Il y a dans le monde des poissons qui déchainent des passions et le saumon fait partie de ceux-là. Ce poisson de sport est anadrome c’est-à-dire qu’il naît dans la rivière, rejoint puis grandit dans la mer pour enfin remonter et venir se reproduire sur les lieux de sa naissance.
Saumon, du Sud-Coréen Ahn Do-hyun
Cet aspect essentiel de la vie du saumon est mis en valeur dans un roman intitulé Saumon, écrit par le Sud-Coréen Ahn Do-hyun. Ce livre n’a en fait, rien à voir avec la pêche du saumon. L’auteur préfère l’approche biographique du saumon. On pourrait dire qu’il s’agit d’un conte. En effet les saumons et leur environnement (le fleuve par exemple) parlent et confrontent des points de vue. Ce livre sorti pour la première fois en 1996 en Corée se vendra à plus d’un million d’exemplaires. Il a été réédité en France en 2008 chez l’éditeur Philippe Picquier, spécialiste de la civilisation orientale. Dès l’introduction l’auteur étonne par son point de vue : « Pour comprendre parfaitement les saumons et les aimer, il faut savoir les observer en se plaçant à leur niveau. Cela demande un brin d’imagination. En un mot, il est indispensable de les regarder avec le cœur, c’est-à-dire d’avoir le désir de saisir ce que les yeux ne voient pas et être ainsi capable de percevoir l’invisible. L’imagination est un pouvoir qui nous permet d’aller jusqu’aux confins du monde. » Ce livre est aussi illustré de magnifiques dessins.
Partie de pêche au Yemen, de l’anglais Paul Torday
Le saumon excite l’imagination nous l’avons vu. Déplaçons-nous maintenant vers l’Angleterre pour rejoindre Paul Torday Professeur de littérature anglaise à Oxford qui a publié en 2007 : Partie de pêche au Yemen. Plus tard en 2011, le film Des saumons dans le désert s’inspira largement de ce roman. Aucun mot du titre ne suggère que le livre va évoquer la pêche du saumon et pourtant… Quel rapport y a t il entre un cheikh yéménite, le premier ministre anglais et un scientifique britannique ? Le saumon bien sûr ! L’originalité de ce roman réside dans la forme épistolaire que l’auteur a privilégiée. En effet, ce roman est écrit sous la forme d’échanges de mails, de lettres entre les principaux protagonistes, de morceaux du journal intime du scientifique Alfred Jones et même des extraits de journaux nationaux et de revues halieutiques. Comment un poisson tel que le saumon peut susciter l’intérêt de personnes aussi éloignées qu’un Cheikh yéménite et qu’un membre du Centre national pour excellence des pêches (NCFE) anglais ? Pour le savoir, je vous conseille de lire ce roman aussi bien écrit d’un point de vue littéraire qu’halieutique. Si vous aimez la pêche du saumon, en lisant Partie de pêche au Yemen vous irez de surprises en rebondissements. Notons que ce livre est « équipé » d’un glossaire tout à fait original, dans lequel cohabitent des mots anglais et yéménites. Enfin, dans une dernière page, Paul Torday révèle qu’il a consulté le livre de Hugh Falku, Salmon Fishing, Un « véritable trésor de connaissances sur le cycle de vie du saumon. » explique-t-il.
Taqawan du canadien Eric Plamondon
Plus récemment je suis tombé sur une pépite dans les rayons d’une librairie. Tout d’abord je fus attiré par la couverture : le dessin d’un saumon, puis le titre Taqawan, m’a surpris. J’ai feuilleté quelques pages et, en effet, ça parlait de saumon mais pas seulement. Quelques chapitres évoquent le roi des rivières québécoises et canadiennes, plus particulièrement l’impact économique et politique qu’il peut avoir au Canada. Même s’il s’agit d’une fiction, certains passages sont factuels et historiques. Les chapitre sont nombreux et l’action est rapide, on ne s’ennuie pas, c’est une belle surprise. L’histoire se déroule au Québec, cette ancienne colonie française qui a un statut spécial au Canada. Nous sommes en 1981, des policiers de la sureté du Québec interviennent dans une réserve pour confisquer aux Indiens Mi’gmaq les filets qui leur servent à pêcher … les saumons. Doit-on faire payer un permis de pêche aux populations indiennes dont le seul revenu est la vente de ce poisson ? Les pourvoiries ont-elles le droit de s’accaparer les terres des indiens afin de faire pêcher des Américains et des Européens venus chercher un poisson mythique ? L’ex garde-chasse Leclerc, reconverti en guide de pêche va vivre pas mal d’aventures aidé de son ami indien William. La description des paysages laisse sans voix mais c’est surtout les informations historiques, économiques et politiques que nous livre l’auteur à travers ce roman qui nous permettent de découvrir un monde particulier au milieu d’un décor de rêve. Par exemple : Saviez-vous que les indiens Mi’gmaq prélèvent six tonnes de saumons par an alors que les pêcheurs sportifs quant à eux en sortent cent fois plus sur tout le territoire du Canada ? Voici quelques lignes du chapitre « L’Odeur des rivières » qui je l’espère vous mettra l’eau à la bouche : « En langue Mi’gmaq on nomme Taqawan un saumon qui revient dans sa rivière natale pour la première fois. Il passe de une à trois années en mer. En anglais, on parle d’un grilse. En français, d’un madeleinau. Ce terme fait référence à la sainte madeleine, qu’on fête le 22 juillet. A cette période, on pêche beaucoup de Taqawan. » Voici donc quelques idées de lecture pour les jours de mauvais temps ou bien pour des idées cadeau à offrir ou à se faire offrir.
Bibliographie :
– Paul Torday (trad. De l’anglais par Katia Holmes), Partie de pêche au Yemen, JC Lattès, 2008.
– Ahn Do-Hyum (trad. du coréen par Yeong-hee Lim et françoise Nagel), Saumon, Editions Philippe Picquier, 2008.
– Eric Plamondon, Taqawan, le livre de poche, 2019.