Souvent considéré comme une prise secondaire, anecdotique, le chevesne ne bénéficie pas de tout le florilège marketing dont peuvent bénéficier d’autres espèces carnassières. Pourtant, la pêche du chevesne est peut-être la pêche la plus accessible à tous, pouvant être pratiquée sur l’intégralité du territoire métropolitain, du lac immense à la minuscule rivière.
Au-delà du côté ludique, la pêche du chub en sight fishing (terminologie anglophone pour la « pêche à vue ») et au leurre est une école au sein de laquelle on saisit au cours des années toute sa subtilité. Cette approche est même celle qui permet le plus, à force d’assimilation, de progresser dans toutes les autres pêches aux leurres. Si vous souhaitez vous initier à la pêche aux leurres et que vous n’avez pas des années de pêche des poissons blancs derrière vous, il n’est jamais trop tard pour commencer à consacrer un temps conséquent à cette fabuleuse pêche !
Une pêche qui développe ses sens
Comme pour toutes les autres approches, il y a pêche du chevesne et pêche du chevesne. On ne parle pas d’ici de quelques poissons que l’on attrapera en pêchant la truite ou la perche, un peu par hasard, sur un crank ou un minnow. Il s’agit en effet de redonner sa vraie et noble place de poisson de sport que le chevesne mérite en ne pêchant tout bonnement que lui et en cherchant à en prendre le plus possible. C’est là une des clés pour progresser aussi rapidement que possible. Ainsi dans notre approche de pêche à vue, seuls les poissons observés seront pêchés, résumant la session de quelques heures à seulement quelques lancers comme on pourrait le faire sur un schéma de pêche en nymphe à vue de la truite par exemple.
Il est difficile de se lasser de cette pêche et même après la capture de plusieurs centaines de poissons années après années, c’est une approche que l’on aura du mal à délaisser tellement elle continue de nous apporter encore et encore. Nous parlions plus haut de « n’attaquer » que des poissons vus, avec l’expérience on peut même arriver à un niveau où après examen du comportement du poisson en surface, on peut établir un pourcentage de chance que le poisson se saisisse de notre leurre ou pas. C’est bien là tout l’intérêt de cette pêche, tout est visible : les humeurs, les refus, les fuites, les attaques… et il n’y a rien de plus instructif pour progresser que d’observer la vérité plutôt que de la supposer.
La pêche du chevesne en sight fishing a également cela d’intéressant qu’elle peut être pratiquée de façon très brève, sans préparatif, dans des milieux urbains comme depuis des structures dominant l’eau. Elle redonne place à nos sens de prédateurs s’approchant lentement de leur proie, habillé en conséquence pour se fondre dans le décor. Qu’il est agréable de capturer deux poissons en deux lancers pendant la pause de midi avant de retourner travailler !
Capricieux et provocateur chevaine
Bien que cette pêche soit une des plus abordable au plus grand nombre, il ne faut pas penser que poisson vu = poisson pris, comme pour toutes les autres espèces, le chevesne a ses humeurs. Parfois solitaire, parfois grégaire, son comportement évolue au fil des saisons. Il est généralement possible d’observer des chevesnes se faisant dorer la pilule au soleil du mois d’Avril à Octobre en première comme en seconde catégorie.
Ce poisson, comme pour toutes les autres espèces de cyprinidés ou de carnassiers, sera beaucoup moins timoré en eaux vives qu’en eau morte et il sera davantage aisé d’en prendre dans des courants où il a tendance à moins cogiter et pardonner vos écarts, que dans une eau morte de type canal, où la moindre erreur de votre part sera sanctionnée par une fuite ou un refus.
