Aspius leuciscus, ce cyprinidé aux mœurs carnassières, est de plus en plus présent dans nos bassins hydrographiques français. Originaire de l’Europe de l’Est, il partage ce nouveau statut avec d’autres hôtes piscicoles comme le silure et l’ide mélanote. Son aire de répartition et sa population en France connaissent une forte croissance. Cet article abordera sa pêche, son avancée dans nos eaux et les théories possibles de son expansion actuelle.
Tout d’abord, je vous renvoie au très bon article de décembre 2022 dans 1max2pêche, écrit par Pascal Jarret, qui décrit déjà très bien sa pêche. Je vais essayer de compléter avec mon expérience et ma vision des choses.
Leurres pour pêcher l’aspe
Le bon vieux poncif de pêcher derrière un barrage à fond de balle avec un leurre subsurface reste toujours vrai. Bien que les leurres durs, principalement utilisés au début, restent efficaces, nous avons désormais l’occasion de provoquer des touches avec une plus grande variété de leurres. Les métalliques, notamment les jigs, ont aussi fait leurs preuves, mais les prises avec des spintails polyvalents sont devenues monnaie courante.
Ma préférence va néanmoins aux lames vibrantes, comme l’Astrovibe ou le R45 de Lurefans. Ces leurres ont l’avantage de ne pas décrocher lors de récupérations rapides, et leurs triples aident à augmenter le ratio de prises.
Concernant les leurres durs, les stickbaits et autres leurres de surface donnent toujours des résultats. Je vous encourage à tester mon petit chouchou de l’été 2024, le Wobbly de chez Fishus. Il se catapulte à des distances incroyables et nage à la perfection sous la surface. N’hésitez pas à varier la présence ou l’absence de billes, ainsi que les sonorités graves ou aigües, car cela fait clairement la différence certains jours.
Parmi les leurres de plus en plus utilisés, le crankbait se distingue. Selon le milieu et la profondeur, une récupération linéaire et rapide leur convient parfaitement, et prospecter des zones moins poncées peut s’avérer très efficace. Les leurres souples peu plombés, de 3 à 5 pouces, de type shad, sont également une bonne option, avec une préférence pour les coloris blanc, bleu et gris.
En résumé, de nombreux leurres peuvent vous apporter des touches ; restez inventifs, surtout lorsque vous êtes certain de leur présence (chasse très visible).
Les postes de pêche pour l’Aspe
Pour ce qui est des postes, toutes les accélérations sont prioritaires : barrage, tête d’île, pile de pont, plateau… Cependant, avec la pression de pêche croissante et une population plus importante, des endroits comme les arrières d’île, les bordures peu profondes et les digues voient les prises se multiplier. Les rétrécissements de rivière ou canaux représentent aussi de bonnes pistes, et il est important de garder les yeux ouverts, car son mode de chasse aide à sa localisation.
En ce qui concerne le matériel, une canne puissante est nécessaire pour lancer loin les leurres compacts et animer sèchement. Une action de pointe, avec une longueur minimum de deux mètres vingt, est idéale. Personnellement, j’utilise l’Illusion de chez Sportex, qui correspond à ce cahier des charges. Pour le corps de ligne, la tresse reste efficace, mais je vous encourage à essayer le nylon, qui amortit mieux les attaques sèches et réduit les décrochages.
La progression de l’Aspe en France
Présent depuis longtemps dans le bassin du Rhin, l’Aspe a commencé à apparaître dans la Loire et ses affluents à la fin des années 2000. Moins de 20 ans plus tard, les rares spécimens ont laissé place à une progression fulgurante en termes de bassins atteints et de volume de population. La Sarthe, la Mayenne, le Loir et le Cher hébergent désormais des aspes en bonne quantité. Il y a 7 ou 8 ans, les premières prises sur la Seine ont été recensées près de la zone maritime, et il est désormais possible de les pêcher spécifiquement. Ils ont remonté tous les biefs jusqu’à leur connexion avec l’Oise et la Marne, établissant une jonction entre l’est et l’ouest, avec même des prises recensées sur le lac du Der.
Que signifie cette arrivée en trombe, semblable à celle du silure dans les années 90 ? À l’époque, on croyait que la baisse de la qualité de l’eau et la diminution des populations de carnassiers avaient créé une vacance écologique. Cependant, aujourd’hui, la situation est différente : le silure est bien implanté, et la qualité de l’eau contenue a permis aux brochets de maintenir leur population. Ainsi, la concurrence sur les poissons fourrages est bien présente, et la niche écologique n’est pas vacante. Son statut de cyprinidé ne fait pas de lui un opportuniste ; son régime alimentaire d’adulte est exclusivement ichtyophage. Cette explication de « place à prendre » me semble donc caduque et remet en question des idées avancées il y a trente ans.
Les dynamiques des populations piscicoles sont complexes. Les interactions entre les espèces et avec le milieu sont difficiles à interpréter. Aujourd’hui, la pression du cormoran a-t-elle un impact ? La hausse des températures de l’eau et la baisse des débits ne semblent pas non plus favoriser l’implantation de l’Aspe. On pourrait théoriser sur l’occupation du milieu par couches, en pensant que la subsurface pourrait être moins concurrentielle. Cependant, la diversité des milieux occupés est trop vaste pour que cela soit vrai partout.
Maintenant que l’Aspe a atteint tant de territoires, notamment en Hollande et en Belgique où il n’était pas très présent, que va-t-il se passer ? Actuellement, les impacts de sa présence sont minimes, et sa présence moins encombrante que celle du silure en fait un événement discret.
Il est essentiel de voir nos milieux sauvages ainsi : les populations se développent, prospèrent et s’autorégulent. Le milieu s’adapte, et nous, pêcheurs amoureux de la nature, avons la chance d’en profiter tant qu’il est vivant.