La nature nous réserve toujours de belles surprises, notamment celle de nous offrir de belles truites sauvages dans des ruisseaux perdus au milieu des bois ou des prés. Ces truites ne sont jamais très grosses et ne mettent pas le matériel à rude épreuve mais leur traque est passionnante et permet de découvrir ces coins de nature préservés.
Il est vrai que traquer des truitelles de 15 à 20 cm ne fera pas de vous quelqu’un que l’on admirera pour ses talents de pêcheur. Pour autant les puristes de la truite vous tireront leur chapeau car ils sauront quelle énergie vous avez dépensé pour sortir ces noiraudes de leurs caches.
Dans le Haut Morvan où je pratique cette pêche, la maille est à 18 cm sur ces ruisseaux. Ça peut paraître peu mais une truite morvandelle de cette taille a déjà près de quatre ans et s’est reproduite au moins une fois. L’acidité de l’eau de cette zone rustique de piémont, le manque de nourriture et la relative petitesse des milieux font des truites à la forme particulière : une tête énorme, des yeux immenses et un petit corps nerveux. En ces lieux piquer une truite de 25 centimètres relève de l’exploit car ça voudra dire qu’on aura pris une fario 100 % sauvage qui aura réussi à passer au minimum 6 ans dans la rivière sans croiser un pêcheur.
Une saison courte en ruisseau
Dans les petits ruisseaux de ces zones à forte déclivité la pêche ne démarre vraiment qu’au mois d’avril avec une eau qui va peu à peu se réchauffer. En mars l’eau est glaciale et les farios n’ont rien à se mettre sous la dent, elles sont dans une semi-léthargie et si on excepte les pêches statiques avec un ver de terre ou une teigne on risque fort de finir sa journée sans la moindre touche. En mai et juin ces ruisseaux donnent le meilleur d’eux-mêmes avec des niveaux corrects et une activité soutenue de ces petites truites. Outre le toc qui fonctionne très bien on pourra commencer à les chercher au vairon mort ou au leurre. Bien entendu on trouvera les plus belles sur les meilleurs postes comme des zones profondes le long d’un rocher ou sous une petite cascade. Les simples radiers sont souvent occupés par des truitelles. A partir de juillet, puis en août jusqu’à la fermeture, les ruisseaux sont à l’étiage mais l’eau gardera toujours une fraîcheur naturelle. C’est le meilleur moment pour pêcher aux leurres avec des micro-poissons nageurs ou des cuillères en taille 00.
Le toc ultra light en début de saison
La technique classique du toc comme elle est pratiquée en rivière moyenne trouve là ses limites avec un couvert végétal important qui va réduire l’amplitude des mouvements du pêcheur. Les cannes à fil intérieur s’en sortent mieux mais il est encore difficile de pratiquer un mouvement de balancier, même avec 3,5m. A force d’essais de diverses cannes, j’ai remisé ma téléréglable de 5m pour adopter une canne UL rockfishing conçue pour les leurres. La taille courante de 2,1m permet de passer au travers des branches et la souplesse de cette canne permet d’envoyer un simple ver de terre sur un montage de 0,5g à plus de 10m. Là aussi après des années de pratique j’ai pu constater que pincer le plomb juste devant l’hameçon permettait un meilleur contrôle de la dérive et évitait des accrocs. Le montage est des plus simple, j’aboute sur ma tresse de 6 centièmes un morceau de fluorocarbone entre 15 et 20 centièmes de 2m de long sur lequel je noue un hameçon à palette ou à œillet en taille 6 à 10 et je pince un plomb juste devant. Le reste est simple puisqu’il faut être le plus discret possible, je jette plein amont par un mouvement de balancier et je soutiens la dérive du ver en levant la canne. Cette technique fonctionne aussi avec des petits leurres souples ou des nymphes. Dans ces ruisseaux si la truite n’a pas pris au premier passage il est inutile d’insister, mieux vaut passer au poste suivant. Pour l’avoir essayé en rivière moyenne, ce toc UL ne fonctionne pas puisqu’il ne pêche pas sur une dérive mais sur un tombé devant un poste précis.
Le vairon manié à partir de la mi-avril
Depuis que je pêche les truites de tête de bassin, j’ai toujours eu beaucoup de difficultés à les faire mordre au vairon en début de saison. Le vairon est attaqué, quelquefois mâchouillé mais rarement engamé alors qu’il l’est franchement un mois après l’ouverture. Ainsi donc, je n’utilise pas cette technique en ruisseau avant le réchauffement des eaux. Le vairon manié possède une principale qualité qui est celle de sélectionner les plus jolis poissons. Pour cela je ne pêche que les postes profonds susceptibles d’accueillir une belle truite de plus de 20 cm. Ces postes sont rares et demandent de marcher mais j’ai quelques secteurs où se succèdent de gros chaudrons où une truite de 30 centimètres peut fort bien se tenir.