Lors de votre approche, vous ne manquerez pas de croiser ces frustrants « cruising chubs » (chevesnes voyageurs) sans cesse en mouvement, nageant quelques centimètres sous la surface et ne portant aucun intérêt à tout ce que vous pourrez leur jeter au-dessus de la tête jusqu’à ce que, comme pour prouver qu’il n’existe aucune véritable règle à la pêche et dans le monde du vivant, un poisson fasse demi-tour pour se saisir de votre bout de plastique… Mais vous ne manquerez pas d’attaquer également ces poissons complètement statiques en surface ou encore ceux carrément en train de se nourrir grande bouche ouverte dont le taux de capturabilité n’a pas d’équivalent.
Certains jours, sur le papier tout semble radieux, grand soleil, eau chaude… et pourtant une légère petite bise calera tous les poissons au fond et la sortie sera inévitablement d’une stérilité déconcertante. En effet, comme pour l’ensemble des poissons, le chevesne semble adhérer à une conjoncture de groupe, quand un chevesne se nourrit, il y a de fortes chances que ses congénères en fassent autant. Une des clés de la réussite de cette pêche est donc d’être très mobile, en ne pêchant que les poissons qui semblent aptes à se saisir de vos leurres, en parcourant le maximum de distance possible en un minimum de temps afin de croiser le plus grand nombre de poissons actifs possible.
La meilleure présentation
Si le chevesne est un grand opportuniste et se nourrit de tout ce qui peut contenir des protéines ou des glucides, si l’on souhaite avoir un maximum de réussite il faudra se calquer au plus près de son schéma alimentaire du moment. Si le choix du leurre est crucial dans cette démarche, la présentation l’est encore plus. Cette technique de pêche fait indéniablement assimiler toute l’importance capitale d’une bonne présentation d’un leurre. En l’occurrence, sur nos poissons visibles, la meilleure présentation restera toujours celle faite par l’amont et donc par la même occasion, vos déplacements doivent toujours se faire de l’aval vers l’amont pour être le plus possible dans l’angle mort de la vue des poissons ciblés. Ainsi le chevesne doit de lui-même se déplacer vers le leurre présenté qui dérivera plus ou moins lentement vers sa tête, on imitera ainsi une dérive naturelle de la proie et on évitera de passer sur le poisson avec son bas de ligne.
On a souvent l’habitude de lire ici et là qu’il faut viser la queue du poisson vu afin qu’il se retourne sur votre leurre lors d’une attaque réflexe, la fameuse « pêche à la surprise ». Admettons que vous avez la dextérité nécessaire pour viser parfaitement à quelques millimètres près avec un leurre de quelques grammes… c’est là une fausse information et un raccourci. Si le chevesne est capable de se nourrir de la sorte, ce n’est que dans un contexte de concurrence alimentaire au sein d’une communauté de poissons grégaires. La présentation de votre leurre aura alors beaucoup moins d’importance et cette compétition alimentaire pardonnera bien des erreurs de votre part avec souvent des touches franches et un leurre avalé de quelques centimètres à l’intérieur de la bouche.
Comme son humeur au cours d’une journée, le comportement alimentaire du chevesne change également au fil des saisons. Davantage axé sur les éclosions d’insectes de toutes tailles d’Avril à Juin, il ne saura résister à la saison des fruits, aliments faciles et riches dont il raffole une fois l’été venu. Il faudra indéniablement s’adapter, se servir de ce changement de nourriture de base pour continuer à en prendre en quantité.
Une pêche tremplin
La pêche du chevesne à vue n’a rien de très facile ou de dévalorisant, plus on essaye de progresser au sein de cette technique et plus on se rend compte à quel point on était loin de la vérité. On progresse à la fois au sein de la technique en elle-même avec des sessions de plus en plus réussies, mais on progresse également dans les autres pêches dynamiques aux leurres. On peut alors se projeter au fond de l’eau, transposer tout ce que la pêche à vue nous a appris et penser à tous ces sandres et ces brochets que l’on a fait fuir avec nos tresses qui leur sifflent dans les oreilles ou avec nos morceaux de plastique qui leur tombent sur le nez. On peut également se rendre compte que ce sont bien souvent les mêmes valeurs sûres et historiques qui restent constantes et non bien souvent la dernière nouveauté en provenance direct d’une cellule de développement d’ingénieurs au Japon. La pêche du chub à vue de 7 à 77 ans, c’est top ! Celui qui pense qu’il maitrise le sujet complètement, et ce quel que soit son niveau, c’est évident, il se trompe.
