En France, le black bass est encore perçu par bon nombre de pêcheurs comme une pêche élitiste. Même si effectivement au premier abord, le black bass a toutes les caractéristques d’une pêche compliquée réservée à quelques chanceux et à une élite fortunée, nous verrons qu’il n’en est rien, et nous verrons sa situation dans son pays d’origine, les Etats-Unis.
En France, une espèce rare donc précieuse (par D.D)
Le black bass n’est pas comme le sandre, la perche ou le brochet, une espèce répandue partout. Certaines régions possèdent de belles densités de ce poisson, mais même dans ces dernières, les populations restent disparates, car très localisées. C’est d’ailleurs une caractéristique de ce poisson et c’est d’ailleurs grâce à cette dernière caractéristique que le concept de « pattern* » a pu émerger. Car comme ces poissons se concentrent à certains endroits et pas à d’autres et que ces endroits changent régulièrement, il a carrément fallu développer une « science » empirique pour, dans un premier temps, le localiser, puis dans un second le pêcher. C’est tout ce qui fait le charme de la pêche du black bass : cette recherche perpétuelle, cette équation à deux inconnues qui nous fait chercher où il mord et à quoi il mord. Cette « science empirique » atteint son summum lors des compétitions où des stratégies très élaborées sont mises en œuvre pour gagner les tournois, chacun des participants rivalisant de théories et de méthodes en tout genre. On ne connaît pas ce même phénomène avec les autres espèces qui sont bien plus facilement localisables (notamment aujourd’hui grâce aux sondeurs et aux GPS) et surtout bien plus facilement prévisibles (en terme d’horaires d’activité, de leurres et de techniques).
Le néophyte qui recherche le black bass pour la première fois doit donc intégrer des circuits d’informations parallèles (le bulletin BBF, notamment). Mais en réalité, de nombeux pêcheurs ont peur de se lancer seul dans une telle aventure, car ils sont habités par la peur du capot : un comble pour un pêcheur ! Du coup, il leur apparaît plus facile de se contenter de perchettes sur des spots connus, plutôt que de prendre le risque d’arpenter seul un immense terrain de jeu, celui de l’inconnu.
Si l’on ajoute à cette rareté et à cette apparente complexité, un prix d’achat assez élevé de l’ordre de 18 € le kilo pour une AAPPMA qui voudrait empoissonner, on tombe immanquablement dans un poisson qui possède toutes les caractéristiques d’un produit de luxe.
Et pourtant, du black bass en France, il y en a quand même un paquet !
Si l’on divise la France en deux (Nord et Sud), toute la partie sud du pays recelle de belles populations de bass, il faut juste prendre son courage à deux mains et aller les débusquer. Dès que les black bass sont repérés, généralememt ils sont capturés relativement rapidement. Car le black bass est un poisson facile à pêcher et même si le débutant peut parfois essuyer de nombreux refus de la part de poissons éduqués, la plupart du temps, la pêche est productive et très plaisante.
Car sous l’apparente technicité de sa pêche, le black bass est une espèce facilement capturable. Nul besoin de bateau, de sondeur/GPS et de moteur à commande au pied. Les approches les plus productives se font en float-tube et même parfois du bord, car le black bass est un poisson qui n’aime pas la pleine-eau et préfère se réfugier en bordure, près des obstacles, notamment ceux aménagés par l’homme (pontons, port, ponts, bateaux amarés, etc.).
Une fausse image
Ceux qui ont cette image de pêche élitiste, sont bien souvent ceux qui ne le pêchent pas. Car dans les régions abritant de belles populations, c’est surtout les jeunes pêcheurs et ceux disposant de peu de moyens financiers qui le recherchent le plus activement (du bord ou en float-tube). Mais comme la quête de ce poisson se prête à toutes les extravagances et à tous les caprices, les plus fortunés ou les plus motivés (les plus barjos pour parler trivialement) ne sont pas en reste. Ces derniers s’équipent en bassboat derniers cris pour satisfaire leur plaisir. Du coup, ce poisson possède l’incroyable faculté de rassembler à la fois les pêcheurs plus discrets et à la fois les pêcheurs les plus exubérants.
Sa situation aux US (par JC.D)
Cela fait désormais deux ans que j’enseigne en Louisiane, et mis à part la chasse, je pense qu’il n’y aurait pas eu meilleur vecteur d’intégration que la pêche du blackbass. C’est simple, tout le monde connaît ce poisson et l’a déjà pêché au moins avec l’un de ses proches, même les filles…
Pour bien se rendre compte de l’ampleur de la chose, ici aux Etats Unis, le berceau du bassfishing, voici quelques données:
Les Etats Unis c’est soixante millions de pêcheurs, quinze chaînes de télé qui diffusent des émissions sur la pêche du black bass à un moment de la journée, des circuits professionnels de compétitions tels que le FLW ou BASSMASTER, des supermarchés spécialisés bass fishing tels Bassproshop qui drainent plus de quatre milliards de dollars de revenus annuels, un marché du bassboat démesuré, et des lacs qui pour certains mesurent plus de cent trente kilomètres de longs… Et la liste est longue.
