Pêche en carpodromes avec Gérard Trinquier

Nous avons décliné dans le dernier numéro quels étaient les critères de résistance des différents éléments du matériel pour que l’ensemble soit harmonieux en action de pêche et pour ne pas casser sa canne par ambition démesurée. Je vous propose de suivre la seconde partie de cette approche, avec Gérard Trinquier au carpodrome d’Aubignan, sur la prise de poissons éduqués.

Gérard prévoit toujours deux coups pour faire face aux différentes options que la pêche peut engendrer. Ainsi il choisit tout d’abord un coup au large, à 11.50 m et un autre coup, à même distance, mais à 0.50cm de la bordure, parallèlement à la berge.

Pêche en carpodrome avec Gérard Trinquier
Gérard Trinquier applique allégrement ses conseils et fait la preuve de sa grande technicité

Tu nous expliques tes choix
Le coup au large est fait pour les carpes qui aiment les eaux profondes, plus sécurisantes. Ce coup est d’ailleurs plutôt un spot régulier pour les poissons en quête de nourriture facile et qui viennent chercher leur nourriture dès que le bruit des appâts tombant dans l’eau résonne dans le carpodrome.
Cela ne veut pas dire pour autant que la pêche sera facile, bien au contraire.
Elles sont méfiantes car souvent prises et elles ont de la mémoire : appel de nourriture = capture !

Et le coup de bordure ?
Les carpes longent très souvent les bordures à la recherche d’insectes leur procurant une nourriture naturelle (insectes et vers) mais aussi de cachettes dans les herbiers. C’est pourquoi je dépose à la coupelle pour ce coup de très petites quantités (mais très souvent) de pellets, du maïs ou des tigers nuts. Ce coup permet également de laisser reposer le coup au large à la suite d’une belle prise ou lorsque les touches s’estompent par méfiance.

Quels sont tes montages ?
La ligne de bordure est équipée avec un flotteur de 0.20gr monté sur du 20/°° en direct et terminé avec un hameçon n° 14.
Le deuxième coup est à une distance plus conventionnelle de 11.50m, face au poste, et je l’exploite avec des lignes allant de 0.20 à 0.50gr suivant le vent et les contres courants du fond. La profondeur idéale est d’environ 2.50m. Concernant le montage le corps de ligne est en 20/°° et le bas de ligne en 16/°° . Il est monté avec hameçon n°16.

Je regarde Gérard déposer ses pellets sur le coup de bordure puis il place sa ligne sous le scion avec la plus grande délicatesse. Lentement il met la bannière en attente, légèrement sur le côté pour un ferrage optimal, mais aussi pour que le scion ne cache pas à sa vue le flotteur. L’équilibrage du flotteur est réglé au plus juste et n’offre aucune résistance à la tirée du poisson qui viendrait aspirer le pellet.

Contrairement à ce que disent les promeneurs, la carpe « ne mord pas » elle aspire… Si elle sent la moindre résistance, elle recrache immédiatement, entraînant le reste du groupe ainsi alerté ailleurs. Le coup est foutu pour un long moment. Je préfère laisser le poisson engamer et ferrer juste avant qu’il ne s’aperçoive du piège. Le timing est important et souvent je perçois la touche avant même que le flotteur indique l’aspiration.

Il en profite pour joindre le geste à la parole et il ferre une belle carpe d’une dizaine de kilos. Un coup de scion à gauche, un coup de scion à droite, le poisson est déséquilibré et il rejoint rapidement l’épuisette avant d’être mis en bourriche. Il change de kit, déploie la canne vers le large et immédiatement il est en action.

