieu de plusieurs centaines d’hectares, un amorçage se doit d’être bien mis en place et surtout bien géré! Plutôt que de faire l’apologie de l’amorçage en quatre pages, je préfère m’appuyer sur des faits concrets, je pense que je pourrais remplir les pages de la revue avec les nombreuses anecdotes vécues mais je ne vais retenir ici que la plus récente au moment où j’écris ces lignes.
L’exemple du lac du Salagou
La scène se déroule lors de l’enduro du Salagou, du 6 au 13 octobre 2013. Pour l’édition 2013 ma compagne et moi-même avons été tirés au sort 20ème et donc bons derniers à choisir notre emplacement. Le choix des postes restants étant très limité, nous nous sommes orientés vers le seul secteur délaissé par les autres équipes, environ 800 mètres de berge, entre la presqu’île de la Chapelle et le poste de Pradine. Je n’avais encore jamais pêché ce secteur du lac mais nous y avions repéré un poste 4 étoiles dans le passé lors d’une ballade au bord de l’eau, une belle plage sous les arbres, ma copine avait adoré le lieu et m’avait fait promettre d’y faire une session un jour, disons que ce jour était venu.
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Dès le début de l’enduro le dimanche après-midi je décide de placer deux de mes lignes dans les profondeurs, je sais par expérience que les carpes aiment traîner dans les fonds supérieurs à 15m à cette époque de l’année, les autres cannes pêcheront un peu tout ce qui se présente devant nous afin de dénicher d’éventuels spots productifs. Comme je ne suis pas venu pour enfiler des perles, mais bien pour réaliser une pêche de 6 nuits sur un lac de 750ha, je décide d’entrée de jeu de mettre en place un amorçage sur les profondeurs, c’est ainsi que 4kg d’appâts rejoindront chacune des deux cannes. Les premières 24h sont stériles pour nous, à la remontée des lignes je m’aperçois que les écrevisses nous ont fait du mal durant la nuit, plusieurs cannes ne pêchent plus, notamment les deux cannes sur l’amorçage. Je décide de bâcher les bouillettes pour les prochaines 24h et de tout replacer à l’identique, avec toujours 4kg en accompagnement pour chacune des deux cannes dans les profondeurs. Le mardi après-midi, après presque 48h sans touche, la canne la plus loin qui pêchait dans 19,5m produit enfin une 12kg. Lors de la pesée les commissaires nous informent que la majorité des poissons pris depuis le dimanche se sont fait dans les 18m d’eau, ce qui confirme ma pensée sur la pêche en ce moment. Ma copine devant s’absenter deux jours, nous n’aurons plus que quatre cannes en action de pêche sur le poste, je décide de placer mes quatre lignes dans les 19m, toutes les quatre accompagnées d’un bon amorçage, c’est donc encore 4kg qui accompagneront chacune des lignes. J’ai conservé ce rythme d’amorçage jusqu’au jeudi soir, à partir du vendredi, soit à peu près à 24h de la fin, je me suis contenté d’un petit kg par canne.
Le sommet de l’amorçage au niveau des résultats avec pas moins de 10 départs en deux jours
Le mercredi et le jeudi ont constitués le sommet de l’amorçage au niveau des résultats avec pas moins de 10 départs en deux jours, tous principalement en journée. Plusieurs carpes du Salagou à peine déposés sur le tapis «se soulageaient» de mon amorçage, preuve qu’elles n’étaient pas là que depuis une heure! Au terme de ces 120 heures de pêche nous terminons à la 1ère place de l’enduro en capturant 12 poissons pour un total de 16 départs. Beaucoup de postes ont observé du poisson à l’échosondeur dans les 18m d’eau les premiers jours, puis au bout d’un départ ou deux plus rien! Pour ma part le poisson est resté sur mon poste du début jusqu’à la fin, je pense même qu’il y avait plus de poissons à la fin, la pêche n’était pas finie et je suis convaincu qu’il y avait encore de nombreux poissons à prendre, mais c’est comme ça, toute pêche à une fin, celle-ci a connu une fin heureuse, l’amorçage aura très bien joué son rôle. La profondeur de pêche y aura été également pour beaucoup, car aucun départ ne s’est produit sur les cannes de ma compagne qui pêchaient entre 3 et 10m d’eau, mais si l’on compare le résultat de mes cannes dans 19m avec les nombreuses autres cannes des participants qui pêchaient les mêmes profondeurs, le constat est sans appel : l’amorçage a vraiment fait la différence ! En tout, pour mes quatre cannes, ce ne sont pas moins de 40 kg de bouillettes en 24 mm et 35 kg de pellets en 15 mm qui ont rejoint le fond. Lorsque l’on voit la cadence des départs le mercredi et le jeudi, il est clair qu’il y avait vraiment beaucoup de bouches à nourrir au fond de l’eau, je ne pense vraiment pas qu’un petit kilo par canne aurait pu retenir sur le poste autant de carpes et surtout aussi longtemps!*