Tout a été mis en place par des passionnés, qui ont réalisé combien les Etats Unis étaient un terrain de jeu fantastique et se sont lancés pleinement dans le développement du bass fishing. J’ai bien dit développement, car même si le bass est un poisson natif, sa protection a très vite été prise en compte afin de pérenniser l’espèce. L’association fédérale Wild Life and Fisheries est le premier défenseur du blackbass, et mène de nombreuses études sur la survie, l’impact de la pêche et le développement du poisson. Les marques d’équipements, conscientes de leurs rôles, reversent également une partie de leurs bénéfices dans des actions visant à développer le cheptel. Plus de poissons, plus de pêcheurs, plus de compétitions, égal plus de matériel développé et vendu. L’équation est simple.
Tous types de profils
Ce que j’aime ici, c’est que lorsque je vais sur l’eau je rencontre tous types de profils. Le gars qui pêche le bass du bord, avec un bouchon et un vif. Celui qui a une barque des années soixante avec le matériel qui va avec. Et d’autres avec des bassboats rutilants à plus de quatre-vingt mille dollars, et trente cannes sur le pont.
Certains relâchent les blackbass car pour eux un poisson c’est de l’argent capturé en compétition. D’autres se régalent de leur chair sans forcément décimer le plan d’eau, puisque bien souvent une limite de poissons par pêcheur est imposée. Aucune honte à manger le fruit de sa pêche ici, puisque à la base la pêche est un acte ancestral visant à se nourrir.
Comme le disait David un peu plus haut, la pêche du blackbass est une pratique très ludique et passionnante pour celui qui veut se donner la peine de chercher et apprendre son comportement. Pourquoi est-ce si important ? Parce que le poisson modifie ses attitudes au fil des saisons (CF BBF) et par la même, la manière de s’alimenter.
En France on conceptualise la pêche du bass au travers de l’utilisation de leurres, de plus en plus « finesse », car on ne prend que peu la peine de chercher et on se rabat donc sur des petits spots souvent surpêchés. Du coup c’est la course au matériel haut de gamme, à l’utilisation de techniques inappropriées, et l’on se satisfait de la capture de trois misérables petits poissons.
Il faut bien avoir à l’esprit une chose, le matériel, aussi bon soit-il, ne remplacera jamais des années d’étude et de pratique. L’ouverture d’esprit qui en découle est inégalable.
Lorsque je vois avec quoi certains pêchent ici, cela ferait bondir plus d’un amoureux du beau matériel en France. Pourtant ces pêcheurs attrapent du poisson comme personne, car ils ont cette culture du bass en eux, qui coulent dans leurs veines depuis leur plus jeune âge.
Le pêcheur lambda va à la pêche simplement, sans s’enorgueillir, juste pour tenter de trouver la clef du puzzle qu’est le pattern. « Figure out the puzzle », voilà la phrase qui revient tel un leitmotiv. Car sur ces grandes étendues, trouver ce chainon manquant est synonyme de réussite. On est assuré du succès de notre schéma de pêche lorsque l’on se trouvera face au même contexte à un autre point du lac ou de la rivière. Et à ce moment-là, alors que la pêche semblait difficile avant, tout devient facile, fun, fluide, on n’éprouve qu’une envie lancer encore et encore pour continuer de ferrer et de combattre ce magnifique poisson vert.
Evidemment cet article se veut un peu provocateur tant la démesure des Etats Unis ne peut être comparée avec la scène Française, mais ce n’est pas pour autant qu’il faille jeter l’éponge aussi rapidement.
Le cheptel bass en France est suffisant pour être développé et pêché, et certaines régions restent encore à découvrir.
Le black bass est le poisson le plus ludique à pêcher que je connaisse, et un formidable facteur de développement de la connaissance halieutique et technique chez les jeunes et moins jeunes.
Ce poisson fait naître des passions partout dans le monde et fédère énormément de gens. L’association BlackBassFrance œuvre d’ailleurs depuis des années pour sa protection, son développement, et les choses semblent prendre un nouvel élan.
Depuis l’autre côté de l’Atlantique, je ne vous donnerais qu’un conseil, c’est de vous intéresser à ce poisson si fantasque et intrigant. Qui sait, peut-être allez-vous vous découvrir une nouvelle passion ? Il paraît en plus que cela fait voyager…
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