Les montages carpe sont nombreux, mais existe-t-il un montage carpe plus simple et efficace que les autres pour éviter le dilemme du bas de ligne ? Le bas de ligne est le sujet préféré des nouveaux carpistes. Sujet favori de quelques auteurs halieutiques. Argument de vente principal des marques européennes… Et casse-tête pour de nombreux carpistes confirmés. Revenons sur nos (trop) chers montages, et parlons de leur efficacité théorique et pratique.
Les carpistes que l’on croise au bord de l’eau sont souvent étonnés de voir nos montages. Un plomb, un bout de gros nylon, un gros hameçon, une bonne bouillette, et le tour est joué. Souvent, ils pensent que nous n’avons jamais réellement travaillé cet aspect de notre pêche. Pourtant, nous avons eu l’occasion de tester tout ce qui existe, d’essayer toutes les combinaisons, pour finalement en revenir aux fondamentaux.
Complexité du montage carpe
Le fait que la complexité croissante des montages ait accompagné la prospérité croissante du marché aurait dû, en principe, mettre la puce à l’oreille des carpistes… Il n’en a rien été ! Alors que mon frère et moi avons adopté toutes les innovations allant dans le sens de la simplification du montage, de nombreux carpistes ont adopté l’attitude inverse : complexifier à tout prix, et en outre diversifier les montages en fonction des approches. Et beaucoup d’adeptes des montages complexes font aujourd’hui profession de foi : la complexité étant toujours justifiée par un bon argument théorique, mais qui, force est de le constater, ne se vérifie pas toujours dans le réel… et même rarement. Tel émerillon permet un meilleur pivotement de l’hameçon… telle pâte à base de tungstène permet une meilleure présentation du bas de ligne carpe etc.
Par curiosité, j’ai essayé de me remémorer l’évolution de nos propres montages, et de voir ce que l’évolution des technologies nous a réellement apporté. Au tout début des années 90, les montages « hélicoptère » avec un plomb missile faisaient partie des montages les plus en vogue. Nous les utilisions exclusivement. Ils étaient rudimentaires, mais fonctionnaient déjà très bien, avec un taux de succès de 80%. On utilisait des back-stop pour s’assurer que le bas de ligne ne remonte pas sur le corps de ligne à la touche. Quant aux bas de lignes, on utilisait de la tresse (du dacron), et le cheveu était très court. La bouillette était collée à la hampe de l’hameçon. Au cours du temps, nous avons vite compris l’intérêt d’écarter un peu la bouillette, pour éviter que la carpe puisse prendre appui dessus pour se désentraver de l’hameçon. Nous avons donc augmenté la longueur des cheveux, et eu de meilleurs résultats (moins de décroches).
Indirectement, le fluoro a permis de repopulariser le nylon alors tombé en désuétude. Nous l’utilisons aujourd’hui presque exclusivement.
Lorsque les clip-plombs sont arrivés, je dois reconnaître que ça a été une petite révolution pour nous. Cela, car le principe de fixation du plomb sur le corps de ligne s’en est trouvé facilité. Mais au fond, ils ont plutôt simplifié nos montages, qu’ils ne les ont complexifiés… tout en conservant leur efficacité. L’arrivée du fluorocarbone a elle aussi été révolutionnaire, au sens où elle a ralenti la course effrénée à la tresse la plus discrète et la plus solide. Indirectement, le fluoro a permis de repopulariser le nylon alors tombé en désuétude. Mon frère et moi l’utilisons aujourd’hui presque exclusivement. Le retour du nylon a lui aussi participé à une simplification de nos bas de lignes.
Les clip-plombs ont été une révolution pour nous. Mais aujourd’hui, nous les réservons pour les pêches du bord, pour éviter les emmêlements au lancer. Pour les pêches en bateau, nous utilisons des plombs in-line, toujours dans un souci de simplicité et d’efficacité. D’ailleurs, ce qu’on appelle aujourd’hui « plomb in-line » s’appelait autrefois « olive de 150 grammes ». Il suffisait de la bloquer sur le corps de ligne pour assurer l’autoferrage. Et ça marchait aussi bien qu’aujourd’hui !
En dehors de ces deux innovations, il a fallu trier au sein d’une profusion d’accessoires venant complexifier les montages, et le rendre bien sûr plus onéreux : matériaux en tous genres, gaines par-ci par-là, perles à droite à gauche, tungstène, aligneurs, artifices de camouflage, et j’en passe. Mais en toute sincérité… qu’ont apportés ces éléments à l’efficacité des montages ? Je vais vous donner mon avis sur la question.
L’autoferrage : simple en théorie … mais compliqué dans le réel
Je pars d’un principe simple : si l’on rajoute des éléments à un montage, c’est pour le rendre plus efficace… sinon, ça ne sert à rien de perdre son temps, et accessoirement son argent. évidemment, les marques ont toujours su trouver des arguments convaincants pour nous inciter à acheter ces accessoires. C’est de bonne guerre. Mais cette argumentation mercantile résiste-t-elle à l’épreuve des faits ?