Une hirondelle ne fait pas le printemps
Si la pêche à la mouche du chevesne peut se targuer d’être constante au fil des mois, ce n’est clairement pas le cas de la pêche aux leurres et il faudra s’adapter en conséquence.
En tout début de saison, les poissons ont tendance à être assez agressifs et opportunistes, il ne faut pas hésiter à utiliser des petits leurres durs ou des petits leurres souples très faiblement plombés imitant des petits poissons ou des larves. On commencera ensuite avec l’apparition des beaux jours et l’éclosion des hannetons ou cigales, à utiliser des insectes en plastique de taille petite à modérée. En effet, bien que les gros sujets aient une bouche volumineuse, dès que les poissons commencent à sélectionner méticuleusement leur alimentation aux beaux jours, ils rechignent assez régulièrement à se saisir de proie trop volumineuse, typiquement comme les leurres de surface excédant 5 centimètres et davantage destinés à la pêche du black bass.
Nos poissons de l’hexagone sont assez différents, si un chevesne qui a l’habitude de manger des cigales attaquera volontiers votre leurre de 4cm, ce ne sera pas le cas d’un chevesne du nord de la France qui vit en canal et qui se nourrit épisodiquement de sauterelles ou mouches de mai. C’est une des clés de la réussite de cette pêche, « match the hatch », autrement dit, se calquer au régime alimentaire du moment des poissons que vous traquez.
Vient ensuite le mois de juin et l’apparition des premiers fruits mûrs qui tombent naturellement dans l’eau. Les poissons rentrent alors bien souvent en euphorie alimentaire, se cantonnent à des endroits précis et en nombre où la concurrence est rude. Frondaison de ronces, sous un merisier ou encore des aubépines les poissons attendront pendant des heures un festin leur tombant du ciel. C’est le crédo de l’année à ne pas manquer pour réussir des pêches faciles de nombre, les insectes et autres imitations d’alevins en plastique perdent alors énormément en attractivité sur ces poissons. Les puristes utiliseront alors des imitations flottantes de fruits telles que la mûre, la cerise ou encore la cenelle tandis que d’autres par souci de facilité, utiliseront de véritables fruits, certes bien plus délicats à lancer mais aussi bien plus efficaces.
L’automne approchant, la surface de l’eau va se refroidir et les poissons vont retourner se nourrir sur le fond, chaque année est différente et certains étés indiens permettent de pêcher le chevesne en surface assez tardivement dans la saison.
Si le contexte est d’une importance cruciale et doit conditionner votre approche, votre équipement doit également être en mesure de faire face à la méfiance des poissons. Etant donné le faible poids des leurres utilisés, l’équipement du pêcheur à vue doit, avant tout, ne pas être handicapant.
Le paquetage du pêcheur à vue
Le principe de base du matériel à utiliser, c’est d’être avant tout léger et capable de projeter des leurres de moins de 2 grammes à une distance respectable, on se focalisera donc uniquement sur des cannes spinning à action souple.
Certains prônent l’utilisation de cannes courtes UL typées truite, si ce type de canne confère un confort indéniable en termes de maniabilité, vous serez ensuite limités quand il s’agira d’attaquer des poissons à plus de 10 mètres de distance. En ce sens, l’utilisation de canne dites ULST, plutôt typées RockFishing/Drop shot et d’une longueur de plus de 2 mètres, seront davantage polyvalentes face à toutes les situations rencontrées.
Cette canne devra être équipée si possible d’un moulinet léger afin de ne pas déséquilibrer la canne et d’une taille de 1500 à 2000. En effet, plus la bobine de votre moulinet aura un diamètre conséquent, plus le corps de ligne se dévidera facilement du moulinet, ce qui est moins le cas sur de petits moulinets de taille 1000.
