Début mars, selon le calendrier officiel, c’est encore l’hiver. Si notre enthousiasme tend à nous le faire oublier, les truites ne sont pas très hardies à cette période de l’année. Comment choisir au mieux le cours d’eau pour l’ouverture de la truite dans ces conditions ?
Maigres, affaiblies par leur période de reproduction, elles sont encore relativement cantonnées aux abords des caches. Les postes du milieu du cours d’eau (aussi alléchants soient-ils) sont inoccupés pour la plupart. Les touches surviennent principalement sur les bordures encombrées où le courant est amorti. Les cours d’eau à truites peuvent être séparés en deux grands types, auxquels correspondent deux situations météorologiques optimales.
Les cours d’eau de régime pluvial : de la douceur !
Les cours d’eau de régime pluvial désignent les rivières non influencées par la fonte des neiges, c’est-à-dire celles provenant de sources ou de résurgences. Leur température est étroitement dépendante de celle de l’air ambiant puisque l’effet tampon du manteau neigeux ne les touche pas. Plus que la température du jour J, il est important de considérer son évolution au cours de la période précédant la date fatidique. Lorsque la masse d’eau est faible et les sources à proximité, tout peut changer rapidement. Plusieurs cas de figure peuvent survenir.
Si la température de l’eau décroît, s’éloignant par la même de l’optimal thermique de notre salmonidé (autour de 12°C), la pêche s’annonce compliquée. La pire situation serait un coup de froid brutal qui viendrait mettre un terme à une météo douce établie depuis plusieurs semaines. La truite aimant la stabilité, un changement météorologique brusque accompagné d’une évolution thermique défavorable lui ferme fréquemment la gueule. Un temps froid et stable installé depuis longtemps, bien que loin d’être la panacée, est moins néfaste.
Au contraire, si un temps doux, qu’il soit sec ou légèrement humide, fait son apparition une semaine avant et induit une hausse de la température de l’eau aux alentours de 10°C, vous pouvez partir confiant ! Lorsque cette douceur est couplée à de fortes précipitations et une montée des niveaux, de bonnes chances de réussite subsistent, notamment au toc.
Les cours d’eau de régime nival : du froid, et du soleil !
Ces cours d’eau sont alimentés par la fonte des neiges. Quelque soit la tendance au niveau du ciel en cette fin d’hiver, vous y trouverez de l’eau froide, voire glaciale (moins de 5°C). Les meilleures conditions que l’on puisse espérer émanent d’une météo anticyclonique, froide et sèche ; l’idéal étant une gelée matinale suivie d’un relatif radoucissement en cours de journée, avec un soleil suffisamment chaud pour taper un peu sur les blocs en bordure et réchauffer l’ambiance sous l’eau, mais sans excès pour ne pas déclencher la fonte du manteau neigeux en altitude.
Au contraire, si par malchance, un redoux marqué (qu’il soit sec ou humide), déclenche une fonte inopinée, mieux vaut cibler les cours d’eau du paragraphe précédent ou (si vous vous situez dans une vallée de montagne) monter assez haut en altitude, afin de trouver une teinte moins rebutante (plutôt vert bouteille que marron) et des petits milieux dans lesquels les truites s’accommodent mieux de ces conditions particulières.
Quels types de portions ?
Les réflexions doivent se poursuivent sur le choix du parcours : le long d’une rivière, se succèdent des tronçons différents en termes de pente et de largeur. Avant tout chose, précisons que les problématiques changent selon le type de biotope considéré ! Dans un souci de simplification, nous nous en tiendrons aux cours d’eau à truites majoritaires dans l’hexagone : les rivières caillouteuses de montagne.
Dans l’eau froide du début de saison, tout excès de turbulence et de vitesse de courant d’un secteur réduit considérablement le nombre de coups favorables. Il conviendra donc de rechercher les zones les moins pentues et/ou les plus élargies du cours d’eau considéré, qui seront plus à même de contenir les courants laminaires et lents appréciés par les truites à cette époque. Attention, cela ne signifie pas systématiquement fouiner vers l’aval, au contraire : un replat de quelques dizaines de mètres sur le cours amont d’un torrent cascadeur concentre les poissons engourdis du mois de mars et se révèle bien plus porteur que la même topographie uniformément reproduite dans le bas de la vallée ! La valeur d’une zone est conditionnée par la nature de ce qui l’entoure (de la même façon en été, les micro-ruptures de pente dans les parties avals qui chauffent sont des aimants à truites). Attention, la préférence que vous accordez aux secteurs lents ne doit pas vous conduire dans des portions trop uniformes qui manquent souvent de caches et donc de densité de truites. J’insiste particulièrement sur ce point : à l’ouverture, il faut parvenir à trouver le bon compromis entre abondance de caches et pente modérée, ce qui n’est pas toujours évident (ces deux paramètres variant naturellement de façon inverse) !