Les cuillères ondulantes, comme les fameuses Mepps Syclops, sont des leurres connus de longue date pour pêcher la truite. Celles-ci ont pourtant été pendant longtemps délaissées en France au profit des poissons nageurs plus « modernes » pour la traque des truites et autres salmonidés au leurre. Pousser par les firmes japonaises et la démocratisation des leurres « area », ces morceaux de métal estampés redeviennent tendance notamment sur la truite. En effet, il s’agit de leurres redoutables d’efficacité, subtils et techniques qui peuvent être de véritables « sauve bredouille » dans les conditions difficiles. Voici comment exploiter ce leurre si particulier.
Ces leurres métalliques tiennent leur nom de leur nage tout en ondulation, de gauche à droite. Aujourd’hui, de nombreuses marques proposent une gamme de cuillères ondulantes. Mais pas n’importe lesquelles ! Il s’agit de micro cuillères ondulantes (« spoon » en anglais) de 1 gramme (voire moins) à 7 grammes pour la plupart. Ces cuillères ne sont pas là par hasard. Elles sont le fruit de la démocratisation des gammes « area » (pêche en réservoir) très populaires au japon. En effet, ces leurres sont très employés sur des truites de réservoir très éduquées et surpêchées, continuellement traquées et relâchées. Ces ondulantes sont devenues les leurres de base de la pêche dans ces pièces d’eau fermées car très efficaces et éprouvées en compétition. Les ondulantes combinent plusieurs avantages et n’ont pas leur pareil pour créer des touches sur des poissons difficiles. Des marques proposent des centaines voire des milliers de modèles de grammages, formes, matières et couleurs différentes… Dans la droite ligne de la démesure japonaise et la philosophie perfectionniste de pousser la technique à son paroxysme.
Morphologie des cuillères ondulantes
Une cuillère ondulante est un morceau de métal estampé, avec une forme galbée et incurvée, formant un « S » tendu, pour créer une nage « ondulante ». Deux trous servent à la fixation de la ligne et à la fixation de l’armement. C’est un leurre de forme très simple mais pour autant très technique. L’épaisseur du métal va jouer sur la masse de l’ondulante et sur sa nage. Les finitions les plus courantes sont brutes (métal nu, doré, argenté…), martelées ou gravées (effet écaille et brillance), peintes, avec un revêtement holographique ou avec une couche de nacre (« awabi » en japonais). Les motifs « marque de doigt » (« yamame », la truite japonaise) sont récurrents ainsi que les couleurs « pellet » très efficace sur les truites arc-en-ciel surdensitaires, évoquées un peu plus haut, habituées aux nourritures en granulé.
La forme a aussi une incidence sur la nage : globalement, plus une ondulante sera large, plus elle offrira de prise à l’eau et plus elle aura une large amplitude de nage à vitesse de récupération réduite. Les cuillères légèrement galbées et fines fendent mieux l’eau et sont plus destinées aux courants. Leur rolling (roulement) est plus prononcé.
Comme souvent sur les poissons éduqués et difficiles, c’est la philosophie du downsizing et la réduction des stimuli qui permet de duper les poissons récalcitrants. Les ondulantes compactes et discrètes (moins de 3cm pour la plupart) répondent parfaitement à cette approche.
Autre aspect intéressant, une ondulante, même haut de gamme et à la finition irréprochable sera moins onéreuse qu’un poisson nageur, sans pour autant être moins efficace, au contraire !
Fixation d’une cuillère ondulante
Il est possible de fixer la ligne à l’ondulante par plusieurs moyens. Étant peu friand des agrafes, j’utilise souvent un nœud type « rapala », qui créé une boucle et laisse un maximum de liberté de nage à mon ondulante. C’est particulièrement vrai sur des modèles très légers (moins de 1,5 gramme).
Une simple boucle passée en tête permet aussi de fixer le leurre. Je la trouve cependant moins discrète mais pratique.