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Il y a un autre point auquel on ne pense pas toujours, c’est la précision de la dépose. Il est évident que plus on est précis, mieux c’est, mais lors d’une dépose en plein vent sur un lac comme le Salagou, déposer précisément un montage à 50cm près peut s’avérer bien plus compliqué qu’il n’y paraît. Si cela reste encore jouable dans des profondeurs classiques, disons jusqu’à 10 mètres (et encore…), cela n’est plus la même chose dans de grandes profondeurs, le plomb met beaucoup plus de temps à descendre, ce qui laisse le temps au vent de nous faire dériver, et donc d’être moins précis. L’avantage d’un gros amorçage c’est que l’on couvre une grande zone du fond, sur laquelle les carpes vont devoir nager pour trouver les appâts. En général je n’hésite pas à amorcer un carré de 50 m autour du montage, entre le vent et les courants, les appâts comme le pellet ne descendent pas à l’aplomb, mais ont tendance à zigzaguer, de quoi couvrir une zone d’un peu plus de 250m2 au fond de l’eau. La précision de la dépose n’est plus un point primordial, même à quelques mètres près, le montage pêchera toujours dans l’amorçage. Le fait d’amorcer une grande zone oblige les carpes à nager pour trouver cette nourriture facile, il ne leur suffit pas de poser le groin au sol pour manger, étant donné que les carpes des grands lacs nagent souvent en bancs, ce sont donc plusieurs individus qui se retrouvent en même temps sur la zone amorcée, et plus il y a de poissons, plus la concurrence au fond de l’eau est accrue. C’est une question de survie pour elle, plus elles mangeront et mieux elles vivront, de ce fait, la notion de danger est totalement mise de côté, en pleine euphorie alimentaire, il est possible d’enchaîner les départs, et parfois même de dérouler à peine la canne déposée. J’ai de nombreux souvenirs qui me viennent en tête, où les cannes déposées avec un amorçage de plusieurs kilos d’appâts ne mettaient pas plus d’une heure avant de faire parler d’elles! Il m’est même arrivé de prendre un départ avant même d’avoir le temps de revenir avec le bateau et de poser un pied au sol! Dans ces conditions, on peut se dire que l’amorçage a vraiment réuni beaucoup de poissons sur la zone, ce qui au final, n’est autre que le but recherché.
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La question qui fait mal… le coût des appâts!
Il est vrai que les quantités employées peuvent faire pâlir et le coût d’un tel amorçage peut en rebuter plus d’un! Si l’on prend un prix moyen pour des bouillettes du commerce de bonne qualité, disons dans les 10€ du kilo, multiplié par 40kg, cela donne un budget bouillette de 400€, sans oublier les pellets, pour lesquels vous pouvez rajouter à peu près 70/80€, et vous obtenez vite un amorçage réservé à une catégorie de pêcheurs aisés ou sponsorisés. Je vous rassure je ne suis ni aisé, ni sponsorisé, et pas assez fou pour mettre un demi mois de salaire dans les appâts d’une semaine de pêche! Ce que j’ai fait est donc à la portée du plus grand nombre d’entre nous. Je m’explique et vous livre mes petits secrets qui me permettent quelques pêches lourdement chargées en appâts, sans avoir recours à un crédit!
Tout d’abord le pellet est un formidable appât, ce n’est pas pour rien s’il est tant utilisé aujourd’hui par les pisciculteurs et certains propriétaires de plans d’eau privés pour engraisser rapidement les carpes. Son fort taux de protéine ainsi que les huiles qu’il renferme sont excellents dans un amorçage. Les huiles diffusent beaucoup, même par grandes profondeurs, grâce à cette diffusion verticale, les carpes sont informées qu’il y a à manger et cela parfois de très loin en fonction des vents et des courants. Je pense que du pellet pur dans un amorçage peut être aussi bon si ce n’est meilleur que des bouillettes, du moins disons qu’il se suffit à lui-même, après c’est à vous de trouver la bonne proportion dans l’amorçage. Personnellement je coupe à 50/50 en raison des silures et des bancs de grosses brèmes présents au Salagou, comme dans beaucoup de grands lacs. Le pellet me sert de diffuseur, même après le passage des bancs de brèmes, je sais qu’il reste des appâts au fonds, car ces dernières commenceront logiquement par manger le pellet, plus facile à engloutir dans leurs petites bouches avant de s’attaquer à des billes de 24 mm bien dures.
Son prix est également une incitation à l’employer, en effet, avec un prix de revient à tout juste 2€ le kilo suivant son diamètre, aucune bouillette ne peut rivaliser sur le rapport qualité/prix. Pour ce qui est des diamètres justement, je privilégie le 7mm et le 15mm, le diamètre 7mm me sert pour de petites profondeurs, disons moins de 10 mètres et lorsqu’il n’y a pas trop de poissons blancs et j’utilise le 15mm pour des profondeurs plus importantes, qui grâce à son poids coule plus vite et donc plus à l’aplomb que du 7mm. Le pellet c’est bien, mais les bouillettes dans un amorçage, c’est utile aussi! Comment faire me direz-vous pour mettre autant de kg dans l’eau, voir même plus! Vous avez déjà sûrement la réponse, évidemment je roule mes propres billes, et n’en déplaise à beaucoup, je m’en excuse par avance, une bouillette maison n’a pas besoin de sortir d’un labo de chimie pour être de bonne qualité et prendre de nombreuses carpes!
