La montagne a toujours attiré le pêcheur de truites, notamment ses lacs qui permettent de vivre de formidables moments dans un cadre somptueux. C’est souvent au prix de quelques heures de marche que l’on parviendra à dénicher quelques petits paradis perdus au fond d’une vallée ou sur un plateau isolé. En bivouac, en refuge ou en randonnée à la journée, ces lieux vous rappelleront invariablement à eux chaque année si vous y goûtez un jour !
La pêche en lac de montagne requiert toujours quelques efforts, la plupart du temps la qualité de la pêche en dépendra directement ; plus il sera accessible, plus les chances de tomber sur un lac exceptionnel seront réduites. Cependant, tout n’est pas perdu, il existe aussi quelques zones très poissonneuses accessibles à tout un chacun si l’on prend le temps de prospecter un tant soit peu. Il peut être aussi judicieux de faire appel à un guide de pêche qui vous permettra d’optimiser votre séjour en vous emmenant directement sur un bon secteur et en vous montrant les techniques les plus adaptées. Vous gagnerez ainsi un temps précieux !
Au royaume de la mouche et du leurre !
La pêche en lac de montagne est très réglementée : il convient de bien se renseigner avant son départ auprès de la fédération de pêche du département pour connaître la réglementation en vigueur sur les lacs que vous vous apprêtez à arpenter. En effet, il est fréquent que celle-ci varie même sur des lacs très proches géographiquement. En général, les modes de pêche autorisés sont limités aux appâts artificiels (mouche et leurre) même s’il demeure possible de pêcher aux appâts naturels dans quelques lacs. La pêche au poisson mort manié est quant à elle quasiment partout prohibée.
Pour pêcher à la mouche, on s’orientera vers une canne de 9 ou 10 pieds pour soie de 6 qui permettra de mieux lancer qu’une soie plus légère en présence de vent. Au lancer, une canne de 8′ de puissance 5/20 g constitue un excellent compromis : une canne plus longue serait vite fatigante, une canne plus courte serait moins adaptée pour le maniement du leurre ou la mise au sec d’un beau poisson. En particulier si le relief est accidenté, ce qui est fréquent en montagne ! La pêche à la mouche peut être pratiquée toute la journée, même si les pics d’activité varient en fonction des saisons et de la météo. Ces zones d’altitude connaissent une grosse activité au plus chaud de la journée en début de saison, soit entre 13 et 16 heures environ. Au cœur de l’été, ces pics d’activité vont se décaler aux deux extrémités du jour : aurore et crépuscule. Cependant, le climat très changeant en montagne peut bouleverser la donne à tout moment : l’arrivée d’une dépression peut déclencher des éclosions d’insectes à tout moment de la journée par exemple, et ces dernières engendreront une phase d’activité des poissons.
Quelques mouches et leurres indispensables
Les mouches conseillées vont du chironome à l’imitation de sauterelle, en passant par les sedges, les imitations d’éphémères, et celles de sialis. N’oubliez pas non plus d’emporter quelques imitations de scarabées, toujours très utiles quand on ne sait plus quoi monter au bout de sa ligne. Les lacs de montagne aux eaux souvent cristallines constituent aussi un véritable paradis pour la pêche à vue, et en particulier pour la pêche en nymphe à vue. C’est une technique à maîtriser un minimum avant d’aller se frotter aux lacs de montagne. Quand les poissons ne montent pas s’alimenter en surface, elle sera bien souvent la parade et vous permettra de toute façon de tirer votre épingle du jeu dans beaucoup de situations. Cette technique est finalement peu pratiquée en général, et la maîtriser vous donnera un avantage certain lors de vos pérégrinations en montagne. Il vaut mieux à mon humble avis être capable de pêcher à vue plutôt que de savoir lancer à trente mètres dans ces lacs d’altitude !
En observant un peu, vous verrez que les poissons se tiennent souvent très près du bord, vraiment très près… Mais nous allons y revenir plus loin.