Ces deux types de raccord nécessite que le métal soit bien ébavuré au niveau du trou afin de ne pas abimer et couper la ligne. Un anneau brisé peut-être mis en place, cela facilite la fixation à l’aide de nœud classique. Cela demande de la préparation en amont de la sortie pêche et il faut que l’épaisseur de métal ne soit pas trop grande pour pouvoir passer l’anneau.
Les agrafes sont les plus couramment utilisées car très simples et pratiques. Elles nécessitent cependant d’être adaptées à la taille de l’ondulante. Une agrafe trop petite ne pourra pas être passée dans le trou de tête et une trop grosse bridera l’ondulante et lui fera perdre en efficacité.
J’ai déjà vu certains pêcheurs monter un émerillon baril pour pouvoir faire tourner l’ondulante sur des récupérations rapides. C’est un détournement assez intéressant pour pêcher de manière agressive sans vriller le fil.
Armement d’une cuillère ondulante
L’armement de ces ondulantes est lui aussi revisité. Fini les hameçons triple. Les ondulantes sont équipées pour la plupart d’hameçon simple. Ces hameçons simples permettent une piqure plus saine du poisson. La présentation de l’hameçon simple, pointe toujours vers le haut, offre aussi la possibilité de pêcher très lentement près du fond en limitant les risques d’accrochages. C’est très pratique dans les fosses encombrées ou près des racines. Par ailleurs, les hameçons simples étant plus légers que les triples, là encore on gagne en fluidité de nage et facilité de mise en mouvement. Les hameçons simples destinés aux ondulantes sont différents des hameçons simples à poisson nageur. Ils ont en effet l’œillet perpendiculaire à la pointe (et donc parallèle au métal de la cuillère) pour être pointe vers le haut.
Les petits assist hook sont aussi tout indiqués pour ajouter un attrait coloré (spot rose ou orange incitatif) permettant de cibler l’attaque. La souplesse de l’assist favorise encore l’aspiration de l’hameçon et son bon positionnement dans la gueule de la truite. Qui plus est, cela diminue le nombre de décrochages en enlevant un point d’appui potentiel.
Nage et animations d’une cuillère ondulante
La première approche de la pêche à l’ondulante est assez simple et abordable. L’animation de base consiste à ramener son ondulante de manière linéaire. Au fur et à mesure des lancers/ramenés, vous trouverez la vitesse de récupération adéquate à laquelle l’ondulante nage de manière optimale : c’est-à-dire à la limite du décrochage. Si vous ramenez trop vite, l’ondulante va tourner sur elle-même et occasionner un vrillage de la ligne en plus de ne pas être très efficace. Trop lentement, l’ondulante va pêcher creux mais va décrocher et n’aura pas une amplitude de nage attrayante. C’est un équilibre subtil.
C’est au pêcheur de s’adapter à l’ondulante et non l’inverse. Si vous trouvez que votre ondulante nage trop lentement, il faudra opter pour un modèle plus lourd ou moins large. C’est entre autre pour cela que de nombreux spécialistes de la pêche à l’ondulante possèdent des trousses bien fournies en modèles aux caractéristiques différentes et complémentaires, afin de pouvoir trouver l’ondulante ayant l’amplitude de nage voulue à la vitesse de récupération désirée et évoluant à la profondeur souhaitée. Tout cela est à moduler en fonction de la vitesse du courant, la profondeur, la distance de lancer, les proies en présence et la taille des truites…
Certains modèles sont plus polyvalents et passe partout que d’autres comme les nouvelles Native Spoon d’Illex ou les Pure de la firme Smith.
Outre l’animation de base en linéaire, d’autres animations sont possibles, comme les falling (chute) où la cuillère coule en ayant un rolling attrayant. Ce type d’animations est très intéressant lors des pêches dites « amonts » (« upstream » en anglais) pour peigner sous les chutes et blocs rocheux.
Les modèles assez fins et denses peuvent être animés en twitch. Une animation qui nécessite là encore de bien connaitre son ondulante pour bien doser les coups de scion. Ce type d’animation peut être redoutable pour déclencher les attaques lors des journées difficiles.