Concernant le corps de ligne, il devra être assez discret avec comme premier critère, une surface lisse afin que votre leurre soit lancé, en théorie, le plus loin possible. On se rapprochera donc des tresses fines et rondes très glissantes ou encore du Nanofil qui permet des distances de lancer inégalées tout en ayant la même rigidité et flottabilité que la tresse.
La pointe de discrétion fera entre 30 et 40 cm, inutile de la faire plus longue, non seulement le nœud de raccord fluoro/tresse bridera davantage votre lancer et comme toute la réussite de cette pêche se faisant sur la qualité de la présentation, cette longueur suffit amplement. On utilisera du fluorocarbone entre 15 et 20/100 suivant le lieu pêché, plus les eaux sont mortes (canal, étang, lac) plus il faudra penser discrétion et petit diamètre.
L’hameçon devra être fin de fer, le plus léger possible afin de ne pas fausser les propriétés de votre leurre flottant. Un hameçon n°6 ou 8 typé wacky fait très bien le job et permet autant de prendre de jolis poissons sur des insectes en plastique que des poissons juvéniles sur des imitations de baies. Après de nombreux essais, le Worm 10 Shot Rig de Decoy est une référence incontournable pour cette pêche.
Concernant les leurres, il existe aujourd’hui une multitude de leurres répondant à votre cahier des charges de pêcheur à vue. Voici une liste non exhaustive de valeurs sûres qui n’ont plus à faire leurs preuves.
Leurres durs : Bassday Kobun, Duo Pocopoco, Illex Chubby Pencil, Sakura Notobug 22F
Imitations de larve : Illex Mayfly, Reins Rockvibe 3cm
Imitations d’insectes volants : Illex Woodlouse, Imakatsu baby fujin spider, Reins insecter, Jackson Mushiiin
Imitations de fruits : Bricomûres, Cenelles
Un lancer quelques mètres en amont du poisson ciblé, une estimation de la dérive du leurre et de l’endroit potentiel d’interception, une récupération de la bannière détendue et vous voilà à attendre l’impact. Prendre son temps est primordial, n’oubliez pas que la présentation du leurre fait presque tout.
Le poisson se dirige vers votre leurre, commence à ouvrir la bouche et à saisir votre leurre. Plein de sang-froid et avec une bannière pas trop gonflée, dans le bon timing, le ferrage doit être ample, dans la direction opposée au poisson et non explosif. Le piquant de l’hameçon ayant fait son œuvre, le poisson est alors bien souvent piqué en bord de gueule et les dommages corporels engendrés sont minimes.
Matériel recommandé
Canne : 210-220cm 0.5-7gr Moulinet : Taille 2000 Corps de ligne : tresse fine ou Nanofil Pointe : fluoro 0.15-0.20mm Hameçon : n°6/8 fin de fer Leurre : Woodlouse – Cenelle noire |
Une pêche tremplin
La pêche du chevesne à vue n’a rien de très facile ou de dévalorisant, plus on essaye de progresser au sein de cette technique et plus on se rend compte à quel point on était loin de la vérité. On progresse à la fois au sein de la technique en elle-même avec des sessions de plus en plus réussies, mais on progresse également dans les autres pêches dynamiques aux leurres. On peut alors se projeter au fond de l’eau, transposer tout ce que la pêche à vue nous a appris et penser à tous ces sandres et ces brochets que l’on a fait fuir avec nos tresses qui leur sifflent dans les oreilles ou avec nos morceaux de plastique qui leur tombent sur le nez. On peut également se rendre compte que ce sont bien souvent les mêmes valeurs sûres et historiques qui restent constantes et non bien souvent la dernière nouveauté en provenance direct d’une cellule de développement d’ingénieurs au Japon. La pêche du chub à vue de 7 à 77 ans, c’est top ! Celui qui pense qu’il maitrise le sujet complètement, et ce quel que soit son niveau, c’est évident, il se trompe.