D’abord, il faut rappeler le principe sur lequel est basée cette argumentation : l’autoferrage. On peut le concevoir de deux manières, et en faire la description selon deux scénarios. 1) Lorsqu’une carpe s’approche de l’esche et qu’elle s’en saisit, elle continue à nager avec l’appât et l’hameçon à l’intérieur de la bouche. Le bas de ligne se tend progressivement faisant ainsi pivoter l’hameçon, de façon à ce qu’il vienne se piquer dans la lèvre inférieure de la carpe. Quand le bas de ligne est tout à fait tendu, le poids du plomb fait pénétrer l’hameçon dans les chairs, et la carpe produit son départ. 2) Lorsqu’une carpe s’approche de l’esche et qu’elle s’en saisit, elle recrache l’esche et l’hameçon. L’effet de chasse produit par la bouche de la carpe propulse l’hameçon sur la lèvre inférieure de la carpe. Sentant cette piqûre, la carpe prend la fuite, tend le bas de ligne et se ferre toute seule grâce à l’inertie du plomb.
La pêche de la carpe a entraîné une complexification des bas de lignes, et des fois à outrance… Je ne vois pas l’intérêt de présentations excessivement farfelues, comme le Withy Pool Rig, ou autres fantaisies, qui certes, fonctionnent très bien, mais qui ne fonctionnent pas mieux que des bas de ligne plus conventionnels. Alors, à quoi bon ? Et vous remarquerez qu’à chaque fois que vous voulez réaliser un nouveau montage, les marques proposent invariablement les accessoires nécessaires à sa réalisation… et souvent à prix d’or !
Tout le monde a déjà entendu ces scénarios ! Mais honnêtement, tout ça est très théorique. Notamment le scénario numéro 2. Si la carpe aspire l’hameçon en restant sur place, elle recrachera l’esche, et l’hameçon ne se piquera pas à tous les coups… loin s’en faut ! Et cela, quelle que soit la mécanique du montage. J’insiste. La dynamique des fluides, l’irrégularité de la bouche des carpes, l’asymétrie de l’appât et des montages, les sédiments aspirés font que l’expulsion de l’esche et l’orientation de l’hameçon à ce moment sont très aléatoires. Ainsi, aucun accessoire ne permet de garantir une bonne orientation de l’hameçon (pointe vers le bas), pas même un « shot on the hook » (petite chevrotine sur la courbure de l’hameçon). Et il suffit de voir les nombreuses vidéos amateurs underwater (amateurs, car ils ne défendent pas une marque en particulier, et ne choisissent donc pas les rushs en fonction de leurs intérêts économiques) pour constater que dans ce cas de figure, l’hameçon ressort de la bouche des carpes dans n’importe quel sens. L’hameçon ne se pique que rarement, et s’il se pique, on voit souvent la carpe donner deux petits coups de tête, et l’hameçon être expulsé. Ainsi, l’autoferrage ne commence à fonctionner qu’à partir du moment où le bas de ligne se tend. Ce que montrent aussi ces vidéos, soit dit en passant, c’est que les montages bonhomme de neige, les pop-ups présentées sur montage articulé, les withypool rig et autres montages carpe ultra-complexes made in UK ne piquent pas mieux que les montages simplissimes que nous utilisons mon frère et moi.
Si la carpe aspire l’hameçon en restant sur place, elle recrachera l’esche, et l’hameçon ne se piquera pas à tous les coups… loin s’en faut !
Parlons aussi du scénario n° 1. Le credo des carpistes est que l’hameçon doit impérativement pivoter lors de la tension du bas de ligne pour se piquer dans la bouche… et ce n’est pas faux en soi. Mais là encore, si on écoute la pub, tous les éléments du montage doivent faciliter le « pivotement ». Ainsi, on a vu arriver toute une série de micro émerillons, tungstène et autres trucs qui sont censés concourir au bon fonctionnement du « pivotement »… Or, du simple fait de la gravité, ce pivotement s’opère aussi facilement avec un stiff 60/100e qu’avec une tresse ultrafine. Il s’opère naturellement avec tous les bas de ligne carpe, y compris les plus rigides, en raison du poids de l’esche qui a tendance à attirer la pointe de l’hameçon vers le bas, par la gravité. D’ailleurs, « l’infaillible test du doigt » pour vérifier si notre hameçon pivotera correctement au moment crucial où la carpe tendra le bas de ligne n’apprend rien. Il réussit à tous les coups dans l’air et trois fois sur quatre sous l’eau, et ce, quel que soit le bas de ligne.
Conclusion à propos du bas de ligne carpe
En conclusion, il y a un monde entre l’efficacité théorique des accessoires de montage et leur efficacité pratique. Les carpistes qui nous suivent un peu savent que nous vantons les mérites des montages les plus simples, et ce n’est pas pour rien. Simplicité, rapidité d’action dans la confection des montages, économie de moyens et robustesse, rapporteront en effet toujours plus que sophistication et fantaisie.