Canne et moulinet pour pêcher à l’ondulante
L’emploi des ondulantes requiert une canne d’action fast ou modérée voire parabolique. En effet, il n’y a pas besoin d’une canne très précise et directive pour animer ces cuillères. Ces actions permettent de concrétiser un maximum de touches car elles encaissent et amortissent mieux les attaques sur des animations lentes et linéaires. Les cannes à scion plein et courbure progressive sont aussi adaptées, notamment pour les ondulantes de moins de 3 grammes. La longueur est à adapter au gabarit du cours d’eau. En adéquation avec la longueur de la canne, j’utilise un moulinet en taille 1000 ou 2000. Ce dernier est garni de nylon. Le choix du ratio du moulinet est dicté par les tendances à pêcher plutôt en aval ou plutôt en amont. Pour pêcher en amont, on préfèrera la récupération rapide offerte par un moulinet à haut ratio. Tout comme pour la canne, l’emploi d’un nylon, bien plus élastique que la tresse permettra d’encaisser les touches, même violentes et de limiter les décrochages en favorisant un meilleur contact avec le poisson lors des combats. C’est particulièrement vrai lorsqu’on emploie des hameçons simples sans ardillon. Cela ne gêne que peu la sensibilité et la perception des touches car la ligne est presque perpétuellement en tension et le pêcheur garde un contact quasi permanent avec l’ondulante.
Astuces et approfondissement
A plusieurs reprises, j’ai constaté que les ondulantes donnaient d’excellents résultats lors des éclosions d’insectes. Il faut cependant opter pour des modèles très légers et fins (moins de 2 grammes). C’est une pêche un peu déroutante au début, il faut laisser papillonner et onduler sa cuillère en la ramenant très lentement. Cette pêche très lente et fastidieuse m’a à plusieurs reprises permis de réaliser de belles pêches lorsque les autres types de leurres ne généraient aucune touche.
A contrario, il est possible d’exploiter la densité des ondulantes pour pêcher lourdement en dérive dans les courants soutenus. Par ailleurs, il est possible de lancer très loin ce type de leurre pour atteindre des postes éloignés.
Les micros ondulantes issues de l’ « area master » au japon sont avant tout destinées aux truites arc-en-ciel. Heureusement, tout est transposable aux natives, nos truites farios. Pour l’ouverture, que ce soit sur les poissons sauvages ou les surdensitaires, il y a fort à parier que jouer la carte des ondulantes vous permettra de prendre des mouchetées. Qui plus est, c’est une façon technique et ludique d’aborder les surdensitaires souvent rechignées.
3 cas pratiques
Pour les types de postes suivants, à adapter bien évidemment à la morphologie du cours d’eau, voici comment j’aborderais la pêche et avec quels modèles. Bien entendu, il est possible d’exploiter les produits d’un grand nombre de marques et il ne s’agit en aucun cas d’une science exacte.
Pêcher amont en torrent
J’aurais tendance à choisir un modèle dense et agile sur les falling. La densité permet des lancers précis en un simple balancier de la canne. Une alternance de falling et de twitch permet une nage attractive, creuse et pas trop rapide par rapport à la vitesse du courant.
Choix : Illex Native spoon 3,5g et T-Grovel 2g ou 2,8g.
Pêcher en lac
La pêche en lac est particulière car il faut prospecter du terrain et différentes couches d’eau. Les ondulantes permettent de pêcher petit, loin et creux. Une nage avec un fort rolling et une belle amplitude fait miroiter les flancs pour un attrait visuel bien visible.
Choix : Illex Native spoon en 2g ou 3,5g ou Tearo en 2,4g.
Pêcher en rivière ¾ aval
Lors des prospections vers l’aval, j’aurais tendance à peigner les postes marqués lentement en passant précisément sur le poste. On prendra soin de lancer en amont et derrière le poste repéré pour faire passer la cuillère au mieux. Il faut donc « driver » sa cuillère et lui faire effectuer une dérive précise et contrôlée tout en laissant travailler creux et ample à la simple sollicitation du courant.
Choix : La Illex Apeed est toute indiquée dans cet exercice. Le grammage est à adapter en fonction de la force du courant et de la profondeur du poste.