L’agencement de la station est parfait pour que Gérard pêche en toute sérénité

Je le regarde faire, la démonstration est éloquente :
1- Il dépose le flotteur sur le coup sans geste brusque.
2- Il tend légèrement la bannière, juste un peu vers la droite, à ras de l’eau, pour éviter l’ombre.
3- Il bloque le talon de la canne sur le genou droit avec son coude et l’avant bras. La main reste disponible pour tenir la fronde.
4- De la main gauche il puise des pellets dans le seau situé à portée de main.
5- Il place les pellets dans le godet de la fronde tenue de la main droite.
6- Il tend l’élastique avec la main gauche et envoie les pellets sur le flotteur.
7- Il répète cette gestuelle quatre à cinq fois, les yeux rivés sur le flotteur.
8- Touche…
9- Il relève la canne avec le genou, dépose la fronde et ferre dans la foulée de la main droite…. Du grand art !

Il faut impérativement agrainer en permanence avant et après la prise. Si le coup manque de nourriture (elles sont nombreuses la-dessous) les carpes iront sur le coup du voisin et il faudra du temps pour les faire revenir.

La pêche à la grande canne permet de prendre des poissons spécimens en conditions sécurisées par la maîtrise des matériels et du combat

Gérard envoie quelques pellets sur le coup du large mais pêche immédiatement le coup de bordure. Il ne se passe pas dix minutes de répit entre chaque prise. Les promeneurs s’arrêtent, commentent et plaisantent : « la pêche comme ça… je veux bien m’y mettre aussi ! ». Pourtant, à 20 mètres de là un autre pêcheur applique, me semble-t-il, à peu près la même tactique. Mais en 2 heures je ne l’ai pas vu sortir un seul poisson ; Par contre beaucoup de ratés. J’interroge Gérard sur cette « anomalie ».

Les raison sont multiples, mais il me semble, vu d’ici, que son élastique n’est pas adapté, il ferre mais le poisson se décroche immédiatement. Je suppose qu’il s’agit de son élastique qui n’est pas adapté. Personnellement j’utilise un élastique creux dont le coefficient d’élasticité est de huit. Donc pour la bordure, en gros, sur mon kit, j’ai deux mètres d’élastique pour développer 16 mètres. De quoi brider le poisson en toute quiétude ! Et tu vois cette perle qui bloque mon élastique à la base du kit, je m’en sers pour diminuer la longueur de l’élastique, pendant le combat. Un peu comme le font les pêcheurs à la mouche lorsqu’il « strippe » et ramène la soie à la main. De cette manière je peux rendre ou reprendre de l’élastique. Ceci me permet de ramener rapidement le poisson et de l’épuisetter aussi vite. Pour le coup au large, j’ai un kit de 3 mètres. Exactement comme le sien mais j’ai 24 mètres d’élastique en laissant la gélule coulisser et lui, il a toujours 6 mètres. Le calcul est vite fait … C’est perdu d’avance !

Et puis, je remarque d’ici, que la cadence de l’agrainage n’est pas régulière. Les poissons mangent sur le fond mais ne restent pas sur le coup. La pêche en carpodrome n’est pas une pêche intuitive, c’est une pêche répétitive qui répond aux nécessités d’un plan d’eau fermé, sans réelle alimentation naturelle. De plus le bruit provoqué lorsque les pellets qui frappent l’eau est plutôt feutré. Ils sont trop petits ou trop légers.

Puis, soudain, il a l’œil qui brille et il me souffle doucement :
Daniel, je vais te livrer un secret ! En morte saison, lorsqu’il n’y a pas de pêcheurs, le propriétaire est obligé d’alimenter les carpes et il utilise des « pellets bon marché ». Peu chers !
Celui qui vient ici avec des produits un peu trop « boostés » à ceci ou à cela, a souvent quelques difficultés pour accoutumer les carpes à cette nourriture inconnue. Donc, à moins de venir très souvent sur le site, il vaut mieux utiliser les pellets du propriétaire ajoute-t-il dans un grand éclat de rires !

Nous nous séparons, complices, jusqu’au bout du scion !

Gérard Trinquier en compagnie de Dominique Rollet, propriétaire du carpodrome d’Aubignan

Remerciements
Le carpodrome d’Aubigan
Rollet Dominique
104 Tour des Remparts – 84810 Aubignan
Port : 06 31 05 41 64
Tel : 04 90 46 03 53

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