Qui dit pêche de la carpe, dit forcément interactions avec des espèces que l’on ne souhaite pas forcément capturer. La carpe reste un poisson blanc, et, qu’on le veuille ou non, notre amorçage va attirer du monde au fond. En rivière plus particulièrement, l’impact du tout-venant peut se transformer en véritable guerre des nerfs, surtout quand on doit replacer les montages après chaque touche de chevesne, brème ou autre barbeau, de nuit voire en bateau…
Je vais essayer à travers quelques retours d’expériences partagés avec des amis, de vous présenter des approches variées qui, à terme, nous ont permis d’éviter de nous faire lessiver les postes par des nuisibles et ainsi optimiser notre temps de pêche avec les poissons ciblés.
Le « Piège à barbeaux »
Comme tout le monde, j’ai des souvenirs éprouvants de nuits blanches où j’ai été contraint de jongler avec énormément de touches de poissons blancs, toute la nuit. Une zone amorcée qui attire une horde de chevesnes peut vite devenir une zone de guerre sous l’eau ! Entre les touches ou les tirées sur les lignes, quand ce sont parfois plusieurs dizaines de poissons blancs qui se piquent ou déplacent les montages dans la nuit, on en vient forcément à se demander s’il restera quelque chose quand les carpes passeront… si jamais elles passent. Selon l’espèce de poisson blanc qui vient squatter mon amorçage, j’ai tendance à être plus ou moins confiant sur l’issue de la nuit ou de la session. Lorsque je touche de la brème ou du barbeau, en règle générale, les carpes ne sont pas loin. Quand c’est un troupeau de chevesnes déchaînés qui entre sur la piste, mon expérience m’a appris qu’il y a peu de chances que la nuit soit inoubliable en termes de carpes. Ces constats ne sont pas gravés dans le marbre, mais les retours de terrain tendent quand même à confirmer ces théories.
En rivière, en m’inspirant d’expériences d’amis, j’ai tenté une approche qui permet de piéger les indésirables sur une zone, pour préserver les zones amorcées pour la carpe. C’est aussi simple que ça. Cette approche, je la réserve à des sessions courtes d’une à trois nuits. Elle nécessite une logistique particulière et un poste qui s’y prête. En amont de la pêche, je prépare plusieurs grands seaux de mélanges de graines ; en règle générale un mélange de maïs et de blé. Les seaux que j’utilise ont une contenance d’une quinzaine de litres. J’en prépare au minimum trois pour deux nuits de pêche. En termes de cuisson, pas de chichi, je fais cuire les graines jusqu’à ce que certains grains de maïs éclatent et je laisse refroidir le mélange dans le jus de cuisson.
Un amorçage carpe dissocié du « piège »
Deux jours avant la pêche, je viens amorcer la zone qui accueillera mes montages destinés à la carpe. Dans ce genre d’approche, j’aime alors pêcher avec peu de cannes, deux généralement, qui seront localisées sur un petit périmètre. J’ouvre ici une parenthèse, rien n’empêche d’adapter son nombre de cannes et d’étendre sa zone de pêche. Personnellement je ne le fais que rarement car je souhaite rester le plus discret sur la berge.
L’amorçage « carpe » est en règle générale constitué d’un mélange de bouillettes et de noix tigrées. Comme à mon habitude, j’affectionne les appâts assez durs, susceptibles de résister aux assauts du tout-venant une fois au fond de l’eau. Le jour J, une fois sur mon poste, je commence alors par mettre en place la première phase du piège. J’essaie d’arriver sur place quelques heures avant mes horaires d’amorçage. Pour ce faire, je mets mon bateau à l’eau, prends un des seaux de graines, et remonte plusieurs dizaines de mètres en amont du coup amorcé. Une bonne cinquantaine de mètres offre déjà un bon périmètre de sureté. J’amorce alors très largement l’intégralité du seau de graines, de manière à couvrir une très grande surface. Une telle quantité de particules va alors créer sous la surface une zone particulièrement attractive pour les poissons blancs alentours, qui vont se précipiter sur cette manne providentielle. C’est tout l’intérêt de couvrir une large zone, car plus la surface couverte de particules sera étendue, plus les poissons prendront du temps à nettoyer le secteur. Je reviens ensuite sur mon poste, et prends le temps de m’installer pour être aussi efficace que discret sur la berge comme sur l’eau. À ce moment de la session, le temps travaille pour moi…
Place à l’amorçage pour les carpes
Je dépose mes montages à la rame pour être le plus discret possible, le moteur n’est sur le bateau que pour une seule mission, celle de se rendre sur le poisson en cas de départ. L’amorçage autour des montages est alors réduit, une trentaine de bouillettes sur quelques mètres carrés et un soluble sur l’hameçon pour garantir une bonne présentation une fois en place. Je laisse travailler le piège entre deux et quatre heures, avant de retourner verser une généreuse ration de graines sur la zone. Cette seconde séance, je la fais un peu avant le coup du soir, pour que le calme retombe et que les poissons puissent circuler en toute tranquillité.
