Comme sur la plupart des eaux, le repérage des poissons et une connaissance approfondie des lieux sont des facteurs primordiaux pour la réussite sur les lacs de barrage. Les forts marnages que connaissent certaines retenues peuvent faciliter la tâche des pêcheurs qui s’y intéressent.
Le problème des marnages
Contrairement aux gravières et à certains étangs, les lacs artificiels connaissent généralement de fortes variations de niveaux d’eau en fonction des saisons et des conditions climatiques, que ce soient les retenues de moyenne montagne ou certains grands réservoirs de l’est de la France. Les activités économiques et touristiques peuvent ainsi inciter EDF et autres utilisateurs à ouvrir en grand les vannes, aussi bien pour arroser un golf que pour irriguer des plantations, alimenter en eau potable une grande agglomération, produire davantage d’électricité lors des pics de consommation en période de froid… Des arrêtés préfectoraux peuvent interdire la pêche en cas de niveau trop bas sur les retenues du plateau de Langres ou ailleurs. D’autres endroits comme Vouglans, Bort-les-Orgues, Serre-Ponçon ou certains lacs du Massif central, voient leur niveau baisser exagérément en automne afin d’absorber plus facilement les fortes crues hivernales et protéger ainsi les villes en aval. Les marnages sont parfois si importants en certains lieux que la pêche y devient particulièrement périlleuse avec des berges escarpées et à sec, mais aussi avec des mises à l’eau d’accès impossible. Malheureusement pour les pauvres carpistes que nous sommes, ces périodes d’étiage correspondent généralement avec la meilleure saison pour la pratique de notre passion, à savoir en automne.
De bonnes raisons pour s’intéresser aux lacs de barrages…
Si les forts marnages évoqués précédemment ne facilitent guère la tâche des campeurs (je n’ai volontairement pas parlé des pêcheurs…) et incitent certains à délaisser les lacs de barrage, les amoureux de ces destinations trouvent intéressant de prévoir des sessions à différentes périodes, en raison des conditions changeantes et du challenge à chaque fois renouvelé que représente la capture d’une carpe. On est alors loin des pêches stéréotypées ayant cours sur certaines gravières pourtant très techniques, et seule une remise en cause permanente et une bonne adaptation aux conditions rencontrées à un moment donné permettent d’enregistrer des résultats satisfaisants.
Avec un peu d’expérience, le carpiste peut aussi tirer parti des fortes variations de niveau pour améliorer ses résultats. Une importante baisse des eaux découvre les spots habituellement exploités, et tout le monde n’a pas la chance de posséder un side imaging, ou ne sait pas parfaitement l’utiliser… Voir directement les fonds permet d’imaginer les stratégies à mettre en place, de définir le placement des cannes, de rêver un peu avant de tremper ses lignes. Il est possible d’anticiper les déplacements des poissons avec un peu de réflexion, en fonction des saisons et des niveaux d’eau. De même, on peut déterminer plus facilement quels types de postes fréquenteront les carpes, à quelles profondeurs elles trouveront leur zone de confort ou se nourriront, même s’il arrive à tout le monde de se planter, d’où l’importance de prospecter en permanence sans certitudes qui pourraient conduire à passer à côté de sa pêche.
On peut comprendre qu’il est plus facile de trouver les poissons dans un lac qui a fortement baissé et donc perdu en superficie, à condition que les carpes ne se trouvent pas cantonnées dans une réserve démesurée au pied d’un barrage, comme je l’ai vécu lors d’une lors d’une session automnale à Caramany en compagnie de mon ami Lionel. Pour peu qu’une équipe bloque la sortie de réserve, c’est vite la galère pour les autres pêcheurs qui ne peuvent guère espérer une sortie massive des poissons dans ces conditions.
Une forte proportion de la nourriture disponible quand le lac est au taquet se trouve alors hors de portée des poissons. Si les écrevisses et autres invertébrés suivent une lente baisse des eaux, les herbiers, habituels garde-manger des carpes, resteront eux à sec ! Les carpistes ont donc tout à gagner à proposer un amorçage et des appâts de qualité dont mesdames se goinfreront, et ce d’autant plus que cette période coïncide généralement avec l’arrivée de l’automne et des premiers frimas, la principale période de boulimie des poissons. Les carpes semblent réagir favorablement à ces fortes baisses, un peu comme si elles attendaient ce signal pour passer à table.