Le montage doit être suffisamment plombé (au moins 3g) pour atteindre le fond avant de sortir de la strike zone, malheureusement cette traque est gourmande en montures car profondeur et courant poussent la monture contre les cailloux.
Une pêche d’aventurier
Ces souches autochtones que d’aucun aimerait préserver en mettant toute tête de bassin en réserve sont totalement inféodées à leur milieu et assez faciles à leurrer. Mais elles sont si méfiantes qu’un pas lourd, un reflet, un accroc au fond, un galet qui roule sous la botte…les fera se caver pour le reste de la journée. C’est une pêche de traqueur où il faut enchaîner les kilomètres en terrain hostile et où vous ne croiserez au mieux qu’un chevreuil en ballade.
Le leurre en ultra léger en été
Lorsqu’arrive juillet et sa période d’étiage, souvent très prononcé dans les ruisseaux granitiques, je sors mes plus petits poissons nageurs et mes micro-cuillères. Là une canne UL courte est idéale pour propulser ces mini-leurres. Le corps de ligne pourra être un nylon en petit diamètre, je ne descends pas en dessous de 16 centièmes mais des pêcheurs en ultra léger pêchaient par le passé en 12 centièmes. Il s’agit là aussi de pêcher très précis car le leurre est souvent happé dès qu’il touche l’eau. Rien ne sert de lancer loin et de pêcher des radiers avec 5 cm d’eau, il faut viser les postes, passer au ras des rochers et des souches.
Bien qu’il arrive de voir les truites chasser les invertébrés dans peu d’eau, j’ai délaissé ces postes car l’impact d’un leurre, même de 3 cm les mettait en alerte.
Souvent à partir de la mi-août, l’étiage devient prononcé et il est fréquent que les ruisseaux ne coulent presque plus, il vaut mieux alors ranger sa canne. Les truites souffrent de cette situation avec un taux d’oxygène dissous très bas et une température qui va flirter sur certains secteurs exposés avec ce qu’une truite peut endurer.
L’insecte en été
Les truites de ruisseau ont en cette saison le museau dirigé vers la surface pour bien se nourrir, un bel insecte bien gras qui vient à tomber d’un arbuste fera ventre à une truite qui n’a que cette saison pour accumuler des graisses en vue d’un long hiver. C’est une pêche de précision mais d’une grande rusticité dans le sens où le montage utilisé sera le plus simple de tous. On utilisera une simple canne au coup télescopique de 6m possédant un scion assez fort. Sur ce dernier on nouera un brin de nylon de guère plus d’un mètre et terminé par un hameçon de 10 à 12. Auparavant il faudra partir à la chasse aux sauterelles et les stocker dans une petite bouteille vide d’eau minérale. Ainsi on pourra se saisir d’une sauterelle à la fois et ne pas laisser s’échapper les autres. La technique consiste à déposer l’insecte devant le poste présumé et accompagner sa dérive sur quelques centimètres. Si la truite est active, elle ne mettra pas plus d’une seconde à sortir de sa cache pour engloutir la sauterelle. On se servira de la longue canne télescopique pour plus de discrétion, son faible encombrement replié sera un atout pour progresser au milieu de la végétation.
Les leurres adaptés
La truite en ruisseau demandera l’usage de petits leurres capables de se mettre rapidement en action. Pour sa versatilité c’est la cuillère ondulante qui est vraiment le leurre 4×4 pour ces milieux. Les petites tailles et petits grammages seront un atout pour les ruisseaux peu profonds alors que les plus gros grammages, jusqu’à 5g permettront de prospecter un chaudron ou un trou sous une cascade.
Les cuillères tournantes sont le leurre de référence pour ces petits milieux, prévoir un choix de cuillères en taille 0 à 00 et en coloris classiques (argent et or) auxquels on n’oubliera pas le coloris à palette noire qui fonctionne bien en plein soleil.
Concernant les poissons nageurs le choix est plus restreint avec des modèles de 35 à 45 mm, sinking et suspending afin d’affronter tous les profils de ruisseaux. Les poissons nageurs coulants fonctionnent très bien en lancer vers l’amont et en les ramenant en effectuant quelques twitchs façon manié.
Les leurres souples sont très adaptés à ces milieux restreints d’autant qu’on arrive à trouver désormais des imitations de larves ou de vers de terre en petites tailles plus vraies que nature.
Cette traque de la truite la plus sauvage et la plus discrète de toutes est passionnante, elle vous permettra de découvrir une nature souvent préservée de l’activité humaine. Si le combat avec le poisson ne sera pas la principale motivation de ces sorties, découvrir ces petites merveilles que sont ces truites natives de ruisseau vaut largement le détour.