La pêche aux leurres modernes présente quant à elle nombre d’avantages en montagne. La diversité des leurres du marché permet désormais de s’adapter à quasiment toutes les situations rencontrées : coulants, suspending, flottants, profondeurs de nage différentes vous permettent de pêcher juste dans n’importe quelle configuration : arrivée d’eau, haut-fond, cassure, zone profonde. N’oublions pas que la période d’abondance est très réduite sur ces lacs et que les truites y sont particulièrement opportunistes. Un leurre bien choisi et bien animé a toutes les chances de trouver preneuse ! Pour l’anecdote, il m’arrive fréquemment de pêcher avec des leurres de plus de 10 centimètres en ciblant les gros poissons et de prendre des truites à peine maillées sur ce type de leurre ! Il faudra se munir donc de différents modèles afin de pallier les différentes situations rencontrées. Des leurres « suspending » sont préférables pour pêcher les zones dont la profondeur n’excède pas 2,50 m : B’Freeze (Lucky Craft) ou DD Squirrel (Illex) en version SP sont parfaits. Des cuillers ondulantes pour pêcher loin et creux s’imposent aussi dans la panoplie du pêcheur de lac : Snack (Ragot), Syclops (Mepps) ou encore Heaven (Smith) sont incontournables, et si vous souhaitez lancer encore plus loin, des casting jigs peuvent tout à fait être utilisés en lac comme le Biastos Aji 20 g (Decathlon) ou le Metal Forecast 28 g (Smith). Les cuillers tournantes par contre ne présentent pas vraiment d’intérêt en lac de montagne. Des leurres coulants à bavette compléteront votre boite : D-Contact 63, 72 voire 85 (Smith), Rapala Original CD, Ryuki 70 (Duo). Ils constituent le chaînon manquant entre les leurres suspending et les cuillères ondulantes, et vous permettront de pêcher creux, loin, de façon plus marquée qu’un leurre suspending mais moins que ce que vous pourriez faire avec une ondulante. Enfin, quelques lipless ne sont pas un luxe : Wander (Lucky Craft) ou encore Troutin Surger (Smith) avec une taille adaptée à votre pêche. N’hésitez pas à employer des leurres de 7 ou 8 cm en lac de montagne ! Les leurres souples fonctionnent aussi : on peut citer le Rock Vibe Shad (Reins) ou la Flash J (Fish Arrow) à utiliser en taille 2, 3 ou 4 pouces.
Reconnaître les bons postes
On peut être très désorienté quand on débute la pêche en lac de montagne : tout semble identique, on ne sait pas par où commencer. On pourrait donner deux conseils préalables : munissez-vous de lunettes polarisantes et observez la berge. Les lunettes vous permettront de visualiser une partie du fond (herbiers, obstacles, etc.) tandis que la berge vous donnera de précieuses informations concernant la nature du fond. Il est en effet fréquent que le relief de la berge continue sous l’eau de la même manière : escarpement, ravin, plage, falaise… Sachez que tout accident du relief constitue un bon poste : une faille, un bloc rocheux immergé, un arbre mort, une cassure, une zone de hauts-fonds constituent autant de postes qu’il faudra absolument prospecter. Ensuite, tous les endroits où l’on trouve du courant seront bien sûr des « hot spots » : arrivée de tributaires, exutoire du lac sont des zones où la nourriture est concentrée, et cette dernière concentrera aussi les poissons ! Il existe cependant une autre forme de courants à laquelle on ne pense pas forcément, ce sont les couloirs de vent. Ces zones concentrent aussi de la nourriture, et on peut les voir se matérialiser en surface par des lignes de mousse blanche bien visibles. Il est fréquent de voir les poissons les remonter à contre-courant en gobant les insectes qui y dérivent en surface. Les truites lacustres se déplacent bien plus que leurs congénères de rivière, et il est fréquent d’observer ces déplacements en quête de nourriture. La parade consiste alors à anticiper le déplacement du poisson en lançant dans la direction que prend ce dernier, quelques mètres en amont, que ce soit à la mouche ou au leurre. Un couloir de vent assez facile à repérer est issu de ce que les scientifiques nomment effet Venturi du nom du physicien qui a démontré ce phénomène. En gros, contraint de s’écouler dans une étroiture, le vent s’accélère comme la vitesse du courant qu’il crée. Si par exemple, une île est située à une centaine de mètre de la berge, et que le vent est parallèle à la berge, même modéré, il va créer un courant plus fort entre l’île et la berge puis encore après cette zone, tandis qu’en amont vent et courant resteront modérés. Bien sûr, cette zone sera très intéressante à exploiter pour le pêcheur !