De la nécessité de suivre les poissons…
Si les carpes des grandes étendues sont très sensibles aux vents dominants, elles semblent moins réceptives aux influences éoliennes sur les lacs encaissés et étroits qui subissent des vents thermiques changeant régulièrement de sens en cours de journée. De manière très générale, les poissons des lacs de barrage ont pour habitude de parcourir de grandes distances en très peu de temps, un peu comme certains de leurs congénères de rivières. Des profondeurs importantes amplifient ce phénomène. J’ai personnellement connu l’expérience frustrante de voir un banc très important de carpes se déplacer sur le Salagou de la base nautique au barrage, et de passer et repasser au-dessus de mes montages sans daigner s’y intéresser. J’en ai pris plein les yeux, à tel point que j’ai cru plusieurs fois que des fishs qui sautaient partout allaient finir leurs cabrioles dans ma barque… Le fait de voir ou d’entendre les carpes se manifester renseigne sur leur présence, mais pas toujours sur les spots qu’elles choisissent pour s’alimenter.
Il arrive fréquemment qu’un banc de carpes stationnant plusieurs jours en un lieu précis disparaisse pour laisser un no fish-land à l’échosondeur… Les raisons pouvant expliquer ce départ sont nombreuses, au premier titre desquelles on trouve bien entendu la pression de pêche. Un changement subit de météorologie peut produire les mêmes effets tout comme une rapide baisse ou montée du niveau d’eau fréquentes sur certaines retenues.
Amorçage lourd ou pêche en assiette ?
Même si on peut trouver des carpes sédentaires en tous lieux de pêche, les carpes des lacs en question se caractérisent par un nomadisme certain. Amorcer lourdement un poste peut s’avérer tout à fait improductif face à des poissons qui ont pour habitude de parcourir de grandes distances pour trouver leur pitance. Hormis par niveau assez haut comme souvent en été, des expériences malheureuses m’ont permis de comprendre qu’il était illusoire de vouloir garder un banc de carpes en activité sur un poste ou même d’espérer les détourner de leurs chemin habituel sur ce type de lac. On enregistre généralement davantage de runs en partant à la recherche des poissons ou en plaçant ses esches sur le trajet qu’ils suivent qu’en attendant que les carpes viennent à soi. Une poignée de billes accompagnées de quelques graines intéresseront plus surement les poissons se nourrissant habituellement de petites bouchées découvertes sous des cailloux tout au long de leurs pérégrinations quotidiennes, une écrevisse par ci, quelques dressènes par là. Je dois cependant avouer n’avoir jamais tenté l’expérience d’un amorçage conséquent de longue durée sur ce type de destination, amorçage plus osé et difficile à mettre en place que sur un lac de plaine aux profondeurs modestes, mais surtout plus facile d’accès. La pêche en assiette ou au spot suffit à déclencher des départs et reste la plus appropriée dans ce cas.
Tout pour la mobilité pour suivre les carpes
Les adeptes du camping trois étoiles risquent d’être déçus en arrivant sur un lac avec des berges en bonne partie à sec. Hormis en saison estivale coïncidant avec la saison touristique et durant laquelle on peut espérer trouver un niveau d’eau à son maximum, les carpistes trouveront des berges escarpées où dormir sur un simple bedchair peut s’assimiler à de l’équilibrisme, ou encore des berges boueuses où l’installation d’un biwy devient problématique. Le choix est donc simple : privilégier le confort en misant sur une pêche de zone en espérant y voir rentrer les poissons, ou tout tenter pour enregistrer un maximum de départs ? Les pêcheurs qui optent pour la seconde solution misent une mobilité extrême et sont équipés en conséquence. On est vite limité en autonomie par la seule utilisation d’un moteur électrique sur les grandes étendues et même sur certaines rivières, car il n’est guère envisageable d’embarquer plus de trois batteries sur son pneumatique. Une barque équipée d’un bon thermique quand il est autorisé permet de se déplacer pour la prospection et d’économiser les batteries. Un thermique est aussi indispensable pour parcourir de grandes distances, en peu de temps et en toute sécurité. Je connais plusieurs carpistes qui se sont retrouvés bloqués en un poste éloigné de toute mise à l’eau, faute d’un matériel permettant d’affronter sereinement les éléments naturels déchaînés comme on en rencontre immanquablement en pratiquant les grands lacs. Une petite annexe est alors suffisante pour échosonder, pour tendre les lignes et combattre les poissons.
Rares sont les périodes où les conditions se trouvent réunies pour enregistrer durablement des départs sur un seul et même poste sur les lacs de moyenne montagne. Il est parfois nécessaire de se déplacer tous les jours pour trouver des carpes en maraude, et même plusieurs fois par jour en certaines occasions. La pêche en alternance sur plusieurs secteurs repérés à l’avance s’avère généralement plus rentable qu’une pêche statique d’attente. L’ultra mobilité est payante mais très contraignante. Mieux vaut donc savoir à quoi s’attendre avant de partir à l’aventure et de s’équiper en conséquence. Vous voilà prévenus, et les lacs de barrage n’attendent plus que vous…