La mode actuelle est au gros leurre, voire au très gros leurre . Alors qu’il y a encore cinq ans un Buster jerk de 80g (jerkbait) était considéré comme un big bait, on n’hésite plus désormais à pêcher avec des leurres souples de 150g, où plus encore. Est ce que les carnassiers les attaquent plus ? Est ce que les gros carnassiers les ciblent en priorité ?
Les esprits les plus contestataires d’entre nous croient que cette mode est imposée par nos fabricants pour relancer le commerce du matériel mais il n’en est rien. L’usage de ces gros leurres est très courant dans les pays nordiques afin de viser les gros brochets qui hantent ces eaux. Cette approche dans la pêche des spécimens arrive chez nous depuis peu, surtout depuis que quelques pêcheurs ont de très bons résultats avec.
Le premier des gros machins !
J’ai le souvenir de l’arrivée en France des Bulldawgs, ces espèces de grosses anguilles lestées en interne et qui pesaient un poids fou. Ces leurres souples pour pêcher le brochet (swim bait) arrivaient tout droit des Etats Unis où ils sont très utilisés pour pêcher le muskie mais en France, à l’époque quasiment aucune canne n’était disponible pour utiliser facilement ces engins qui martyrisaient les épaules. Puis Savage Gear a démocratisé ce type de leurre avec sa fameuse anguille qui, bien que moins lourde et demandant des cannes moins puissantes, a pris énormément de beaux brochets. Désormais, et même si la marque scandinave reste leader, les autres ont compris que la demande était là et fournissent dorénavant des leurres souples et durs en grande taille.
De l’usage du bon leurre
Notre vieille habitude française est de pêcher depuis des lustres avec des leurres américains ou japonais destinés avant tout au black bass. Nous pêchons donc avec des leurres durs de 10/14 cm et des souples de 8/12 cm. C’est ancré dans une sorte de tradition qui fait que la plupart des pêcheurs sont effrayés par les gros leurres, ils pensent qu’ils sont durs à lancer, et que surtout ils ne sont pas adaptés à nos eaux peuplées en majorité de brochets de tailles moyennes. Et il se prend chaque année des brochets de plus du mètre avec des lipless de 8cm, des jerks de 12 cm ou des cranks de 6 cm, que dire des leurres souples de 10 cm qui visent sandres, perches et brochets ! Pourtant ceux qui recherchent les gros poissons sont depuis longtemps passés au gros steak et ont oublié la théorie du down sizing si chère au pêcheur hexagonal. Si le pêcheur voulait réfléchir une minute, il remarquerait que dans le cas du brochet, celui-ci cherche ses proies parmi les géniteurs au printemps, les poissons de l’année en fin d’été puis les plus gros en automne hiver lorsque tombent les températures. Ce pêcheur en déduirait qu’il faut pêcher avec du gros quasiment toute l’année sauf à la période de rassemblement des poissonnets où les brochets font bombance mais qui ne dure pas si longtemps que ça. On pourrait en conclure qu’un pêcheur pêchant au jerkbait au printemps et au gros leurre souple en automne hiver serait un pêcheur judicieux.
Tout et son contraire et inversement
Pourtant tout le monde connaît des contre-exemples avec ce joli poisson de 90 cm pris en novembre sur une virgule de 6 cm. J’ai vécu personnellement cet épisode dans un étang peuplé de gros brochets avec des journées où ils ne voulaient que du petit et le lendemain que du gros !!! Mais en moyenne le gros leurre rapportait plus de belles prises que le petit sur la durée de la saison.
Certes aussi au gros leurre on piquera des sifflets trop gourmands mais c’est marginal, le gros leurre va rapporter du gros poisson à condition bien entendu de le chercher là où il doit se trouver. Pêcher une bordure peu profonde en hiver avec un leurre souple de 20 cm va rapporter quelques touches… de petits brochets. Mais se décaler sur la cassure dans plusieurs mètres d’eau pourra rapporter la touche du jour avec un beau poisson à la clé. Beau poisson qui aurait peut-être mordu ou pas sur un leurre plus petit ! Personne ne peut savoir quelle sera la réussite d’un leurre et l’usage de caméras subaquatiques accrochées à la ligne ont montré que beaucoup de gros brochets suivaient les gros leurres alors qu’ils ignoraient les petits. Rien que pour ça, l’argument du gros leurre est pertinent puisqu’il fera au moins bouger les gros poissons.
Un gros leurre pour gros poisson : Le Lotzilla de Trophy Pike Solution, 34 cm pour 113g. Comptez 150g avec l’armement pour rechercher les plus beaux brochets.
Un matériel adapté
Lancer du gros bazar toute une journée vous fait vite comprendre que la pêche n’est pas un sport de fillette. L’idéal pour ces leurres de 100g ou plus est une canne casting appropriée, longue d’au moins 2,4m et équipée d’un moulinet solide. Pas besoin d’un moulinet surdimensionné mais il devra contenir au moins 150 m d’une tresse de 25 centièmes ou plus, ce qui implique une bobine assez profonde. Concernant la tresse j’ai un faible dans ce cas pour les tresses quatre brins qui à l’usage vont s’aplatir un peu, ainsi on évitera le chevauchement des spires sur la bobine qui provoque de belles casses avec des gros leurres. La plupart des leurres de fortes tailles sont soit des swimbaits soit des leurres souples anguiformes qui ne tirent pas sur la canne et qui ne demandent aucun maniement, pour cela une canne avec une poignée longue sera préférable pour lancer et pour la caler sous son aisselle lors du ramené.
La plupart des cannes big bait n’étaient pas aussi techniques que celles destinées au leurres plus courants, Abu Garcia a sorti dernièrement la Fantasista Beast, une canne de grande qualité destinée aux gros poissons dans une fourchette tarifaire de 200/250 euros.
Ces gros leurres demandent des accessoires dimensionnés à leur taille, les agrafes et bas de ligne on tout intérêt à être solides.
Il est sûr qu’effectuer des « han » de bûcheron toute la matinée est moins ludique que d’envoyer d’un revers de poignet un petit leurre mais le jeu en vaut la chandelle. On aura bien moins de touche que les copains, c’est sûr, mais quand ce sera pendu au bout…Vous ferez des envieux.