Généralement, l’activité des poissons va dépendre de la météo. En règle générale, plus le temps est couvert et venteux, plus l’activité sera importante. Le souci en montagne, est que dès que ce temps est de la partie, les orages ne sont pas bien loin ! Et là, la plus grande prudence est de mise. Il est préférable d’anticiper l’arrivée d’un orage et de se mettre à l’abri, et si vous n’avez pas eu cette possibilité, il va falloir se faire tout petit, allongé au sol en éloignant votre canne et tout objet métallique. Ce type d’expérience n’est pas des plus agréables et il faut toujours garder en tête que la météo reste très changeante en montagne. Il faut y être préparé tant dans les vêtements à emporter que dans les attitudes à observer. Mais revenons à nos moutons : plus le temps sera agréable, ensoleillé et sans vent, plus la pêche sera compliquée : il faudra alors descendre en diamètre de ligne pour enregistrer quelques touches. En pêchant à vue, vous aurez le loisir d’observer le manège des truites qui effectuent très souvent des circuits réguliers à la manière des carpes et viennent chemin faisant gober un vairon imprudent ou une larve en train d’émerger.
Être discret !
C’est à ce moment-là que vous comprendrez tout l’intérêt d’être discret au bord de l’eau : les poissons passent souvent à quelques centimètres des bordures : un pêcheur arrivant debout au ras de l’eau et lançant le plus loin possible aura déjà mis en fuite ou en alerte une grande quantité de poissons sans même s’en rendre compte. Préférez une approche « féline », baissé et en effectuant vos premiers lancers en retrait de la berge. Les eaux lacustres sont généralement limpides, se camoufler suffisamment est obligatoire, d’autant plus que la nourriture est souvent très abondante près de la rive : insectes divers et variés qu’ils soient d’origine aquatique ou terrestre, vairons, etc. Que la rive soit située face au vent (nourriture ramenée par les vaguelettes) ou sous le vent (nourriture arrachée à la berge), vous aurez toujours intérêt à soigner votre approche, et à toujours commencer de pêcher en parallèle le long de la berge. Il sera plus intéressant de pêcher les bordures avant de s’attaquer à la pleine eau : un poisson pris ne dérangera pas ses congénères du large, alors qu’un poisson pris au large mettra en panique tous les poissons situés en bordure quand il sera ramené et combattu. Ce sont des petits détails, qui à la fin d’une journée de pêche peuvent vous permettre d’avoir réussi votre partie de pêche. Dans le cas contraire, vous aurez toujours la satisfaction d’avoir fait une belle randonnée en montagne, mais ce n’était sans doute pas le seul but de votre visite ! A ce propos, le transport du matériel en lac d’altitude devient vite un choix primordial : il doit être léger et peu encombrant. On s’orientera donc vers des cannes multi-brins (4 ou 5) qui si elles sont courantes dans les cannes à mouche, le sont beaucoup moins dans les cannes à leurre. Cependant quelques marques reconnues proposent dans leur gamme des outils performants (Daïwa, Smith, Tenryu). J’utilise personnellement une 4 brins ou une 5 brins (respectivement 5/20 g et 6/16 g) en fonction des leurres utilisés et je n’en changerais pour rien au monde !
Les lacs de montagne offrent au pêcheur la possibilité de se ressourcer dans des paysages sublimes. C’est aussi l’occasion de partager de bons moments avec des amis lors d’un bivouac en altitude après quelques heures de marche. Pensez bien à redescendre vos déchets afin de ne pas souiller cet écrin de beauté naturelle encore sauvage !