Comment obtenir un appât de bonne composition à moindre coût
Oubliez les recettes à 18 ingrédients, remplies d’huiles, d’attractants, et autres poudres de perlimpimpim! Cela ne fait qu’augmenter considérablement le prix de revient de votre bille, nous ne cherchons pas ici à créer l’appât miracle (si toutefois il existe…) mais à obtenir un appât de bonne composition à moindre coût. Il faut se concentrer sur l’axe que l’on veut donner à son appât, prendre un mix de base simple, et y ajouter quelques farines et attractants dont l’efficacité sur les carpes est prouvée depuis longtemps, le tout en gardant un œil sur les prix de chaque ingrédient, car il y a une différence entre faire une composition riche sans limite de prix final, et monter une recette propre et de qualité en vue de gros amorçage!
Cela fait maintenant deux ans que j’emploie la même recette, très simple, et à mon goût! Le capital confiance dans la pêche est très important, peut-être plus encore lorsque l’on commence à déverser plusieurs kilos au fond de l’eau, il est donc important de choisir des farines que l’on «sent bien»! Pour ma part j’utilise deux farines végétales pour ma base, la farine de maïs et la semoule de blé extra fine, à cela j’ajoute deux farines carnées, en l’occurrence sur cette recette de la farine de thon et de calamar ainsi qu’une épice, il faut que ça pique, je n’hésite donc pas à mettre une grosse dose de piment fort, je pense que cela est beaucoup plus utile que n’importe quel arôme. A cela j’ajoute de l’huile de poisson et du liquide de foie avec également la dose minimum de conservateur afin de pouvoir garder mes appâts en seau pour 15 jours sans apparition de moisissure. C’est très utile en cas de grosse session pluvieuse qui pourrait empêcher de garder les bouillettes en filet. Ce n’est pas la recette miracle, elle ne sort pas d’un laboratoire, toutes ces farines sont parmi les moins chères du marché même s’il m’arrive quand même de faire des exceptions de prix sur certaines farines, une sorte de «petite folie». Ce qui est sûr c’est que cela suffit à prendre des carpes, preuve en est avec l’anecdote citée plus haut et qui est loin d’être un cas isolé. Il est vrai que j’ai toujours un gars qui passe, arborant fièrement la casquette de son sponsor, reniflant mes billes sans oublier le traditionnel:
– «y a rien dans tes billes! Ça sent rien!»
– «Oui effectivement, je roule des billes à l’air, c’est plus digeste!»
Non plus sérieusement, ce genre de réflexion est vite oubliée dès que la première carpe mise à l’épuisette recrache, pour m’exprimer poliment, une bonne quantité de purée de bouillette, pour moi la preuve qu’elles les apprécient est là, et c’est bien cela le plus important! Bien sûr, rouler ses propres bouillettes demande du temps, de l’huile de coude et un petit investissement dans un minimum de matériel si l’on veut commencer à faire de la quantité. Mais il n’y a pas quatre solutions, si l’on veut disposer d’une grosse quantité d’appâts pour l’année, sans y laisser un mois de salaire, les économies se font au prix de quelques efforts. Personnellement je ne pourrais pas me permettre d’avoir autant d’appâts à disposition si je ne roulais pas mes propres billes, cela fait maintenant trois ou quatre ans que je passe entre 100 et 150kg de bouillettes à l’année, une chose impensable pour moi si je devais me servir dans les rayons des enseignes de pêche.
Pour faire baisser considérablement le prix de revient de mes appâts, je traque toutes les bonnes affaires possibles. Premièrement je commande mes farines en une fois, le fait de prendre de grosses quantités d’un coup permet souvent de bénéficier de prix avantageux, je commande mes farines végétales directement au moulin (bien moins chères qu’ailleurs), lorsque je ne prends pas de poudre d’œuf, très pratique, je compare les prix des œufs de toutes les enseignes pour aller au moins cher, 10cts sur une boite de 10 œufs ce n’est rien, mais lorsqu’il vous faut 1000 œufs et plus, ça compte. De même pour les frais de port, prendre ses farines en une fois est souvent plus avantageux que de faire plusieurs commande dans l’année, tout cela plus des commandes passées au moment de promotions intéressantes permet réellement de faire baisser le prix de revient de ses billes sans pour autant sacrifier la qualité, il est sûr que tout cela me prend beaucoup de temps, mais pour moi, c’est la seule solution envisageable pour pouvoir encore aujourd’hui pratiquer de gros amorçages! Au premier kilo déversé par-dessus bord, 9 fois sur 10 les questions fusent dans mon esprit, « Est ce que ça va marcher? », « Est ce que c’est le bon spot? », « Est ce que je n’en mets pas trop? ». Des questions vites oublié lorsque le tapis sent le mucus!