En règle générale (car rien n’est jamais certain à la pêche…) je passe une nuit sans être importuné par les poissons blancs. Mais les carpes, elles, n’ont alors aucun mal à trouver mes appâts ! Les carpes restent en général en périphérie des amorçages et de l’agitation, avant d’entrer sur la zone pour s’alimenter. Ce piège me permet donc d’optimiser un placement en périphérie d’une activité foisonnante de poissons blancs, et donc d’espérer piéger des carpes.
Sur une session de plusieurs nuits, il est alors facile de savoir quand la zone est nettoyée ; c’est à ce moment-là que je commence à piquer des poissons blancs sur mes montages. Quand cela se produit, je relève les lignes, patiente, remonte sur la zone amorcée de particules, et je remets le couvert pour une nouvelle phase de regroupement des poissons indésirables.
Cette approche m’a permis de vivre de superbes moments avec de magnifiques poissons, sans pour autant être importuné sur mes spots par une foule d’indésirables qui m’avaient pourri la pêche sur des sessions précédentes (mais sans cette approche). On peut réfléchir à placer un montage sur ce fameux « piège », mais personnellement je ne le fais pas pour la simple et bonne raison que, cherchant à rester discret sur la berge, augmenter les risques de touches sur un montage supplémentaire avec de forts risques de poissons blancs ne m’intéresse pas. Je préfère me concentrer sur un espace moins étendu et optimiser mes chances.
Le « Feeder Intensif »
Pour cette seconde approche, là encore je n’ai rien inventé, loin de là. La stratégie reste de harceler autant que possible les poissons blancs en cours de session. Cette approche, nous l’avons appliquée sur des sessions longues sur un même poste. Sur une pêche de siège, nous apportons alors l’équipement du parfait petit pêcheur au feeder ou presque, et construisons un coup que nous allons pêcher en journée tous les jours. Une des expériences parmi les plus flagrantes, nous l’avons vécu sur une session où les carpes mordaient presqu’exclusivement la nuit.
Bien entendu, pour cette approche, nous enlevons en journée une des cannes à carpe pour respecter la législation nous limitant à 4 cannes par pêcheur. La pêche peut se faire indifféremment sur l’amorçage ou en périphérie selon les distances pêchées.
L’objectif reste vraiment de pratiquer une pêche intensive sur ces indésirables et essayer d’en capturer un maximum chaque jour. Cette pression de pêche soutenue sur plusieurs jours a pour effet de concentrer progressivement l’activité des poissons blancs sur une période diurne. En session, les premières nuits, nous étions importunés plusieurs fois dans la nuit par des poissons blancs qui entraient sur notre amorçage. Avec une approche qui consistait à capturer les poissons blancs au feeder en journée, tous les poissons blancs ont déserté les montages à carpe au bout de trois nuits, alors que nous capturions plusieurs dizaines de brèmes et barbeaux chaque jour au feeder ! Mieux encore, au fur et à mesure que l’activité des poissons blancs sur les montages à carpe diminuait, nous touchions d’une part plus de poissons, mais en plus de ça nous les capturions de plus en plus vite et de plus en plus tôt dans la journée.
Sur une autre session où nous avons remis en place ce procédé, nous avons reproduit le même résultat. La différence notable était que nous avions la chance d’avoir une activité de poissons aussi bien diurne que nocturne. Nos coups au feeder étaient situés entre les cannes à carpe, nous avons centralisé chaque jour les poissons sur cette zone tout en ayant des touches de carpes sur les montages qui leur étaient destinés. Cette seconde stratégie se rapproche du premier exemple, la différence notable reste que nous l’avons surtout appliquée sur des périodes plus longues et que d’une certaine façon nous n’avons pas créé de zone propre aux poissons blancs ; nous les avons intensivement sollicités à proximité des coups de manière à ce qu’ils soient moins présents.
Rien n’est figé, l’adaptation est la clef
À travers ces deux exemples, j’ai voulu présenter deux approches qui ont fait leurs preuves.
Certes, nous ne sommes pas au fond de l’eau pour observer ce qui se passe réellement, et nombreux sont ceux qui doivent avoir en tête des contre exemples et des variantes. Ce ne sont pas des approches meilleures que d’autres, mais elles ont le mérite de fournir un angle d’approche différent qui fonctionne.
Selon les sites et les conditions météo, il y aura certainement des réglages à effectuer pour optimiser l’efficacité du processus.